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L'abbatiale Saint-Austremoine d'Issoire
a été construite au XIIe siècle. Une date plus
précise est impossible car le chartrier du monastère
dont elle relevait a été brûlé par les
troupes à la solde des protestants en 1575. L'histoire de
l'abbatiale commence par un très ancien monastère
bénédictin, où la légende a sa part.
Celle-ci mentionne le IIIe siècle, mais les historiens retiennent
le IXe. Un document de l'an 927 parle d'une abbaye Saint-Austremoine.
On trouve ensuite la trace d'une église dédiée
à saint Pierre et saint Austremoine, ce qui nous porte au
Xe siècle. La prospérité du petit monastère
(vingt à trente moines) lui aurait néanmoins permis
de reconstruire son église abbatiale au XIIe siècle
en utilisant une partie de l'ancienne (le narthex actuel). Au XVe
siècle, le nombre de moines est réduit - d'autorité
- à vingt.
Les guerres de Religion répandent leur lot de destructions
en Auvergne. Les protestants s'emparent d'Issoire en 1575, saccagent
l'abbatiale en tuant quelques moines, détruisent chartrier
et mobilier. Avec les combats de la Ligue (1585-1589), c'est la
surenchère de destructions et d'appauvrissement. L'abbatiale
ne s'en sortira pas. Au XVIIe siècle, la prospérité
n'est plus qu'un souvenir et la ruine est au bout du chemin. Même
si l'abbatiale rejoint la Congrégation de Saint-Maur en 1665,
le manque de fonds empêche toute réparation sérieuse.
La Révolution, en supprimant les ordres religieux, clôt
l'histoire du monastère. Les bâtiments sont alors désaffectés
et restent à l'abandon.
Le XIXe siècle va restaurer les édifices. Les bâtiments
sont en partie transformés en collège. Quant à
l'église (qui devient paroissiale), elle reprendra vie mais
en plusieurs étapes. En 1835, elle est classée Monument
historique et les premiers travaux peuvent commencer. En 1837, Mérimée
voyage en Auvergne et inspecte le chantier (voir plus
bas). Dans la décennie suivante, la restauration s'amplifie
: la façade occidentale est refaite, deux clochers sont ajoutés,
le mur sud est reconstruit ; ensuite vient l'intérieur avec
la colorisation intégrale de l'édifice par Dauvergne
et Mayoli en 1859.
Bien que l'abbatiale soit présentée comme un monument
du XIIe siècle, elle appartient en fait davantage au XIXe.
Néanmoins, quelques éléments anciens la rangent
dans les places d'honneur du roman auvergnat : son magnifique chevet
à cinq chapelles rayonnantes (restauré en 1995), orné
d'un zodiaque
en bas-relief, et son chur
(avec le déambulatoire)
embelli de chapiteaux
à scènes historiées, dont la célèbre
Cène. La
crypte, au-dessous
du chur, est la seule partie de l'édifice à
ne pas avoir subi les assauts des peintres, une raison supplémentaire
pour la visiter si vous passez à Issoire. On notera également
la belle peinture du Jugement
dernier (XVe siècle) dans une chapelle du narthex.
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Vue d'ensemble de la nef.
L'il du visiteur est immédiatement frappé par
les décorations des piliers et de la voûte qui envahissent
tout l'espace. |
La célèbre abside romane de l'abbatiale d'Issoire.
Sous le clocher octogonal se tient le massif barlong et ses
neuf baies,
dont six sont ouvertes. Ce massif se prolonge, au nord et au
sud, par les
la toiture des croisillons du transept. |
Architecture
extérieure. L'église d'Issoire
est avant tout réputée pour son magnifique
chevet (photo ci-dessus), un chevet typique du
style roman tel qu'on l'observe dans les grandes églises
médiévales : une succession d'absidioles
en arrondi, avec un petit vitrail sur chaque face et
des modillons sous la corniche des toitures. Cela rappelle
le chevet de la Charité-sur-Loire
et celui de Saint-Martin-de-Boscherville.
La caractéristique d'Issoire est que la chapelle
axiale est de plan rectangulaire et non circulaire.
Mis à part le chevet, une grande partie de l'architecture
extérieure date du XIXe siècle. La façade
ouest (austère et sans aucun cachet, photo
ci-dessous) a été créée
par l'architecte Mallay en 1841. Le côté
sud de l'abbatiale (non donné ici) a été
remanié lors du percement du passage qui le longe.
Le clocher oriental est l'uvre de ce même
architecte Mallay qui en a établi le dessin en
1845. Le clocher occidental est nouveau lui aussi (il
y en avait deux au XVIe siècle). Enfin, la couverture
de l'église a été entièrement
refaite en 1850 en pierre de Volvic (la précédente
était en tuiles).
Le côté nord, dont une photo est
donnée ci-contre, nous vient de l'époque
médiévale. On y trouve l'agencement classique
des grands édifices romans : grandes arcades
correspondant aux arcs-doubleaux de la voûte (bien
qu'un seul arc-doubleau soit présent - voir commentaire
plus bas) ; au-dessus, une arcature constituée
d'une suite d'arcs en plein cintre groupés en
triplets. Sur cette arcature, les chapiteaux sont à
feuillage ou présentent de simples entrelacs.
Signalons, sur le côté nord, trois bas-reliefs
dont on ne connaît pas la provenance : la visite
des trois anges à Abraham, le Sacrifice
d'Isaac et un troisième, la Multiplication
des pains, situé juste au-dessus de la porte
nord. Les trois bas-reliefs sont donnés ci-dessous.
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Les clochers de l'abbatiale datent du XIXe siècle.
La photo est prise ici depuis le sommet de la Tour
de l'Horloge, accessible aux touristes. |
L'appareillage roman du côté nord et le clocher
carré occidental. |
Les signes de la Vierge et de la Balance sur le fronton de la
chapelle axiale. |
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La façade occidentale.
D'aspect très décrié, elle date de 1841.
Le portail principal (photo au-dessous, à droite)
s'inspire d'un style roman traditionnel. |
«La Multiplication des pains»
Bas-relief médiéval au-dessus de la porte nord. |
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La décoration
de l'abside et le zodiaque. Le chevet de l'abbatiale
Saint-Austremoine, érigé au XIIe siècle,
est célèbre pour la beauté de son ordonnancement
et de son appareillage, mais aussi parce qu'il est le seul,
dans la région, à proposer un zodiaque.
La richesse de la décoration est d'abord obtenue par
l'emploi de plusieurs types de pierres sorties de l'univers
volcanique auvergnat. Ces pierres garantissent d'ailleurs
la variété des teintes. La principale est l'arkose
blonde de Montpeyroux. On trouve aussi de la pierre de lave
noirâtre et de la trachyte (pierre volcanique explosive).
Quand on combine ces pierres avec les motifs géométriques
et les scènes sculptées en bas-relief, on aboutit
à un chevet qui est présenté comme l'un
des chefs-d'uvre de l'art roman en Auvergne. En 1924,
à l'occasion du Congrès archéologique
de France, l'architecte Charles Terrasse nous en donne
une courte description : «Les corniches, ornées
de billettes, sont portées par des modillons à
copeaux ; le plafond de ces corniches est orné de figures
en creux qui affectent la forme d'étoiles ou de quadrilobes.»
Et encore : «Des motifs géométriques incrustés
garnissent le sommet des murs des absidioles, des chapelles,
du transept. Les dessins mis en uvre sont variés.
Ce sont des triangles, des cercles qui se coupent de façon
à détacher des carrés évidés
sur fond blanc, des losanges réguliers et divergents,
des étoiles à huit branches inscrites dans des
cercles de couleur blanche.»
Point remarquable de cette décoration, le zodiaque
se compose d'une série de médaillons sculptés,
de fort belle qualité, répartis sur les absidioles.
Le zodiaque est un très ancien symbole païen.
Cependant, par le biais de la symbolique des nombres, il s'est
facilement intégré à l'iconographie chrétienne.
On a ainsi douze comme les douze apôtres ou les douze
tribus d'Israël. Mais douze, c'est aussi trois fois quatre.
Trois, c'est la Trinité et le chiffre quatre symbolise
les choses matérielles de notre monde mortel. Douze,
c'est ainsi le monde vivant ou, mieux, la matière pénétrée
par l'esprit.
Détails pratiques : les médaillons de la Vierge
et de la Balance se situent en vis-à-vis sur le fronton
de la chapelle axiale (photo ci-dessus) ; le médaillon
du Bélier est tombé en 1891 et a donc été
refait à l'époque ; ceux de la Vierge, de la
Balance et du Sagittaire (qui paraissent bien neufs sur les
photos - voir plus
bas) ont été refaits à leur tour
lors de la restauration de 1995. Huit de ces signes du zodiaque
sont reproduits plus
bas.
Sources : 1)
Congrès archéologique de France
tenu à Clermont-Ferrand en 1924, article sur l'abbatiale
d'Issoire par Charles Terrasse ; 2) L'abbatiale Saint-Austremoine,
brochure réalisée par la Paroisse de Saint-Austremoine
(2004).
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Le portail de la façade ouest (XIXe siècle). |
«La visite des trois anges à Abraham»
Bas-relief sur le côté nord.
Époque et provenance indéterminées. |
«Le Sacrifice d'Isaac»
Bas-relief sur le côté nord.
Époque et provenance indéterminées. |
La
«dérestauration» de la toiture de
Saint-Austremoine. La photo ci-dessus
donne un bon aperçu de la très belle toiture
de l'église d'Issoire. Elle fait honneur au monument,
mais elle est loin d'être du XIIe siècle.
Un article de la Revue d'Auvergne, écrit en 1999
par François Voinchet, architecte en chef des
Monuments Historiques, dévoile les clés
de l'affaire. L'architecte Mallay, qui a déjà
créé la façade occidentale en 1845
en s'inspirant de vraies créations romanes, baignait
dans un univers architectural faussé par la fierté
que donnaient la science et le savoir. «Au XIXe
siècle, écrit François Voinchet,
la manière d'envisager les travaux est dénaturée
par la connaissance archéologique que l'on croit
posséder, et qui conduit à imaginer des
reconstructions "historiques" à partir
d'observations souvent partielles et superficielles».
Le XIXe siècle a vu apparaître les premières
machines, l'électricité, la science et
les premiers moteurs. Posons la question : Est-ce cette
supériorité sur les époques précédentes
qui a fait tourner la tête de nos architectes
en les poussant à modifier ce que leurs prédécesseurs
ne se seraient jamais permis de changer? Chacun donnera
sa réponse.
Quoi qu'il en soit, en plus de la façade de l'abbatiale,
Mallay fut en charge de la réfection de sa toiture.
Sur les toits de l'église romane de Saint-Nectaire,
il avait, peu auparavant, découvert des restes
de dalles de pierre et il était bien décidé
à réutiliser ce procédé.
Comme le souligne François Voinchet, c'est dans
les toitures romanes que se niche l'imagination des
architectes du XIXe siècle. En effet, ceux-ci
ont un peu vite généralisé ce que
leur observation y avait trouvé. C'était
oublier que «les couvertures originelles avaient
été remplacées au cours du temps
par des matériaux qui correspondaient aux façons
de faire des différentes époques.»
Et François Voinchet ajoute : «On ne saura
plus jamais comment étaient couvertes les églises
au XIIe siècle, parce que les restaurations du
XIXe siècle ont achevé de détruire
les quelques vestiges qui pouvaient encore subsister.»
Heureusement il nous reste les rapports détaillés
rédigés par les architectes avant d'engager
les restaurations. On sait ainsi que l'église
d'Issoire était couverte de tuiles canal en terre
cuite.
Toujours est-il que l'architecte Mallay remplaça
la toiture traditionnelle par un revêtement «qu'il
jugeait plus digne d'un monument historique roman»
[Voinchet]. Il appliqua sa découverte de «dalles
de pierres» de Saint-Nectaire en créant
un nouveau système de dalles en pierre de Volvic
taillées. L'étanchéité des
joints serait assurée par un ciment dit «lithique»
que l'on venait d'inventer. Conformément à
l'esprit du temps, Mallay regardait son invention comme
le dispositif idéal pour souligner le génie
de l'architecture romane à travers le monument
restauré. Idéal aussi pour défier
l'usure du temps par une solidité sans failles.
Comme chacun aura pu le deviner, ce nouveau dispositif
n'avait nullement été testé. Quand
les pluies arrivèrent et redoublèrent,
ce fut la catastrophe ! François Voinchet écrit
à ce sujet :«les fuites abondantes commencèrent
presque aussitôt et persistèrent jusqu'à
nos jours, malgré d'innombrables efforts destinés
à les réduire (...). En fait, il s'avéra
une fois de plus qu'aucun procédé nouveau
qui n'avait pas fait ses preuves n'était capable
de résister aux conditions atmosphériques
les plus élémentaires telles que les chocs
thermiques ou les phénomènes de capillarité.»
La solution la plus évidente fut adoptée
par les Monuments Historiques lors de la restauration
des années 1990 : la couverture en pierre, sortie
de l'imagination de Mallay, fut supprimée sans
état d'âme et remplacée par une
couverture en tuiles creuses, semblable à celle
qui était en place avant la restauration du XIXe
siècle. Et notre architecte en chef des Monuments
Historiques de conclure : «Il s'agit donc ici
d'une véritable "dérestauration"
d'un travail du XIXe siècle. Bien qu'il soit
de bon ton de se garder de toute considération
d'ordre esthétique, il faut reconnaître
que l'abside d'Issoire a retrouvé une harmonie
tout à fait exceptionnelle à la suite
de ces travaux.»
Source :
L'invention de l'art roman au XIXe siècle,
Revue d'Auvergne n°4, 1999, Faut-il restaurer les
restaurations du XIXe siècle? par François
Voinchet, architecte en chef des Monuments Historiques.
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Le côté sud, le croisillon sud et
le clocher octogonal du XIXe siècle. |
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La féerie romane à l'abside (signes du zodiaque, cordons de billettes,
damiers, etc.) doit beaucoup à l'excellente restauration de 1995. |
LES SIGNES DU ZODIAQUE AU CHEVET |
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Le Bélier (refait vers 1891) |
Le Sagittaire (refait en 1995) |
La Vierge (refait en 1995) |
La Balance (refait en 1995) |
Le Verseau |
Les Gémeaux |
Le Capricorne |
Le Taureau |
Prosper
Mérimée à Issoire. En 1835,
l'abbatiale Saint-Autremoine est classée Monument historique.
L'État prend alors en charge les travaux de restauration.
Les architectes Bravard (d'Issoire) et Mallay (de Clermont)
sont missionnés : réparation du chevet et consolidation
des murs ; au côté nord, démolition de
deux chapelles construites aux XIIIe et XVIe siècles
et rétablissement de la porte nord.
En 1837, Prosper Mérimée, inspecteur général
des Monuments historiques, passe à Issoire, regarde
le résultat des travaux et, très satisfait,
rend compte à son ministre de tutelle. Donnons ici
un extrait de ses notes : «Après les traits de
vandalisme que je viens de citer [ceux des architectes antérieurs
à Bravard et Mallay], j'éprouve un vif plaisir
à vous annoncer, Monsieur le Ministre, qu'aujourd'hui
l'église d'Issoire n'est plus exposée à
de pareils outrages. Les réparations, auxquelles vous
avez bien voulu contribuer, ont été exécutées
avec intelligence par M. Bravard, architecte de la ville,
qui a mis la plus louable attention à copier d'après
des types existants toutes les parties qu'il a dû restituer.
Beaucoup de modillons, quelques croix grecques, et une grande
partie de l'arête de comble ont été refaits
avec tant de soin et de précision, que leur couleur
seule les distingue des parties anciennes. Si l'on considère
que M. Bravard n'avait pour exécuter ces travaux que
les ouvriers de la ville, qu'il a dû former lui-même
et surveiller de manière à ne pas leur permettre
de donner un seul coup de ciseau d'après leur routine,
le résultat obtenu paraîtra bien plus extraordinaire.
Je ne dois point oublier les soins et le zèle déployés,
à cette occasion, par M. Troison, maire d'Issoire.
Plus que personne, il a contribué à ouvrir les
yeux de ses concitoyens sur l'importance de leur église,
et la sage économie qu'il a su apporter dans l'administration
des dépenses lui a permis de pousser les réparations
beaucoup plus loin qu'on n'aurait osé l'espérer.»
Source : Note d'un voyage
en Auvergne par Prosper Mérimée,
éditions Adam Biro, 1989.
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L'absidiole du croisillon nord et son ornementation du XIXe siècle. |
LA NEF DE L'ABBATIALE
SAINT-AUSTREMOINE |
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Plan de l'abbatiale. |
Chapelle du Calvaire. |
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Élévations sud dans la nef avec la chaire
à prêcher.
Les tribunes sont éclairées par les petites
fenêtres du second niveau. |
Architecture
intérieure (1/2).
Quand on rentre dans l'abbatiale, on est surpris
par le profusion de couleurs qui envahissent la
nef. Tous ces dessins du XIXe siècle, un
peu stéréotypés, ne permettent
pas d'apprécier l'architecture romane de
l'édifice, typique de l'Auvergne. Seule
la crypte,
non peinte, offre aux visiteurs une structure
brute.
Saint Austremoine, construite au XIIe siècle,
possède la nef la plus large de toutes
les nefs romanes d'Auvergne : 7,81 mètres
à la hauteur de la première rangée.
Son aspect général est celui d'une
grande homogénéité architecturale,
ce qui porte à penser que l'édifice
a été bâti d'un seul tenant.
En fait, la nef recèle de nombreuses petites
disparités : d'abord au niveau de la forme
des piliers (à massif carré ou circulaire)
; ensuite sur les colonnes engagées intérieures
à la nef ou internes à l'arcature
(elles sont présentes ou non d'une manière
qui semble tout à fait aléatoire)
; enfin au niveau de l'arcature des tribunes,
au second niveau, qui présente des baies
triples ou jumelées. Suite
ci-dessous.
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Chemin de croix, station V.
Simon aide Jésus à porter sa croix.
Le chemin de croix a été réalisé
par l'atelier
Fabisch (professeur à l'école impériale
des
Beaux-Arts de Lyon) en 1868. |
La chaire à prêcher
(XIXe siècle?) |
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Architecture
intérieure (2/2).
---»» La nef est éclairée
par des fenêtres romanes qui se révèlent
insuffisantes pour apporter la lumière nécessaire.
Mérimée avait déjà noté
ce manque dans ses Notes d'un voyage en Auvergne. Lors
de son passage, en 1837, les petites fenêtres des tribunes
étaient bouchées. Elles ont été
réouvertes depuis, mais ne contribuent guère
à éclairer l'ensemble de la nef. La grande voûte
n'est pas véritablement en berceau, mais en arc légèrement
brisé. Étrangement, elle n'est scandée
que d'un seul arc doubleau (voir commentaire
plus bas).Si les peintures du XIXe siècle masquent
les irrégularités de la nef et de l'arcature
haute, en revanche, elles mettent en évidence la beauté
des bas-côtés. D'une hauteur de près de
dix mètres, ils profitent de la lumière qui
arrive des fenêtres des murs gouttereaux. Leur magnifique
voûte, embellie avec parcimonie par les peintres du
XIXe, est compartimentée par des doubleaux qui portent
des voûtes d'arêtes.
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Le bas-côté nord et la nef. |
Un arc-doubleau d'un bas-côté et sa décoration
du XIXe siècle. |
La Pieta de la chapelle du Calvaire.
(XIXe siècle?) |
L'un des deux Christ en croix
de la chapelle du Calvaire. |
Saint Austremoine
Statue du Clermontois Chalonnax, 1869. |
La voûte d'arètes d'un bas-côté
et sa décoration du XIXe siècle. |
À DROITE ---»»»
La Mort de la Vierge (copie?)
Époque indéterminée. |
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L'élévation nord.
Côté nef, seule une pile est présente :
celle qui reçoit l'unique arc-doubleau de la voûte
(voir commentaire ci-dessous). |
Vitrail dans la nef
XXe siècle. |
Une pile de la nef qui ne supporte rien. |
L'élévation sud de la nef avec arcatures,
tribunes et voûte. |
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La voûte de la nef
ne supporte qu'un seul arc-doubleau.
Est-ce simplement pour rompre son uniformité?
(Voir commentaire ci-contre.) |
La
voûte de l'abbatiale a fait couler
beaucoup d'encre. En regardant la photo ci-dessus,
on comprend pourquoi : les piles qui séparent
les travées de la nef n'ont aucune colonne
engagée sur le côté nef, à
l'exception de quatre d'entre elles : deux au
nord et deux au sud, en vis-à-vis. Le plan
de l'église, plus haut, indique leur emplacement.
Deux de ces piles, situées entre les cinquième
et sixième travées, montent jusqu'à
la naissance du triforium ; leur chapiteau terminal
ne supporte rien. On voit d'ailleurs cette pile,
côté sud, dans la partie basse de
la photo ci-dessus. Les deux autres piles, situées
entre les troisième et quatrième
travées, se hissent plus haut, jusqu'à
la naissance de la voûte et supportent un
arc-doubleau (processus architectural très
commun et visible dans la partie droite de la
photo, pour ce qui est de la pile du côté
sud). Un seul arc-doubleau est donc présent
sur la voûte (photo à gauche). Pourquoi
une telle bizarrerie?
En 1924, dans son article pour le Congrès
archéologique de France, l'architecte
Charles Terrasse se contente de signaler le phénomène
: «Il faut remarquer que des doubleaux régulièrement
espacés avaient été prévus
: un seul a été lancé, à
la hauteur du troisième pilier. Les colonnes
supplémentaires d'un autre dénotent
le projet d'un second doubleau ; cette prévision
est affirmée en outre par l'examen des
contreforts extérieurs correspondants,
qui sont renforcés.» On le voit :
Charles Terrasse n'essaie nullement d'éclaircir
la raison de ce manque.
En revanche, dans la brochure sur l'abbatiale
d'Austremoine publiée par la Paroisse (2004),
Raoul Ollier nous donne les explications avancées
par les architectes : «Partant de l'idée
que la brisure est apparue en Auvergne seulement
vers 1200, certains estiment que l'édifice
a d'abord reçu une charpente appuyée
sur des colonnes engagées. Puis la charpente
aurait été remplacée par
la voûte actuelle, ce qui nécessita
l'exhaussement de deux colonnes pour recevoir
l'unique doubleau. D'autres pensent que le doubleau
a peut-être été construit
simplement dans le but de rompre l'uniformité
du berceau.»
Sources : 1)
Congrès archéologique de France
tenu à Clermont-Ferrand en 1924, article
sur l'abbatiale d'Issoire par Charles Terrasse
; 2) L'abbatiale Saint-Austremoine, brochure
réalisée par la Paroisse Saint-Austremoine
(2004).
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Vitrail dans la nef
XXe siècle. |
Le bas-côté nord vu depuis l'avant-nef.
Les bas-côtés sont couverts d'une voûte
d'arètes. |
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«L'Adoration des mages»
Peinture sur toile, XVIIe siècle, dans le transept. |
LES CHAPITEAUX
DES PILIERS DE LA NEF |
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Deux centaures tenant des lapins. |
Deux centaures aux épis de blé. |
Les
chapiteaux de la nef ont, pour la plupart
une décoration à feuillages (acanthe,
marronnier, laurier, thym, etc.), quelquefois agrémentée
de la présence d'un petit animal ou d'un masque
perdu dans les feuilles (voir plus
bas). Cette incrustation correspond, pour Charles
Terrasse dans son article du Congrès archéologique
de France, au style romain. Les peintres de 1859,
par leur choix de couleurs sobres, ont mis en avant
tous les reliefs décoratifs (voir photo à
gauche). En 1837, Mérimée s'est montré
très sévère dans sa description
: «(...) le galbe corinthien domine, accompagné
de feuillages barbares.» Aurait-il eu la même
impression après la restauration de 1859? Il
a néanmoins remarqué la présence
de chapiteaux historiés intéressants :
des griffons, des lions ailés, des oiseaux (peut-être
des perroquets) ; des paysans tenant des épis
; des centaures tenant des lapins (voir ci-dessus),
d'autres des épis. Les centaures aux lapins méritent
une précision : l'un des centaures brandit un
glaive, l'autre montre vraisemblablement le produit
de leur chasse. C'est une scène connue de l'art
antique. Elle semble être unique dans la sculpture
auvergnate.
Le transept recèle également quelques
belles scènes dans les chapiteaux des piliers
des absidioles (chapelle du Sacré-Cur et
chapelle Saint-Paul). L'Annonciation et la Luxure sont
modernes : ils encadrent l'entrée de la chapelle
Saint-Paul, au sud, qui est du XIXe siècle. En
revanche, le chapiteau de Satan
qui entraîne deux damnés et celui du
Porteur
de brebis sont du XIIe siècle.
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Deux paysans au milieu de céréales. |
La croisée et sa coupole
avec le croisillon nord du transept. |
Le montreur de singes ou deux diables
tiennent un damné par les cheveux. |
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Chapiteau
ésotérique. Il est difficile
d'interpréter la scène du chapiteau ci-dessus.
Certains y voit un simple montreur de singe ; d'autres,
Satan tenant deux pécheurs entièrement
nus. On peut aussi y voir deux démons tenant
solidement un damné par les cheveux.
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Pieta, tableau anonyme dans la nef (copie?) |
Croisillon nord du transept : l'entrée dans l'absidiole
nord.
Cette chapelle, dédiée au Sacré-Cur,
est du XIIe siècle.
Son pendant, au sud, dédié à saint Paul,
a été ajouté au XIXe siècle. |
À DROITE ---»»»
L'Annonciation (créée au XIXe siècle)
Chapiteau à l'entrée de la chapelle Saint-Paul
dans le transept. |
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Deux oiseaux s'abreuvant
Chapiteau sur un pilier de la nef. |
Un oiseau et un masque se cachent
au milieu des feuillages.
Chapiteau roman sur un pilier de la nef. |
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La coupole de la croisée est posée
sur trompes.
Sa décoration est du XIXe siècle. |
À
DROITE ---»»»
Deux griffons affrontés dans un chapiteau
roman
à l'entrée d'une chapelle rayonnante. |
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Oiseaux dans un chapiteau à l'entrée
d'une chapelle rayonnante. |
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Vitrail à motif géométrique
dans la nef (XXe siècle). |
Saint Paul
Statue du Clermontois Chalonnax, 1869. |
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LE CHUR
DE L'ABBATIALE SAINT-AUSTREMOINE |
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Le chur de l'abbatiale et ses peintures du XIXe siècle. |
Vue d'ensemble du chur. |
Le
chur et ses chapiteaux (2/2).
---»» Dans cette uvre, l'artiste a
ingénieusement symbolisé le dernier repas
du Christ par une nappe blanche plissée qui fait
le tour du chapiteau. Cependant, dans Auvergne romane,
ouvrage paru aux éditions du Zodiaque (éditions
de 1972), le chanoine Bernard Craplet prie le visiteur
de ne pas trop s'enthousiasmer. Pour lui, derrière
cette habile composition se cachent «les rondeurs
et la mollesse de l'art saint-sulpicien» du XIXe
siècle plutôt que «la naïveté
d'un art populaire.» Ceux qui connaissent les
chapiteaux romans lui donneront raison.
Un autre chapiteau représente la Passion
dans deux scènes : la Flagellation et le Portement
de croix. Un autre illustre la Résurrection avec
les Saintes
Femmes au tombeau et les gardes
romains assoupis. Le quatrième chapiteau
historié met en scène un thème
plus rare : les Apparitions
du Christ après la Résurrection. On y
voit une surprenante face comportant un pan de murailles
surmonté de tours gigognes ; un homme sonne de
l'olifant derrière un parapet crénelé.
Est-ce la Jérusalem céleste ?
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Saint Austremoine au milieu des peintures du chur. |
Le
chur et ses chapiteaux (1/2).
Le chur est la plus belle partie de l'édifice
(quand il est éclairé par la lumière
artificielle). Il commence par une travée droite
et se poursuit par un hémicycle. Sept arcades
surhaussées frappent le regard par leurs couleurs
à dominante ocre-rouge, une décoration
créée en 1859. Sur la voûte en cul-de-four,
le Christ bénissant est l'uvre d'Anatole
Dauvergne (vers 1861). Au-dessous, l'arcature est percée
de cinq fenêtres espacées par des baies
aveugles où nichent quatre saints évêques
du diocèse de Clermont : Austremoine, Avit, Sidoine-Apollinaire
et Priest. Malheureusement, même éclairés,
il est difficile des distinguer. Conformément
à la tradition auvergnate, la voûte du
chur est plus basse que celle de la nef.
Les chapiteaux du chur en constituent la principale
richesse. Quatre sont à feuillages et quatre
sont historiés. On ne sait pas exactement quelle
proportion des chapiteaux historiés nous vient
du Moyen Âge car ils sont loin d'être intacts.
Selon les historiens, ils paraissent avoir souffert
des soudards du capitaine Merle quand ils occupèrent
les lieux en 1575. Ceux-ci ont même essayé
de détruire l'édifice. Toujours est-il
que, selon Charles Terrasse, dans son article pour le
Congrès archéologique de France
en 1924, ils auraient été, à l'époque,
restaurés en mastic. Une autre restauration eut
lieu en stuc en 1830. L'architecte Mallay les restaura
une troisième fois en 1852 à l'aide de
ciment romain. Enfin, ils subirent les assauts des peintres
de 1859. De nombreuses photos de ces chapiteaux sont
données plus bas, notamment, le plus connu, la
Cène.
---»» Suite ci-dessous.
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Le soubassement du maître-autel (le Christ entouré
des évangélistes).
Peintures d'Anatole Dauvergne (1860). |
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Peinture de saint Sidoine-Apollinaire,
saint évêque du diocèse de Clermont
dans les baies aveugles du chur (XIXe siècle).
Peinture d'Anatole Dauvergne (1859). |
À DROITE ---»»»
Peinture sur les arcades qui entourent le chur,
XIXe siècle.
On y trouve deux des symboles des quatre évangélistes. |
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Le Christ peint dans la voûte par Anatole Dauvergne (1859). |
L'aigle de Jean
Peinture sur les arcades qui entourent le chur.
Décoration du XIXe siècle. |
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Le chur et l'entrée dans le déambulatoire sud. |
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La Cène : le chapiteau est ceint d'une nappe symbolique qui
n'a pas de pieds.
Ce chapiteau du chur est le plus célèbre de l'abbatiale. |
La Cène : saint Jean appuie sa tête sur le Christ.
Judas est à droite : c'est le seul qui n'ait pas de nimbe. |
La Cène : Jésus et Pierre. |
Le déambulatoire sud et sa voûte d'arêtes.
On aperçoit, au second plan, la chapelle axiale. |
Chapiteau de la Passion : la Flagellation. |
Chapiteau de la Passion :
La tristesse résignée des apôtres. |
Issoire
et la prière des Quarante-Heures (1/3).
Au début du XVIe siècle, avant
même la Contre-Réforme, le culte de l'hostie
se répand en Italie. L'idée première
est d'exalter l'Eucharistie par des prières expiatoires
adressées à Dieu devant le Saint-Sacrement.
Quarante est un nombre symbolique : il y a quarante
heures entre la mort du Christ et sa Résurrection
; quarante jours entre la Résurrection et l'Ascension
; le Christ a passé quarante jours dans le désert ;
les Israélites ont eux-mêmes erré
quarante ans dans le désert, etc.
Tout part de Milan, dans la décennie 1527-1537.
À cette époque, l'armée du roi
de France François Ier guerroie en Italie ; de
plus, les troupes de Charles Quint mettent Rome à
sac en 1527. Pour obtenir la fin des calamités
qui ravagent la péninsule, une nouvelle forme
de piété est introduite dans les églises :
une supplication de quarante heures devant le Saint-Sacrement.
Rapidement, les moines Capucins répandent cette
dévotion dans le pays. Dans la décennie
1550, pour contrer les réjouissances profanes
du carnaval, les disciples de saint Ignace (et futurs
Jésuites) récupèrent le mouvement
et l'associent à une pratique cultuelle tournée
vers la beauté (pour ce qui est de la forme)
et l'expiation des fautes commises pendant le carnaval
(pour ce qui est du fond).
À cette époque, l'art baroque triomphe
; le culte s'épanouit dans les couleurs et les
décors ; les églises sont illuminées
et richement décorées. À Rome,
les Quarante-Heures, introduites par Philippe de Néri
en 1550, deviennent mensuelles. En 1592, Clément
VIII en codifie la pratique ---»»
Suite
2/3
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La Résurrection : l'Ange et les Sainte Femmes. |
La Résurrection : les soldats romains dorment au-dessous
de leurs boucliers. Les armures sont celles du XIIe siècle. |
Les Apparitions du Christ.
Un apôtre tient l'Évangile solidement dans ses
mains. |
|
Le déambulatoire et ses chapiteaux romans peints en 1859. |
Les Apparitions du Christ : La Jérusalem céleste. |
Les Apparitions du Christ.
Le Christ avec Pierre.
La Résurrection : les Saintes Femmes. ---»»» |
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Le déambulatoire nord et ses beaux piliers peints. |
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Le chur et le maître-autel au milieu d'une féerie
de dessins et de couleurs. |
Les arcades du chur et les chapiteaux romans. |
Issoire
et la prière des Quarante-Heures (2/3).
---»»» et les organise de manière
continue : quand les prières s'arrêtent dans
une église, elles commencent dans une autre. Un principe
qui conduira plus tard à l'Adoration perpétuelle.
Pendant le dernier quart du XVIe siècle, par le biais
des Capucins, la pratique des Quarante-Heures passe en France.
Elle s'implante d'abord dans la province de Lyon. C'est à
Annemasse, en territoire de coexistence confessionnelle, que
l'Église prit conscience de l'impact que pouvaient
avoir sur les réformés la ferveur et la pompe
solennelle de ces manifestations. Exalter l'eucharistie lors
de processions spectaculaires (souvent à la tombée
de la nuit) et mettre en scène la beauté sous
toutes ses formes devinrent les impératifs de la nouvelle
dévotion. Il fallait impressionner les réformés
pour les amener à se convertir.
Les Quarante-Heures s'imposèrent comme un élément
essentiel du dispositif de la Contre-Réforme. Le pape
Grégoire XV (1621-1623) les encouragea officiellement
en France. Portée par ce besoin de grandeur et de faste,
les Quarante-Heures expiatoires se transformèrent en
Quarante-Heures triomphalistes.
Revenons à Issoire en 1607. Cette localité avait
été un bastion du protestantisme auvergnat au
XVIe siècle. En 1598, l'Édit de Nantes établit
une liste de villes où le culte réformé
est autorisé et une autre où il est interdit.
À Issoire, le droit d'exercice, âprement discuté,
est finalement interdit en 1604 par le Conseil du Roi. ---»»»
Suite
3/3
|
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Issoire
et la prière des Quarante-Heures (3/3).
---»»»
Les catholiques fêtent leur victoire. Un
moine capucin, le père Barthelemy, établit
la confrérie du Saint-Sacrement dans la ville.
Désormais, le premier dimanche du mois, une procession
parcourra les rues en l'honneur du Saint-Sacrement.
La dévotion allant croissante, cette procession
se transforma en prière des Quarante-Heures.
Dans son article pour la Revue d'histoire de l'Église
de France, l'historien Bernard Dompnier écrit
(en citant Julien Blauf, bourgeois d'Issoire qui rédigea
une chronique à cette époque) : «Pour
la circonstance, l'église d'Issoire fut richement
décorée. Dans le chur fut édifié
un "magnifique théâtre" entouré
de cierges et surmonté d'un arc triomphal "peint
de diverses couleurs, avec des fleurs artificielles
sy bien peintes qu'on les jugeoit naturelles".
Au-dessus de cette construction couronnée d'arcades
garnies de taffetas rouge et d'étoffe blanche,
furent suspendus un soleil d'or et une colombe blanche.
Par ailleurs, des lampes placées derrière
des "fioles de verre pleines d'eaux, mixtionnées
de diverses couleurs" illuminaient la voûte.»
Par manque de moyens financiers, Issoire ne peut rivaliser
avec la pompe d'Annemasse. Néanmoins, le but
est atteint : théâtraliser les Quarante-Heures
en Auvergne en exaltant l'Eucharistie et, au-delà,
l'Église catholique. Le chroniqueur de l'époque,
Julien Blauf, compare d'ailleurs les années 1577
et 1607 - avec un esprit très partisan : «...
ce qu'on a remarqué en ces quarante heures digne
de mémoire, est que l'année 1577, en feste
de Pentecôte, la guerre, le tonnerre, le blaspheme,
le mépris de Dieu, le Diable avec ses foudres
étoient dans Yssoire, et en l'année 1607,
en même feste de Pentecôte, la paix, les
louanges à Dieu y habitoient, auquel on crioit
Misericorde» (extrait de la chronique citée
par Bernard Dompnier). Notre historien poursuit son
analyse du récit de Blauf : «Quant à
la dévotion suscitée par ce décor,
la prédication, le chant des motets, les processions
des bourgs avoisinant, elle lui semble tout à
fait extraordinaire : les fidèles affluèrent,
criaient "Misericorde à Dieu... avec telle
ardeur et dévotion, larmes et battements de poitrines,
qu'il n'y avoit rien sy endurcy qui ne larmoyât" ;
le peuple, au total, "prenoit tel plaisir qu'yl
ne vouloit sortir de l'église"».
Les Capucins utilisèrent les Quarante-Heures
comme une machine de guerre contre les protestants.
Ils prirent un malin plaisir à les organiser
dans les villes où se tenaient les synodes provinciaux
ou nationaux des réformés. En 1651, ils
envoyèrent même une supplique à
Rome pour que cette pratique se généralise
dans toutes les localités qui abritaient un temple
protestant. Il faut croire que de la splendeur du décor
jaillissait la vérité de la foi car, si
l'on suit les sources, les conversions n'étaient
pas rares. À tel point que les pasteurs interdisaient
souvent à leurs fidèles de s'approcher
des missions et des Quarante-Heures ! Ces rassemblements
de pieux catholiques finirent par provoquer une certaine
crainte chez les protestants. Ainsi, à Grenoble
en 1614, la peur s'empara des réformés
de la ville devant l'affluence aux processions. Ainsi
encore à La Rochelle en 1641, les processions
«en aussi bel ordre que les armées du Dieu
vivant, épouvantaient l'hérétique
et le forçaient à confesser la force et
la grandeur de l'Église romaine.» (Julien
Blauf cité par Bernard Dompnier).
De la sorte, au XVIIe siècle, avec les Quarante-Heures,
l'Église de Rome inaugura une guerre psychologique
au moyen d'une arme pacifique et indestructible : la
conversion des âmes par le spectacle de la beauté.
Les réformés ont-ils eux aussi disposé
d'une arme pacifique pour amener les catholiques vers
la Réforme ? La réponse est positive,
mais elle semble peu traitée par les historiens.
À l'époque où les Capucins prônaient
les spectacles visuels, Luther avait depuis longtemps
mis en avant la musique religieuse. Les offices luthériens
étaient inséparables du chant. Et tout
le monde devait pouvoir chanter. D'où la nécessité
de mélodies entraînantes, simples, faciles
à entonner pour le commun des mortels. Le catholicisme
a créé les messes de Mozart et de Cherubini
(qu'il est difficile de reprendre en chur) ; le
protestantisme a créé des messes solennelles,
aux accents parfois somptueux (comme la célèbre
messe de Noël de Michael Praetorius (1571-1621)),
mais aux mélodies faciles à chanter et
à retenir. Murées dans leur complexité,
les messes catholiques privilégient le latin
; les messes luthériennes, au contraire, utilisent
la langue du peuple : l'allemand. Le Gesangbuch,
ouvrage conçu par Martin Luther, était
un livre de chants que tout réformé se
devait de posséder. En faisant la promotion du
chant religieux dans la langue vernaculaire, le but
de Luther fut double : «en faire un instrument
de propagation du message réformateur, ainsi
qu'un moyen de participation active des communautés
de fidèles à l'acte liturgique»,
écrit Patrice Veit dans son article sur le Gesangbuch
dans l'ouvrage collectif Produire et vendre des livres
religieux (PUL, 2022).
C'est à partir de 1523 que Martin Luther va se
lancer dans la composition de cantiques en langue allemande.
Avant tout dans un but de propagande. Ces cantiques
se diffuseront sous forme de feuilles volantes vendues
à bas coût. Patrice Veit précise
le phénomène : «Propagés
notamment grâce à un ensemble de personnes
itinérantes, investissant les différents
espaces publics (marchés, places, auberges),
ils contribuent même par leur chant à enclencher
dans certaines villes le processus de passage à
la Réformation.»
Si l'on met de côté ces chants exécutés
en public, on constate quand même une différence
de taille dans les outils de propagande entre les deux
religions : les Quarante-Heures des catholiques se déroulaient
dans les rues ; la musique religieuse des réformés
s'entendait dans les temples. D'où l'avantage
des premiers sur les seconds...
Sources : 1) Un aspect
de la dévotion eucharistique dans la France du
XVIIe siècle : les prières des Quarante-Heures
de Bernard Dompnier, Revue d'histoire de l'Église
de France, tome 67, n°178, 1981 ; 2) Produire
et vendre des livres religieux, Presses Universitaires
de Lyon, 2022, article de Patrice Veit sur le Gesangbuch.
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Chapiteau de la Passion :
Le Portement de croix et la tristesse des apôtres. |
Chapiteau du chur à feuillages avec un masque. |
Chapiteau du chur : le Sépulcre. |
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LES CHAPELLES
RAYONNANTES ET LES VITRAUX DU XIXe SIÈCLE |
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La chapelle axiale est dédiée à la Vierge.
Des cinq chapelles rayonnantes, c'est la seule qui soit voûtée
en berceau.
Son plan est en rectangle et non pas semi-circulaire, comme les quatre
autres.
À DROITE ---»»»
Vitrail de la chapelle axiale (XIXe siècle).
Il représente des scènes de la vie de Marie
(Mariage, Annonciation et Assomption). |
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Architecture
du chevet. Les chapelles rayonnantes de l'abbatiale
sont trop exiguës pour laisser une impression durable
sur le visiteur, contrairement au déambulatoire,
voûté d'arêtes, qui est vraiment
somptueux. Sur les cinq chapelles qui meublent le chevet,
quatre ont une voûte en cul-de-four ; seule la
chapelle axiale (ci-contre), dédiée à
la Vierge, possède une voûte en berceau.
De plus, cette chapelle est de forme circulaire et non
pas en hémicycle comme les quatre autres. On
retrouve dans ces étroites chapelles, sur les
colonnettes qui ornent les baies, les motifs des dessins
qui ornent la nef. Comme le reste, ils sont issus du
badigeonnage intégral de l'église par
Dauvergne et Mayoli en 1869.
La chapelle axiale abrite une belle Vierge à
l'Enfant du sculpteur lyonnais Garraud (1869). Enfin,
des vitraux du XIXe siècle, très standard
dans leur pastiche du XIIIe, viennent y donner un regain
de couleurs. L'un d'entre eux illustre la vie légendaire
de saint Austremoine avec une scène du saint
faisant l'aumône aux pauvres et une autre du saint
domptant les fauves de la forêt. On retrouve les
thèmes chers aux hagiographes du XIXe siècle
(voir ci-dessous
la polémique à propos du chanoine Godescard.).
Le peintre verrier clermontois Antoine Champrobert a
réalisé les deux vitraux des chapelles
absidiales du transept en 1866 : le Sacré-Cur
et saint
Paul. Ils sont donnés plus bas.
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Statue de la Vierge à l'Enfant dans la chapelle axiale.
uvre du Lyonnais Garraud, 1869. |
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Vitrail du Sacré-Cur, 1866.
Chapelle du Sacré-Cur dans le croisillon nord
du transept.
Atelier d'Antoine Champrobert,
peintre verrier clermontois. |
Le Mariage de la Vierge
Extrait du vitrail de la chapelle Saint-Joseph, atelier Mailhot,
1894. |
Saint Antoine et son cochon
Bordure du vitrail de la chapelle axiale, XIXe siècle |
Statue de la Vierge à l'Enfant, détail
uvre du Lyonnais Garraud, 1869. |
Vitrail de saint Paul, 1866 (détail).
Atelier d'Antoine Champrobert (Clermont). |
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Chapelle rayonnante Sainte-Thérèse. |
Scènes de la vie de saint Austremoine.
Atelier Mailhot, 1894. |
Saint
Austremoine et l'hagiographie (1/3).
Un flou complet entoure la vie de ce saint auvergnat. Les
documents touristiques s'en tiennent à la version de
Grégoire de Tours.
À savoir : contemporain de l'empereur Dèce (249-251),
Austremoine aurait été envoyé en Gaule
par le pape, avec sept autres missionnaires. Il s'appelait
en fait Stremonius et serait mort en «confesseur»,
c'est-à-dire de mort naturelle. Enterré à
Issoire, sa mémoire est tombée dans un profond
oubli, mais l'invention de ses reliques par saint Gall, au
VIe siècle, le remit à l'honneur. L'article
de Charles Terrasse pour le Congrès archéologique
de France en 1924 indique que l'on conserve encore à
Mozac,
près de Riom, deux fragments du tibia droit de l'apôtre.
Une autre biographie, plus riche à certains égards,
a été rédigée par les hagiographes
du XIXe siècle. Leur récit s'inspire d'une vie
d'Austremoine écrite au VIIe siècle par saint
Préject, l'un de ses successeurs.
Il faut d'abord camper le décor de l'hagiographie au
XIXe siècle. À la fin du XVIIe et tout au long
du XVIIIe, les hagiographes, sous l'influence des Lumières,
s'efforcèrent de rester dans un cadre assez restreint
qui rejetait l'improuvable et l'inventé. Apparurent
ainsi Jean Bolland (1596-1665) en Belgique (qui donna
l'école des Bollandistes) et dom Mabillon (1632-1707)
en France. Ce dernier ne donna pas naissance à une
école, mais il marqua de sa griffe un système
d'analyse très rigoureux. Un peu plus tard, en Angleterre,
Alban Butler, prêtre catholique (1710-1773) rédigea
une vie des saints qui parut en 1745. Ce livre fut traduit
en français (et souvent enrichi) par le chanoine Jean-François
Godescard (1728-1800).
Normand et vivant à Paris, Godescard partageait les
idées de son siècle et connaissait les courants
de pensée qui balayaient la capitale. Son uvre
est marquée par les idées jansénistes
et l'incrédulité répandue par les philosophes.
Lisons ce que dit un critique, à l'époque, de
son ouvrage sur les Saints de France : «Les fidèles
y trouveront une Critique saine et judicieuse, avec les maximes
d'une piété solide et éclairée.
Le pieux et savant auteur a tiré ce qu'il rapporte
des Monuments les plus authentiques, et il a passé
sous silence les faits merveilleux qui ne sont fondés
que sur une crédulité aveugle et superstitieuse
: il s'est également éloigné d'une critique
sèche ou téméraire.» ---»»»
Suite 2/3 à gauche.
|
|
Saint
Austremoine et l'hagiographie (2/3).
---»»» Le chanoine Godescard
était un auteur très connu dans les milieux
catholiques français au XIXe siècle. Toutes
les bonnes familles bourgeoises possédaient, dans leur
bibliothèque, un exemplaire de son ouvrage La Vie
des saints (en dix, douze ou quatorze volumes selon l'édition).
Sous la Restauration, il y eut un sursaut religieux qui se
poursuivit sous la Monarchie de Juillet et le Second Empire.
Les temps avaient changé. Pour les hagiographes, qui
traînaient derrière eux l'impiété
et les martyrs de la Révolution, cette façon
de traiter l'histoire des saints n'était pas acceptable.
Comment ramener les gens à la vraie foi et les maintenir
dans le droit chemin si l'on occultait le merveilleux ? Un
exemple en fut donné en 1860 lors de la parution, en
souscription, d'un ouvrage des Annales Hagiologiques de la
France : Les Vies de tous les saints de France. Cette
publication de plusieurs tomes (d'où la souscription)
était rédigée sous la direction de Charles
Barthélemy, directeur de ces mêmes Annales. Notons
que, quelques années plus tôt, le révérend
père Giry avait édité un ouvrage semblable,
mais plus court.
Charles Barthélemy, porteur du renouveau catholique,
régla ses comptes avec Godescard et ses précurseurs.
En avant-propos de son copieux ouvrage, dans un style acerbe,
il leur reprocha de s'être fourvoyés dans l'erreur,
la sécheresse de l'analyse, le refus de la vérité
historique en rejetant de leurs récits des actes authentiques.
Dans son texte, Barthélemy cite un prélat qui
attaque violemment Godescard (on se situe visiblement dans
les années 1840) : «Il s'est formé, écrit
ce prélat, au milieu même des grands travaux
d'histoire et d'hagiographie du XVIIe siècle, une école
parasite, qui, croissant à l'ombre et à la table
des maîtres, a entrepris, qu'on nous passe le mot latin,
de digérer, à sa manière, les actes des
Saints, les légendes de l'Église, les titres
du Martyrologue. Dédaigneux et prudents zoïles,
sans fronder en face, sans afficher ni foi, ni irrévérence,
ils ont appliqué sournoisement aux Vies des Saints
leurs étroites conceptions, un système de mutilation,
l'acception des personnes, les timides capitulations, on ne
sait quelle horreur du surnaturel. De là le vide et
la sécheresse de ces biographies monotones, étiolées,
ravalées au niveau le plus vulgaire. Devant ces ombres
décolorées et tristes, le peuple a passé
indifférent, et la lecture de la Vie des Saints a cessé
dans les familles.»
Voilà qui donne l'état d'esprit des hagiographes
du XIXe siècle : c'est la guerre ouverte contre les
principes des Lumières appliqués à la
vie des saints.
Comment Jean-François Godescard présente-t-il
la vie de saint Austremoine ? Dans son étude préliminaire,
Charles Barthélemy nous donne la réponse en
citant son adversaire : «Saint Austremoine, écrit
Godescard, est un de ces sept illustres missionnaires qui
vinrent dans les Gaules, vers le milieu du IIIe siècle.
Il fonda l'Église d'Auvergne, dont il fut le premier
évêque... Le détail des actions de
saint Austremoine nous est entièrement inconnu.
(...)» La dernière phrase est mise en italique
par Barthélemy qui commente : «Nous ne savons
pas si cette façon d'écrire la Vie des Saints
de France est très instructive ; mais, ce que nous
savons très bien - et tout le monde l'avouera avec
nous, - c'est qu'elle n'est nullement édifiante...»
Voilà le grand mot lâché : l'édification
morale ! Sous ce prétexte, les hagiographes du XIXe
siècle vont tout s'autoriser : imaginer, inventer,
affabuler. Ce ne sera plus la vie d'un homme, mais un conte
de fées. Quand la rigueur historique contraint Godescard
à se contenter de cinq lignes, Barthélemy, par
souci d'édification, noircit quinze pages !
Donnons ici quelques aperçus de son «très
riche» récit de la vie de saint Austremoine telle
qu'on peut encore la lire dans l'édition de 1860 de
son ouvrage Les Vies de tous les Saints de France.
Cette vie est tirée de la «biographie»
écrite par saint Préject au VIIe siècle.
Austremoine, arraché au IIIe siècle, est maintenant
un apôtre du Ier siècle. Il fait partie des soixante-douze
disciples envoyés par le Christ dans le monde entier
pour y prêcher l'Évangile. Gatien fut envoyé
à Tours,
Trophime à Arles, Paul à Narbonne, Saturnin
à Toulouse, Martial à Limoges. Et c'est à
Austremoine que revint le gouvernement de l'Auvergne. Auparavant,
celui-ci avait pris part, avec les apôtres, à
la sainte Cène. ---»»»
Suite 3/3.
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Austremoine apaise les bêtes sauvages.
Vitrail de la vie légendaire de saint Austremoine
Atelier Mailhot, 1894. |
Austremoine secourt les pauvres.
Vitrail de la vie légendaire de saint Austremoine
Atelier Mailhot, 1894. |
|
La Décapitation de saint Austremoine.
Vitrail de la vie de saint Austremoine, atelier Mailhot, 1894. |
Joseph dans le Mariage de la Vierge, atelier Mailhot, 1894.
Vitrail de la Vie de Joseph dans la chapelle Saint-Joseph. |
|
Saint
Austremoine et l'hagiographie (3/3).
---»»»
«Et aussi, poursuit Barthélemy, le saint jour
de la Pentecôte, il reçut, avec les autres disciples,
l'Esprit-Saint dont
l'onction profonde lui enseigna toutes choses et le forma
en toute science et doctrine, l'établissant solidement
dans la foi et le confirmant en toute patience et vérité,
- lui accordant les présents abondants des grâces,
l'illustrant de sa salutaire munificence et l'enrichissant
de la merveilleuse puissance des miracles.» Barthélemy
est un maître dans l'art d'édifier...
Accompagné de Nectaire, Ursin et Mamet, Austremoine
«pénétra avec intrépidité
sur le sol de l'Auvergne.» Là, il prêcha
contre les démons et leurs nombreux sanctuaires. Puis
il arriva à Clermont, capitale de la région.
«Le bruit de la prédication d'Austremoine ébranla
aussitôt toute la contrée. (...) il prêchait
aux incrédules la gloire de la vie céleste.»
Résumons ce prêche selon notre hagiographe :
si vous croyez, vous serez sauvé ; sinon vous serez
condamné et subirez de «terribles châtiments».
L'intolérance de ce discours, encore jamais entendu
dans le monde romain, ne cesse pas d'étonner. Il faut
croire qu'aucun lecteur du XIXe ne cillait devant cette prose.
Évidemment, Barthélemy ne saurait passer les
miracles sous silence : «Par son glorieux commandement,
les démons étaient chassés des corps
qu'ils obsédaient, et ceux que fatiguaient les souffrances
de la maladie se félicitaient d'obtenir aussitôt,
- grâce à la salutaire prière d'Austremoine,
- la guérison qu'ils souhaitaient. La vue était
rendue aux aveugles ; à ceux qui souffraient de la
faim de toutes choses, étaient accordées les
joies d'un abondant soulagement ; aux riches se révélaient
les exemples de la libéralité, - par la vue
des très riches aumônes d'Austremoine ; aux pauvres,
Austremoine montrait les droits de la patience que glorifie
l'enseignement de l'Évangile et que Dieu a enrichie
de ses dons ; - en un mot, l'homme du Seigneur se faisait
tout à tous pour les gagner tous.»
Ensuite, Barthélemy nous offre un résumé
décoiffant des qualités du saint : «(...)
c'était un éminent docteur, un partisan assidu
de la justice, un amateur de la vérité ; un
flambeau de sainteté, un vaillant orateur, un magnifique
fondateur d'églises ; fondé dans l'humilité,
il était d'une patience exemplaire, d'une libéralité
immense, miroir de chasteté et paré de tout
ce qui peut honorer un homme.»
Enfin, après avoir gouverné le pontificat de
la ville de Clermont pendant trente-six ans, Austremoine décida
d'abandonner entièrement les affaires terrestres. Il
nomma Urbicus pour lui succéder. Le rédacteur
continue : «(...) il se rendit dans une solitude, objet
de ses désirs, située au midi de Clermont ;
et il y construisit un Monastère à l'endroit
qu'on appelle Yciodorus (Issoire) afin d'y vaquer d'autant
plus librement au service du Seigneur, qu'il était
plus éloigné de l'agitation des hommes.»
En poursuivant son récit, Barthélemy fait bien
sûr sienne l'histoire de la décapitation d'Austremoine.
Dans un premier temps, le saint obtient la conversion au christianisme
du fils du «Prince des Juifs». Celui-ci, furieux,
jette son fils dans un puits, puis se venge de l'apôtre
: il est flagellé par ses gens, décapité
et jeté dans le même puits. Pour finir - édification
oblige -, les miracles se multiplient : l'âme d'Austremoine
paraît portée aux cieux sous la forme d'une colombe
; une source d'eau claire jaillit là où son
sang a maculé le sol ; quant à l'eau du puits,
elle est source de prodiges : tous les malades qui en boivent
sont guéris de leurs maux.
Au XIXe siècle, ce genre de récit, que l'on
qualifiera sans peine de mythologique, trouvait encore des
lecteurs passionnés.
Devant tant d'affabulations (heureusement rejetées
depuis longtemps par les paroisses quand elles rédigent
un livret sur leur église), on se rassurera par l'aveu
que fait Charles Barthélemy lui-même dans son
étude sur Godescard au début de l'édition
de 1860. En cherchant des souscripteurs pour ses Annales,
il rapporte avoir reçu des réponses comme :
«Ayant déjà Godescard, je ne puis m'abonner
à votre nouvelle Vie des Saints, etc.».
Il ne cache pas qu'il en a été mortifié.
Sources : 1) Les Vies de tous
les Saints de France, Annales de la France, sous la direction
de Charles Barthélemy, Tome Ier, 1860 ; 2) L'abbatiale
Saint-Austremoine éditée par la Paroisse,
2004.
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Panneau illustrant la vie d'un saint, XIXe siècle.
(Aucune information n'a été trouvée
sur ce vitrail) |
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À GAUCHE
Sainte Véronique essuie la face de Jésus.
Huile sur toile, époque indéterminée
(copie?) |
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L'orgue de tribune est l'uvre du facteur Callinet
(1870). |
«««---
À GAUCHE
Le chur vu depuis le milieu de l'allée
centrale.
En haut de l'image, on a l'impression que les restaurateurs
du XIXe siècle ont peint de fausses arcades
sur le mur
ouest de la coupole, mais ce sont bien des vraies
! |
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Vitrail à scènes historiées, XIXe siècle.
Aucune information n'a pu être trouvée
sur ces panneaux qui illustrent
visiblement la vie d'un saint.
Est-ce un compagnon de saint Austremoine? |
La crosse de l'abbé et son armoirie
sur le balcon du grand orgue. |
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LA PEINTURE DU
JUGEMENT DERNIER (XVe SIÈCLE) |
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Peinture du Jugement dernier, XVe siècle, dans l'ancienne chapelle
des catéchismes. |
Le Jugement dernier : les damnés sont engloutis dans la gueule
du Léviathan.
XVe siècle, auteur anonyme. |
Les élus louent le Christ à l'heure du Jugement
(XVe siècle). |
Le
Jugement dernier, XVe siècle.
C'est une peinture murale du XVe siècle
à ne surtout pas rater si vous passez à
Issoire et qui se trouve dans l'ancienne chapelle des
catéchismes (qui héberge la boutique).
Elle permet d'admirer l'imagination d'un artiste de
cette époque. En haut, le Christ (ci-contre à
droite) se tient assis entre la Vierge et saint Jean-Baptiste.
Il est adoré par des élus (ci-contre à
gauche). Au-dessous, c'est la fin du monde. Les tombeaux
s'ouvrent et les ressuscités en sortent. L'archange
saint Michel repousse un démon qui voulait s'approcher
d'un groupe de justes réunis en adoration. Quant
au monde infernal, sa description est terrible. Le Léviathan,
qui symbolise l'entrée des enfers, engloutit
les âmes nues, impuissantes à résister
au flot qui les submerge. Des damnés purgent
déjà leur peine sur une roue où
ils sont rôtis.
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Le Christ-Juge (XVe siècle). |
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Le Jugement dernier : saint Michel terrasse un démon.
Peinture du XVe siècle, détail. |
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Vue d'ensemble de la crypte du XIIe siècle. |
Plan de la crypte |
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À GAUCHE
La châsse de saint Austremoine (XIIIe siècle).
En bas, la scène illustre la visite des Saintes
Femmes au Tombeau
En haut, l'Apparition du Christ à Marie-Madeleine. |
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La
crypte de l'abbatiale est assez vaste. Son
plan correspond à celui de l'abside de l'église
(voir plan ci-contre). Quatre colonnes centrales sans
chapiteau délimitent un petit sanctuaire, tandis
que huit colonnes, toujours sans chapiteau, dessinent
le déambulatoire. Un point distingue la crypte
de celles des autres églises romanes importantes
de la région : son déambulatoire
reçoit vingt-deux colonnes (avec chapiteaux)
sur le mur extérieur (voir photo
plus bas). La crypte possède cinq chapelles rayonnantes
voûtées en berceau. Deux d'entre elles
finissent en cul-de-four.
Enfin, on peut trouver, dans cet environnement rempli
d'histoire, des marques de tâcheron sur les pierres
du chevet ou sur les piliers. Par bonheur, les décorateurs
du XIXe siècle n'ont pas touché à
cet endroit. On peut donc admirer une architecture intacte.
Enfin, on n'oubliera pas de jeter un il aux chapiteaux
romans à feuillage qui scandent le pourtour du
déambulatoire et dont certains sont reproduits
ici.
Une petite châsse du XIIIe siècle est exposée
derrière une grille. Elle a été
achetée au XIXe par l'abbé Daguillon,
curé de l'église, pour abriter les reliques
de saint Austremoine. Elle est couverte d'émaux
champlevés de Limoges illustrant la visite des
Saintes Femmes au tombeau et le Noli me tangere
du Christ à Marie-Madeleine.
Source : Brochure de la
paroisse.
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Vue de la crypte avec la statue en bois d'un évêque. |
Vitrail de la crypte |
Statue d'un évêque bénissant (XVe ou XVIe
siècle). |
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CHAPITEAUX
ROMANS
DE LA CRYPTE |
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Le déambulatoire de la crypte.
Vingt-deux colonnes ornent son mur extérieur.
On en aperçoit deux dans la partie droite de la photo. |
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L'autel de la crypte et la statue d'Henri Charlier. |
Notre-Dame du Précieux Sang, détail.
uvre d'Henri Charlier, XXe siècle. |
Une absidiole de la crypte voûtée en berceau
avec sa fenêtre romane. |
La nef et l'orgue de tribune vus depuis la croisée du transept. |
Documentation : «L'abbatiale Saint-Austremoine»,
brochure réalisée par la Paroisse Saint-Austremoine
(Éditions Gaud)
+ Congrès archéologique de France tenu à Clermont-Ferrand
en 1924, article sur l'abbatiale d'Issoire par Charles Terrasse
+ «Les Vies de tous les saints de France» sous la direction
de Ch. Barthélemy, Versailles 1860
+ «Auvergne romane» du chanoine Bernard Craplet, éditions
du Zodiaque, collection La nuit des temps, 4e édition de 1972
+ «Produire et vendre des livres religieux» sous la direction
de Philippe Martin, Presses Universitaires de Lyon, 2022. |
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