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galion espagnol
Nuestra Senora de Atocha
Santissima Madre

La Nuestra Señora de Atocha est le type de navire ibérique qui assurait le transport des marchandises entre l'Espagne et les Amériques aux XVIIe et XVIIIe siècles. On remarquera un château avant fortement abaissé : le navire en devient plus équilibré, plus maniable, la navigation plus aisée que celle que permettaient les caraques du XVIe siècle. Le château arrière est nettement surélevé : cette caractéristique subsistera tout au long du XVIIe siècle dans toutes les marines européennes.
Le galion servait au transport, mais non à la défense des eaux territoriales, des îles et des ports. D’où la nécessité, pour échapper à l’ennemi hollandais, anglais ou français, de se grouper en convois protégés par des vaisseaux de guerre.
Les galions possédaient peu de sculptures, mais ils étaient énormément peints et arboraient beaucoup d’oriflammes.

À gauche, le galion espagnol Nuestra Señora de Atocha. A droite, la Santissima Madre (lancé en 1742). La Vierge sur le tableau de poupe reste une constante.

La caraque atlantique est le navire de transport utilisé par les Espagnols et les Portugais au début du XVIe siècle pour rallier les côtes des Indes occidentales. Ses lignes la placent entre le navire marchand médiéval (la caraque proprement dite) et le galion qui va se répandre sur les océans aux XVIe et XVIIe siècles.
La surélévation des gaillards d'avant et d'arrière est un élément remarquable : le bâtiment est issu d'une époque où l'abordage constitue encore l'élément majeur du combat naval, l'artillerie étant trop faible pour prétendre à la meilleure part.
Selon cette vision du combat, il est indispensable d'être très haut sur l'eau afin de dominer le navire ennemi et de s'en emparer à l'abordage.

La caraque atlantique

Les choses commenceront à changer avec la lutte qui opposera l'Invincible Armada à la flotte anglaise en 1588. Se sachant inférieure dans la stratégie de l'abordage, l'Amirauté anglaise restera soigneusement à distance des navires espagnols pendant la traversée de la Manche et choisira de faire confiance à la qualité de son artillerie embarquée. Cette tactique gagnante (ou à tout le moins qui permettait de ne pas entamer ses forces) sera utilisée contre les autres armada lancées par les Espagnols contre l'Angleterre (en 1596 & 1597)... en plus de la tempête qui favorisera les insulaires. Dès lors, la tactique de l'abordage laisse définitivement la place aux affrontements navals à coups de canons.

Caraque atlantique
la poupe de la Nuestra Senora de Atocha
Les décorations de poupe du galion Nuestra Señora de Atocha sont reproduites par une magnifique marqueterie utilisant trois essences de bois. Elle symbolise les peintures de jadis (ici un modèle non gréé).

Le galion espagnol est issu de la transformation progressive de la caraque par l’allongement de la coque et la réduction des superstructures. Dans la deuxième moitié du XVIe siècle les galions s’apparentent encore à des vaisseaux de haut bord conçus pour le combat proche et la prise à l’abordage du navire ennemi. Ils sont équipés de hauts châteaux en retrait de la proue et des flancs, tandis que leur tonnage s’accroît sans cesse (jusqu’à 500 tonneaux).
Philippe II convoque le premier colloque sur la construction navale en 1581 pour définir les mesures et la robustesse des nouveaux galions : les galions royaux. Le désastre de l'Invincible Armada (1588) pousse la Couronne d’Espagne à les améliorer. Se pose alors le grave problème de la qualité des bois et des constructeurs. Le bois américain se révèle de meilleure qualité. La Havane va s’imposer comme un important arsenal.

Au début du XVIIe siècle, le profil du galion est bien défini : ses mesures sont régies par une ordonnance de 1607 et à nouveau en 1613 (dimensions, chargement, quille, tirant d’eau, armement). Le galion du XVIe siècle ne naviguait pas à plus de six nœuds. Vers 1620, on résolut d’en modifier encore le tracé, le tonnage et les proportions afin d’accroître sa vitesse pour le combat. Le galion va s'affiner, avec une artillerie répartie sur deux ponts (un seul serait trop alourdi).

  galion espagnol

L’intervention de la France dans la guerre de Trente Ans marque pour l’Espagne une série de désastres maritimes en 1638 et 1639. La construction navale est presque complètement anéantie dans la péninsule. Ne subsistent plus que les chantiers du Nouveau Monde. Les derniers galions disparaissent au début du XVIIIe siècle dans les défaites navales à répétition face aux escadres anglaises.

En 1721, un ordre royal remplace le galion par un autre type de vaisseau. Enfin, en 1778, Charles III décrète la fin de la flotte des Indes ; en 1789, le libre commerce avec l’Amérique scelle la fin de l’ère des galions.

galion espagnol
l'éclaté de la Nuestra Senora de Atocha

A partir du XVIe siècle, les Espagnols et les Portugais acquièrent de gigantesques territoires dans les Amériques et en Insulinde. Ces pays fournissent des denrées très recherchées en Europe : sucre, tabac, thé, café, épices, indigo, sans oublier les métaux précieux. Le transport de ces marchandises entre les colonies et la métropole nécessite la création d'une vaste flotte de commerce qui suit des parcours maritimes précis, souvent sous la protection de vaisseaux de guerre.
Les Portugais ont peu à peu été chassés de leurs colonies de l'archipel de la Sonde par les Hollandais. De ce fait, leurs caraques se concentrent essentiellement sur le trajet entre l'Europe et le Brésil.

Les Espagnols, quant à eux, sont à la tête d'un empire immense et doivent rapatrier régulièrement les produits tropicaux et les métaux précieux depuis la façade atlantique des Amériques. Pour se protéger des corsaires et des pirates, les bâtiments marchands naviguent en convois escortés de navires de guerre. C’est la carrera de Indias. Chaque année, à la fin du printemps, deux convois quittent Cadix. Après dix jours de navigation et une escale aux Canaries, ils profitent des alizés pour gagner en un mois les petites Antilles. Là, les convois se séparent : l'un se dirige vers la Nouvelle Espagne et le port de Vera-Cruz, l'autre vers Carthagène ou Porto-Bello en Terre-Ferme (Colombie actuelle). Les deux trajets sont faits à nouveau en un mois.

A gauche, l'ensemble de l'éclaté de la Nuestra Señora de Atocha, 1620

Les vaisseaux apportent des denrées européennes : blé, farine, huile, vins, toiles de lin, de chanvre, lainages, soieries, quincaillerie, mercerie, etc. Au retour, l'année suivante, les navires quittent les Amériques avant la fin du mois de juin (période des cyclones). Ils se rassemblent à la Havane pour traverser l'Atlantique en convois et gagner Cadix en une dizaine de semaines. Ils sont chargés de cuir, de plantes comme l'indigo ou la cochenille, de sucre, de tabac et surtout de métaux précieux.
A côté des flottes officielles, il existe un important trafic de contrebande ou «interlope» auquel participent Britanniques, Hollandais et Français. Ces pays envoient des vaisseaux dans l'Amérique espagnole pour commercer directement avec les colons. Les autorités ferment les yeux moyennant le versement d'un «cadeau».

L'éclaté de la Nuestra Señora de Atocha (à droite et ci-dessous)


1 pain et approvisionnement de bouche
2 réserves d'eau
3 lingots d'argent et de cuivre dans la «cale au trésor»
4 magasin du navire où l'on entrepose des provisions diverses
5 magasin à poudre et à boulets
6 magasin où est stocké du numéraire à titre privé
7 marmite de l'équipage au-dessus de son puits

l'éclaté de la Nuestra Senora de Atocha, partie centrale
l'éclaté de la Nuestra Senora de Atocha, partie avant

Le cadre du Pacifique est totalement différent. Sur les rivages de cet océan, les Espagnols sont les seuls en Europe à posséder des établissements. Ils y pratiquent le cabotage le long de la côte américaine. Quant aux échanges entre l'Asie et l'Amérique, ils utilisent le fameux galion de Manille.

Le galion de Manille assure pendant deux cent cinquante ans le transport des marchandises et des richesses entre Acapulco et Manille. De l'Amérique vers les Philippines, le trajet reste au niveau du tropique du Cancer en bénéficiant des alizés. Au retour, en revanche, il monte largement dans l'hémisphère Nord pour, cette fois, échapper aux alizés. Un seul galion fait le voyage, parfois deux.
La route vers les Philippines est achevée en trois mois ; le retour est plus long (quatre à six mois) et périlleux à cause du gros temps et des maladies. Beaucoup de navires sont engloutis par les flots. En direction d'Acapulco, il transporte les richesses des Indes orientales et de l'Asie : épices, soieries, porcelaines de Chine et tout ce que les marchands indiens ou les colons souhaitent revendre sur la côte du Mexique. Il revient avec une cargaison en argent et monnaie afin surtout d'assurer le bon fonctionnement de l'économie des Philippines.

l'éclaté de la Nuestra Senora de Atocha, la poupe
Ci-dessus, une vue d'ensemble de la poupe de l'éclaté

A droite, la superbe marqueterie de la maquette où les trois essences de bois
(pin, bois de natte et ébène) tentent de lui redonner l'aspect que le navire
pouvait avoir, paré de multiples couleurs.

Le bâtiment est souvent assez fortement armé (il peut aller jusqu'au vaisseau de plus de quatre-vingts canons), capable de s'opposer victorieusement aux bâtiments ennemis attirés par ses richesses. Tous les marins européens, à l'époque, ont entendu parler du galion de Manille. Son éloignement - l'océan Pacifique -, sa cargaison fabuleuse, sa navigation en solitaire et le fait qu'il n'y en ait que deux par an, tout concourait, parmi les équipages des flottes adversaires de l'Espagne, à rendre ce galion mythique. Sa capture restait un rêve inaccessible.

Nuestra Senora de Atocha, partie centrale

Dans un océan exclusivement espagnol et bordé de ports espagnols, il était très difficile de s'emparer du galion de Manille. Les Anglais montèrent une puissante expédition navale en 1743, lors de la guerre de l’Oreille de Jenkins. Le commodore George Anson quitta l'Angleterre avec six navires de guerre pour attaquer les possessions espagnoles le long de la côte pacifique de l'Amérique du Sud, puis, si possible, en remontant vers le nord, capturer le galion. Le commodore et sa flotte devaient en fait boucler un véritable voyage autour du monde.
Après avoir raté sa prise au large d'Acapulco, il réussit à bord du Centurion, vaisseau de soixante canons et seul rescapé de toute l'escadre, à s'emparer du fameux galion au large des Philippines en juin 1743. Pour l'histoire, cette glorieuse prise eut lieu cap Espiritu Santo dans l'île Samal. Le galion était la Nuestra Señora de Cabadonga, armée de trente-six canons, vingt-huit pierriers et comprenait cinq cent cinquante hommes d'équipage. Comme l'a écrit le narrateur du Voyage autour du Monde, la joie des marins anglais, conscients d'avoir concrétisé un rêve, fut indescriptible. On estima la valeur du butin à un million et demi de piastres.
Les Espagnols mirent fin au galion de Manille au début du XIXe siècle.

galion espagnol

Prise du galion de Manille, la Nuestra Señora de Cabadonga en juin 1743, par le vaisseau anglais Centurion du commodore Anson au cap Espiritu Santo dans l'ile de Samal, aux Philippines.

Atocha