| Le Golden Hind (la Biche dorée) est pour les Anglais un navire mythique 
        : celui des exploits, au XVIe siècle, d'un de leurs plus grands marins 
        et corsaires, Francis Drake (1540-1596) qui termina vice-amiral de la 
        flotte anglaise. Le Golden Hind fut le deuxième navire, après la Victoria, 
        seule rescapée de l'escadre de Magellan, à faire le tour du monde.
 
 Caractéristiques du Golden Hind :
 Longueur : 32 m
 Tirant d'eau : 2,80 m
 Déplacement : 100 tonneaux
 Armement : 14 canons de 18 livres, 12 canons de 9 livres + pièces d'artillerie 
        mobile
 Equipage : 146 hommes
 
 1 - LE PARTAGE DU MONDE ENTRE ESPAGNOLS 
        ET PORTUGAIS
 
 Après la découverte de l'Amérique par Christophe Colomb, les Espagnols 
        entendirent exploiter leurs nouvelles conquêtes sans craindre les prétentions 
        du Portugal. A cette fin, le pape Alexandre VI Borgia dicta le partage 
        des nouvelles terres entre les deux puissances dans sa bulle Inter Cetera, 
        le 4 mai 1493. La bulle donnait à l'Espagne tout ce qui est à cent lieues 
        à l'ouest des Açores. Bien sûr, le rival portugais protesta et, l'année 
        suivante, par le traité de Tordesillas, le roi Jean fit repousser la limite 
        à 370 lieues à l'ouest. De la sorte, six ans plus tard, Cabral pourra 
        revendiquer le Brésil au nom du Portugal.
 
 La France et l'Angleterre se voyaient exclues de ce partage du monde et 
        de ses richesses qu'on imaginait fabuleuses. Les deux pays protestèrent 
        vigoureusement et décidèrent de faire entendre leur voix par les armes. 
        Mais la France se trouva en fait assez gênée : vis-à-vis du Portugal, 
        elle était soit neutre, soit alliée ; vis-à-vis de l'Espagne, elle était 
        liée par la paix intervenue entre François Ier et Charles Quint. Ses corsaires 
        purent agir, mais pas autant que ceux de l'Angleterre qui avaient les 
        coudées franches pour attaquer et piller le commerce espagnol (beaucoup 
        plus présent que le commerce portugais).
 Dès lors, une guerre larvée subsista pendant tout le XVIe siècle, opposant 
        les corsaires anglais aux marchands ibériques. Cette guerre était rendue 
        légale par les nombreuses lettres de marque décernées par les souverains 
        anglais à tout aventurier, repris de justice, écumeur des mers ou gentilhomme 
        reconverti qui désirait en découdre avec la puissance espagnole. De plus, 
        l'Angleterre, convertie au protestantisme, n'accordait aucune valeur aux 
        bulles papales et encore moins à celle qui partageait les continents dans 
        son dos et à son détriment.
 
 2 - LES CORSAIRES FRANÇAIS ET ANGLAIS 
        PILLENT LES GALIONS ESPAGNOLS
 
 Francis Drake est sans aucun doute le plus célèbre et le plus hardi des 
        navigateurs et corsaires anglais de cette époque. En 1572, avec deux bâtiments, 
        il parcourt la mer des Antilles en saccageant tout ce qu'il peut et finit 
        par piller la ville de Nombre de Dios. En 1577, la Couronne apporte une 
        aide financière à la réalisation de son projet grandiose : attaquer les 
        intérêts espagnols dans le Pacifique, c'est-à-dire là où ils ne sont pratiquement 
        pas protégés.
 
 Avec une escadre de cinq unités, dont le Pelican de 100 tonneaux, l'Elisabeth, 
        le Mary Gold, le Swan et le Christopher, il longe la côte de l'Amérique 
        du Sud et perd un à un tous ses navires. Seul subsiste le Pelican qu'il 
        rebaptise Golden Hind. Avec ce seul bâtiment, une fois passé le détroit 
        de Magellan, il remonte vers le nord le long de l'Amérique. Au passage, 
        il saccage les établissements espagnols, pille les navires marchands et 
        capture le plus grand galion du Pacifique, le Nuestra Senora de la Concepcion, 
        chargé de tout l'or et l'argent amassés dans les mines des Andes pendant 
        une année. Drake le saisit intact et s'empare de toute la cargaison. Dans 
        l'hémisphère nord, le Golden Hind atteint le 43e parallèle et cherche 
        un passage pour regagner l'Atlantique. Le corsaire n'ose pas s'aventurer 
        plus loin et fait demi-tour.
 Peu après, il entre dans la baie de San Francisco, qu'il baptise Nouvelle 
        Albion. Le retour en Europe se fait par l'océan Indien et le cap de Bonne 
        Espérance.
 Le Golden Hind arrive à Plymouth le 26 septembre 1580. La reine Elisabeth 
        vient l'accueillir en personne et monte à bord du navire. Drake est fait 
        sir et vice-amiral de la flotte anglaise.
 
 3 - LA RÉACTION ESPAGNOLE : LES 
        CONVOIS
 
 La Couronne d'Espagne se devait de réagir pour contrecarrer ces attaques 
        incessantes de corsaires et de pirates tout au long de ses routes maritimes. 
        En 1503, par le truchement de la Casa de la Contactacion de las Indias, 
        elle imposa à tout vaisseau allant aux Indes un armement minimal ainsi 
        qu'un contingent de soldats. Cette mesure ne suffit pas. Il fallut en 
        venir aux convois de galions marchands escortés de navires de guerre.
 
 La Couronne d'Espagne se devait de réagir pour contrecarrer ces attaques 
        incessantes de corsaires et de pirates tout au long de ses routes maritimes. 
        En 1503, par le truchement de la Casa de la Contactacion de las Indias, 
        elle imposa à tout vaisseau allant aux Indes un armement minimal ainsi 
        qu'un contingent de soldats. Cette mesure ne suffit pas. Il fallut en 
        venir aux convois de galions marchands escortés de navires de guerre.
 
 Dans l'Atlantique, la logistique mise au point porta le nom de carrera 
        de Indias. Chaque année, à la fin du printemps, deux convois quittaient 
        Cadix, seul port d'armement espagnol. Après dix jours de navigation et 
        une escale aux Canaries, ils profitaient des alizés pour gagner en un 
        mois les petites Antilles. Là, les convois se séparaient : l'un se dirigeait 
        vers la Nouvelle Espagne et le port de Veracruz, l'autre vers Carthagène 
        ou Porto-Bello en Terre-Ferme (Colombie actuelle). Les deux trajets étaient 
        faits à nouveau en un mois.
 Les vaisseaux apportaient des denrées européennes : blé, farine, huile, 
        vins, toiles de lin, de chanvre, lainages, soieries, quincaillerie, mercerie, 
        etc. Au retour, l'année suivante, les navires quittaient les Amériques 
        avant la fin du mois de juin, c'est-à-dire avant la période des cyclones. 
        Ils se rassemblaient à la Havane pour traverser l'Atlantique en convois 
        et gagner Cadix en une dizaine de semaines. Le chargement était constitué 
        de cuir, de plantes comme l'indigo ou la cochenille, de sucre, de tabac 
        et surtout de métaux précieux.
 Quant à l'océan Pacifique, il était considéré comme un espace espagnol 
        entouré de ports espagnols. Les corsaires y étaient rares. Seule une expédition 
        ennemie montée dans les règles de l'art pouvait y menacer le commerce.
 Le gouvernement espagnol préféra se reposer sur l'espionnage. Informé 
        du danger suffisamment tôt, il était plus efficace de monter une contre-expédition 
        pour repousser l'adversaire.
 C'est ce qu'il fit en 1740 lorsqu'il entendit parler de l'escadre anglaise 
        du commodore Anson, armée pour aller «faire tout le mal possible 
        aux établissements espagnols le long de la côte sud-américaine du Pacifique». 
        De fait, dans cet océan, les autorités ibériques choisirent une logistique 
        de transport très particulière : les riches marchandises de l'Insulinde 
        et de la Chine dans un sens et l'or dans l'autre transitaient entre les 
        continents au moyen d'un galion fortement armé qui naviguait seul. Ce 
        voyage avait lieu une ou deux fois dans l'année et le principe dura pendant 
        250 ans, jusqu'au début du XIXe siècle. C'était le fameux galion de Manille.
 
 4 - FRANCIS DRAKE FACE A L'INVINCIBLE 
        ARMADA
 
 Philippe II lança l'Invincible Armada sur les mers en 1588. Le plan espagnol 
        prévoyait le débarquement en Angleterre de l'armée d'Alexandre Farnèse 
        qui guerroyait en Flandres. L'Armada avait pour mission de disperser la 
        flotte anglaise. Après une première attaque de Drake le 21 juillet, elle 
        entre dans la Manche et subit les assauts répétés, mais jamais décisifs, 
        des navires anglais. En fait, elle use ses vivres, ses munitions, accroît 
        sa fatigue, tandis que les Anglais, proches de leurs bases, se ravitaillent 
        et se réarment sans cesse. Le 28 juillet, l'Armada, au mouillage devant 
        Calais, subit une attaque de brûlots (petits bâtiments que l'on incendie 
        et qu'on laisse dériver vers les navires ennemis) qui provoquent la panique 
        et de grands dommages. Le chef de l'Armada, le duc de Medina Sidonia, 
        décide d'abandonner la partie et de rentrer en Espagne par la route du 
        Nord, celle qui contourne l'Ecosse. Une fois à sa base, la flotte espagnole 
        a perdu 64 navires et plus de 10 000 hommes. La défaite de l'Invincible 
        Armada redistribue les cartes en Europe et signe l'avancée inexorable 
        de l'Angleterre sur la scène européenne, puis mondiale.
 
 En juin 1596, une flotte anglo-hollandaise lança une attaque surprise 
        sur Cadix. De gros navires de guerre espagnols (dont le San Felipe) sont 
        pris ou détruits. Un peu plus tard, 40 navires marchands incluant un convoi 
        des Caraïbes avec sa riche cargaison sont brûlés pour ne pas être capturés 
        par les Anglais. En réponse la Couronne d'Espagne envoya une deuxième 
        Armada en 1596. Elle fut dispersée par les tempêtes. 25 navires (essentiellement 
        des transports de soldats) se brisèrent sur les récifs près du Ferrol.
 A l'automne 1597 une troisième Armada quitta la ville du Ferrol avec 136 
        navires, 4000 marins et 8600 soldats pour attaquer la ville anglaise de 
        Falmouth en Cornouailles et y débarquer une armée. Arrivée sans avoir 
        été repérée, elle fut à nouveau dispersée par les tempêtes automnales 
        en Manche. 28 navires furent perdus.
 
 Après la mort de Philippe II, son successeur Philippe III préféra user 
        de l'embargo à l'égard des navires hollandais, ce qui revenait à cesser 
        le commerce avec l'ennemi. En 1599 les Anglais eurent vent d'une nouvelle 
        Armada lancée contre eux par les Espagnols. En fait, il s'agissait simplement 
        de transférer 6 galères en Hollande, d'où son surnom d'«Invisible 
        Armada».
 
 5 - FRANCIS DRAKE ET LE GOLDEN HIND FACE 
        A L'HISTOIRE
 
 La reconstitution du Golden Hind a été lancée en 1973 en Angleterre pour 
        des Américains. Ce voilier a une longueur de 37 m hors tout. Quand il 
        n'est pas loué pour des films ou des opérations publicitaires, il sert 
        de musée flottant à Londres. Entre 1974 et 1980, il a refait le tour de 
        monde de Francis Drake.
 
 Ci-contre une création de la Monnaie de Paris sur les boucaniers et pirates 
        des XVIIe et XVIIIe siècles (Monbars, l'Olonnois, Henry Morgan, etc.) 
        Rappelons que pour les Espagnols Francis Drake n'était autre qu'un pirate 
        qui aurait été pendu s'il avait été pris. La décision de la reine Elizabeth 
        Ière de l'accueillir en personne au retour de son tour du monde (elle 
        l'appela «My pirate») a été ressentie comme une provocation 
        par le Couronne d'Espagne. Les deux pays en viendront à une guerre ouverte 
        quelques années plus tard.
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