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L'église Toussaints est la chapelle
de l'ancien collège des Jésuites. C'est en 1589 que
Rennes
fait appel à eux pour diriger le vieux collège Saint-Thomas.
En 1606, un contrat les lie à la ville. Ils vont y enseigner
jusqu'en 1762, année où tous les Jésuites seront
chassés de France sur ordre royal. À Rennes,
ils vont tenir l'un des plus importants collèges du Royaume
: 1500 élèves au milieu du XVIIe siècle selon
le Dictionnaire du patrimoine rennais ; jusqu'à 3000
selon le Patrimoine religieux de Bretagne.
Les familles de la bonne société envoient leurs garçons
dans le collège des Jésuites. Ils y trouvent des congrégations
dévotes, des directeurs spirituels, mais aussi de très
actifs prédicateurs de la Contre-Réforme en Bretagne.
Il y a peu de manufactures à Rennes.
Aussi le collège est-il la source d'une activité économique
non négligeable du fait des maisons où l'on tient
pension. Le Dictionnaire du patrimoine rennais ajoute que
les exercices publics, les représentations théâtrales
données tous les ans «contribuent à l'animation
d'une cité sans théâtre permanent.»
Le collège jésuite occupait l'emplacement de l'actuel
lycée Émile Zola. Les derniers bâtiments seront
détruits en 1883.
L'église Toussaints a été édifiée
à partir de 1624 selon les plans du frère Étienne
Martellange. Ces plans furent en fait modifiés par les architectes
qui se succédèrent sur le chantier, notamment par
le père François Derand et le frère Charles
Turmel. La consécration de l'édifice date de 1651.
Selon le Dictionnaire guide du patrimoine Bretagne, le dessin
de la façade est probablement de Charles Turmel, un jésuite
qui a par ailleurs dirigé le chantier de 1627 à 1631.
En 1762, la Compagnie de Jésus est dissoute par le Parlement
de Bretagne. Au collège, l'enseignement est alors assuré
par le clergé diocésain.
À la Révolution, l'édifice est désaffecté.
En 1803, quand le Concordat rétablit le culte, il devient
l'église paroissiale Toussaints en remplacement de l'ancienne
église du même nom, devenue dépôt de munitions,
détruite par un incendie en décembre 1793.
L'église Toussaints a bénéficié d'une
importante restauration dans les années 2010, d'où
la blancheur - un peu déroutante - de la nef. L'intérêt
artistique de cette ancienne église jésuite repose
dans les trois grands retables dressés dans le chur
et le transept.
De style baroque, ils datent de la seconde moitié du XVIIe
siècle. Les deux retables dressés dans le transept,
au nord et au sud, appartiennent à l'école lavalloise.
Ils sont attribués à François II Houdault,
l'un des membres de la nouvelle génération de retabliers
de Mayenne. L'ancienne génération regroupait des constructeurs
de retables qui étaient avant tout des architectes ; la nouvelle,
bien souvent formée au métier par la précédente,
ne rassemble plus que des constructeurs.
Le grand retable du chur,
édifié entre 1653 et 1657, est attribué au
frère Charles Turmel. Ce dernier, qui apparaît ainsi
comme architecte et constructeur de retables, n'appartient pas à
l'école lavalloise, mais il a dû s'inspirer fortement
des uvres des retabliers mayennais et en suivre les règles.
Tous les vitraux
de l'église sont des créations de l'atelier Max Ingrand
et sont datés vraisemblablement des années 1950.
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Vue d'ensemble de la nef et du chur de l'église Toussaints.
Depuis la restauration des années 2010, le blanc immaculé
de la nef met en valeur le retable du chur. |
L'église Tousssaints et les bâtiments bicolores
du lycée Émile Zola. |
Le côté nord de l'église Toussaints.
Les contreforts sont en partie marsqués par des
chapelles. |
À DROITE
---»»»
Fronton supérieur : couronne royale et fleurs
de lys.
Tout porte à croire que, situés trop
haut sur la façade,
ces symboles royaux ont échappé au
marteau
des révolutionnaires. |
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Architecture
extérieure. Elle brille par
la parfaite symétrie de la façade
occidentale qui demeure le seul élément
intéressant. L'élévation
sur trois étages peut se voir comme la
juxtaposition de trois corps verticaux dont les
pilastres sont coiffés, de bas en haut,
de chapiteaux dorique, ionique et corinthien.
Au-dessus de la porte, une arcade en plein cintre
surbaissé orne, avec sa double baie, le
centre de l'étage central. Ailleurs, des
niches sont logées dans des baies dominées
d'un fronton triangulaire.
La photo ci-contre à droite montre la richesse
de l'entablement (ici ionique) qui sépare
les trois ordres architecturaux. L'aspect de la
façade est typique de la rigueur extérieure
propre au style jésuite.
Ajoutons un point que les descriptions habituelles
de cette grande chapelle du XVIIe siècle
ne soulignent pas : le fronton de l'étage
corinthien (donné ci-dessous) arbore un
écusson avec trois fleurs de lys, le tout
coiffé d'une couronne royale. Rien n'indique
dans les documentations qu'il s'agit là
d'une reconstruction. On peut en conclure que
ces symboles de la royauté, placés
trop haut et donc peu visibles, ont échappé
au marteau destructeur des révolutionnaires.
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Ce qui pourrait être le très large bras nord du
transept est
occupé en fait par l'Église orthodoxe, en l'occurrence
la
chapelle Saint-Nécataire d'Égine
et saint Jean de Cronstadt. |
L'ordre ionique est présent au deuxième niveau
de la façade. |
Le portail de l'église. |
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Le troisième étage de la façade de l'église
Toussaints est d'ordre corinthien. |
LA NEF DE L'ÉGLISE
TOUSSAINTS |
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Élévation sud de la nef avec ses arcades en plein cintre
surmontées de bas-reliefs et d'un riche et large entablement. |
Statue moderne de sainte Thérèse. |
Des vitraux
de Max Ingrand à base de dessins géométriques
occupent les grandes baies du second niveau. Ils apportent
un peu de couleurs dans un univers de blancheur.
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Architecture
intérieure.
La nef et les chapelles latérales frappent par
leur sobriété, d'autant plus que la restauration
des années 2010 a blanchi totalement les vieilles
pierres.
La nef, assez large, permet à l'élévation,
sans donner d'impression d'étouffement, d'être
coupée en deux niveaux bien distincts. Un riche
entablement les sépare. Au-dessus des quatre
chapelles latérales nord et sud, la corniche,
très saillante, de cet entablement est soulignée
par une large frise
à triglyphes et métopes.
Les métopes accueillent divers symboles chrétiens
: instruments de la Passion ; objets liturgiques ; images
de la Vierge Marie ou encore signes du Zodiaque.
L'entablement,
de style «classique» typique du XVIIe siècle,
court sans interruption tout au long de l'élévation,
y compris dans le transept
et le chur.
La voûte, en arc surbaissé, est creusée
de profondes lunettes qui reçoivent des vitraux
de Max Ingrand.
Les arcades de la nef ouvrent sur huit chapelles latérales.
L'arc en plein cintre qui marque l'entrée de
ces chapelles est dominé par un beau bas-relief
dont on remarque trois versions différentes,
toutes consacrées à la Vierge et au Christ.
On retrouve ces sculptures dans le chur,
au nord et au sud.
Le transept
suit la même architecture que la nef, à
l'exception du deuxième niveau qui reçoit
une double baie.
Une fois écartée la décoration
de la pierre, le visiteur se rend compte que la beauté
des grands retables du chur
et du transept
offre un fort contraste avec la sobriété
de la nef. En effet, plutôt que de huit chapelles,
il conviendrait de parler de huit «espaces»
car les ornements y sont rares et les autels totalement
absents. On y voit quelques statues, quatre copies
inversées de tableaux de Jean Jouvenet, transférés
du musée
des Beaux-Arts à l'église en 2016.
Notons encore une humble niche
coiffée d'un dais dédiée à
Notre-Dame de Fatima. Le tout dans un univers de blancheur
immaculée.
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Vitraux de Max Ingrand dans le baptistère. |
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Le baptistère dans l'avant-nef.
Sa baie, comme toutes celles de l'église, est ornée
d'un vitrail de Max Ingrand. |
Les
vitraux de Max Ingrand.
Comme l'église Saint-Germain
à Rennes,
l'église Toussaints est ornée de vitraux
de l'atelier Max Ingrand, des uvres que l'on peut
dater des années 1950.
Pourquoi cette surreprésentation de Max Ingrand
à Rennes
? La réponse est donnée dans l'ouvrage
Architecture et Arts sacrés de 1945 à
nos jours (Archibooks + Sautereau Éditeur,
2015).
De 1940 à 1945, Max Ingrand resta prisonnier
de guerre dans un Olfag. Là, il tissa
des amitiés avec d'autres prisonniers, dont certains
furent, après la guerre, des membres actifs des
Monuments historiques. À l'Oflag, Ingrand
fit notamment la connaissance du père Paty, futur
évêque de Luçon. Quand ce prélat
fut professeur, puis supérieur au grand séminaire
de Rennes,
il introduisit Max Ingrand dans le milieu rennais. Voir
le texte proposé à la page de l'église
Saint-Germain à Rennes.
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Saint Joseph
dans une chapelle latérale.
Statue moderne. |
Chemin de croix, station VIII :
Jésus et les filles d'Israël.
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BAS-RELIEFS CONSACRÉS
AU CHRIST ET À MARIE AU-DESSUS DES ARCADES DE LA NEF |
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Vitrail de Max Ingrand : Le Baptême du Christ. |
Vitrail de Max Ingrand. |
«Chapelle» Notre-Dame de Fatima sur le côté
sud de la nef. |
Jeanne
Jugan (1792-1879) (2/2).
---»» Par des quêtes, les
Surs des Pauvres obtiennent de l'argent
et des dons en nature. En 1845, la communauté,
connue et reconnue, reçoit de l'Académie
française le prix Montyon pour «récompenser
un Français pauvre qui a fait l'action la plus
vertueuse». En 1846, les Surs des Pauvres
s'étendent à Rennes,
puis à Dinan
et à Tours.
Grâce aux conférences de Saint-Vincent-de-Paul,
à Louis Veuillot et, en Angleterre, à
Charles Dickens, sa réputation se répand.
La France et l'Europe sont bientôt concernées.
En 1852, l'évêque de Rennes
approuve officiellement l'Institut : les Petites
Surs des Pauvres deviennent une congrégation
religieuse. Elle compte alors plus de 300 surs
et soigne 1500 vieillards. En 1879, à la mort
de Jeanne Jugan, il y aura 2400 religieuses et 20 000
vieillards.
Jeanne Jugan, jugée de basse extraction par les
gestionnaires de la communauté, a toujours été
maintenue dans les petits rôles : quêteuse
et soutien des pauvres. Elle s'éteint en 1879
dans l'humilité. Il a fallu qu'un historien,
l'abbé Leroy, étudie en 1903 les étapes
de la création des Petites Surs des
Pauvres pour redonner à Jeanne Jugan l'importance
qu'elle méritait. Dès lors, on la proposa
à la canonisation ; en 1935, le procès
diocésain fut ouvert.
Jeanne Jugan a été béatifiée
par Jean-Paul en 1982 et canonisée par Benoit
XVI en 2009.
Rappelons, pour terminer, qu'un pauvre au XIXe siècle
(et avant) n'a rien à voir avec un «pauvre»
en France au XXIe siècle. L'aide sociale n'existe
pas. Pour survivre, une personne âgée et
qui ne peut plus travailler ne peut compter que sur
la mendicité et la générosité
des autres. Les initiatives d'aide, la plupart du temps
chrétiennes, ne sont pas officielles et ne doivent
leur existence qu'à l'engagement de passionnés,
révoltés par la misère.
Sources : Dictionnaire
des saints et grands témoins du christianisme,
CNRS Éditions, 2019 ; 2) Le livre des saints
bretons de B. Rio, Éd. Ouest-France, 2018.
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Vitrail de Max Ingrand : L'Eucharistie. |
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Suite de chapelles très dépouillées sur
le côté nord de la nef.
Quatre copies de tableaux de Jean Jouvenet tentent de casser
la blancheur omniprésente de la nef et de ses chapelles. |
«La Résurrection de Lazare», copie inversée
d'un tableau de Jean Jouvenet (1644-1717). |
Les
quatre toiles d'après Jean Jouvenet dans les
chapelles latérales.
Le réfectoire du couvent des Jésuites
de Rennes
possédait quatre toiles issues de l'uvre
de Jean Jouvenet (1644-1717). Après la Révolution,
ces toiles ont été placées dans
l'église Saint-Sauveur
de Rennes,
puis transférées au musée
des Beaux-Arts en 1975. En 2016, une fois la restauration
de l'église Toussaints achevée, elles
y ont été exposées dans quatre
des «chapelles» latérales, donnant
ainsi un peu de couleurs à un environnement très
blanc (voir photo
ci-dessus).
Ces toiles sont des copies réalisées d'après
les gravures de Gaspard Duchange (1662-1757). Elles
reproduisent en sens inverse les tableaux du peintre
Jean Jouvenet. Deux de ces tableaux originaux sont actuellement
au musée du Louvre, deux autres se trouvent à
l'église Saint-Martin-des-Champs à Paris,
10e arrondissement.
Source : panneaux affichés
dans l'église Toussaints.
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Entre les triglyphes, les métopes reçoivent des bas-reliefs
de symboles chrétiens et de signes du Zodiaque. |
Jeanne
Jugan (1792-1879) (1/2).
C'est la fondatrice de la congrégation
des Petites Surs des Pauvres. Bizarrement,
son rôle a failli être occulté par
un abbé peu scrupuleux. Ce dernier, qui la côtoya
dans la communauté, composa une histoire de la
congrégation en se donnant le meilleur rôle
et en en effaçant la future sainte...
Née à Cancale sous la Révolution,
Jeanne a quatre frères et surs. Sa mère,
veuve d'un marin-pêcheur, travaille pour nourrir
sa famille. Jeanne se montre rapidement très
pieuse. D'abord aide-cuisinière, refusant de
se marier, elle est ensuite employée dans un
asile pour miséreux à Saint-Servan.
Six ans plus tard, elle se met au service d'une vieille
demoiselle. Ensemble elles catéchisent les pauvres.
Selon le Dictionnaire des saints et grands témoins
du christianisme, la moitié de la population
de Saint-Servan, à cette époque, est indigente,
soit quatre mille personnes ! Jeanne devient membre
du Tiers-Ordre de la Société du Cur
de la Mère admirable et y trouve le soutien
spirituel nécessaire à son dévouement.
Bernard Rio, dans Le Livre des saints bretons,
parle, quant à lui, du Tiers-Ordre des Filles
du Sacré-Cur.
Douze ans plus tard (1835), au décès de
la vieille demoiselle, Jeanne Jugan, devenue journalière,
fait des ménages et des lessives. Elle s'associe
bientôt avec deux autres femmes pour louer un
logement surmonté d'un grenier.
Année 1839. Elle a 47 ans et sa vie va basculer.
Un soir, une vieille femme aveugle mendie. Jeanne la
ramène chez elle, lui donne son lit et va coucher
au grenier. Quelques jours plus tard, elle ramène
une autre vieille femme infirme. L'une des deux autres
locataires lui donne son lit et... va coucher au grenier.
Finalement, les femmes âgées secourues
se multiplient. Le logement devient refuge. Une petite
communauté se crée. En 1842, celle-ci
prend le nom de Servantes des Pauvres. Jeanne
en est élue supérieure. En 1844, les associées
prennent un nom de religion et deviennent les Surs
des Pauvres. ---»» Suite 2/2
ci-contre.
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Sainte Jeanne Jugan (1792-1879)
dans une chapelle latérale.
Statue contemporaine (?) |
Vitrail de Max Ingrand : L'Eucharistie, détail.
Le vitrail commémore le souvenir des martyrs rennais
du bombardement du 8 mars 1943 et des otages rennais
fusillés le 8 juin 1944. |
Rennes,
8 mars 1943.
En 1940, le 17 juin, il y eut un seul
bombardement allemand sur Rennes.
Il visait la gare de triage où se trouvaient
un train de munitions et d'autres avec des réfugiés
et des soldats français et britanniques.
Les explosions firent près de 2000 morts.
En 1943, les bombardements alliés s'intensifient
sur Rennes.
Il y en eut huit de février à août.
Le plus tragique est incontestablement celui du
8 mars : aucune alerte n'a été donnée
et l'attaque surprend tout le monde à 2
heures 30 de l'après-midi. Les Rennais
restent impuissants, incapables de descendre dans
les abris. Des témoins voient des bombes
tomber sur des gens et déclencher des incendies
qui les brûlent vifs.
«Le 8 mars, des bombes tombent sur le quartier
de la gare et sur le Champ de Mars où se
trouve une fête foraine, écrit sommairement
Xavier Ferrieu dans Histoire de Rennes.
On compte 280 morts et 200 blessés, dont
beaucoup d'enfants.»
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Rennes,
8 juin 1944.
La résistance rennaise passe à l'action
dès l'été 1940. La répression
allemande répond aux harcèlements
et aux sabotages.
En 1942, les attentats se multiplient, entraînant
arrestations, envois en Allemagne ou condamnations
à mort, tandis que les collaborateurs et
la Milice secondent l'occupant.
En 1943, les Allemands reculent en Afrique du
Nord, en Italie et en Russie. L'esprit de résistance
en sort renforcé.
Philippe Henriot, secrétaire d'État
à l'Information est assassiné. Gestapo
et Milice accroissent la répression. 74
personnalités sont arrêtées
comme otages le 7 juin. Elles seront libérées
le 1er août. Cependant, «des membres
du réseau Défense de la France
sont fusillés le 8 juin 1944 à la
caserne du Colombier», écrit Xavier
Ferrieu dans Histoire de Rennes.
En juillet 1944, après le succès
de l'opération Cobra, la IIIe armée
du général Patton se rapproche de
Rennes
où elle entrera le 2 août. Les Allemands
ont quitté la ville après avoir
détruit tous les ponts et fait partir un
dernier train de déportés.
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«Le Christ chassant les marchands du temple», copie
inversée d'un tableau de Jean Jouvenet (1644-1717). |
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«La Pêche miraculeuse»,, copie inversée d'un
tableau de Jean Jouvenet (1644-1717). |
Vitrail de Max Ingrand, détail. |
LA CHAIRE À
PRÊCHER (XIXe SIÈCLE ?) |
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La chaire à prêcher
XIXe siècle ? |
La
chaire à prêcher. Il est rare de voir une
chaire aussi travaillée. Sans avoir de certitude,
on peut la dater du XIXe siècle. Au milieu d'un
foisonnement de sculptures florales, on distingue le
Bon Pasteur (ci-dessous au centre) entouré des
quatre évangélistes avec leur symbole
à leurs pieds.
Sur le dosseret,
l'archange Gabriel terrasse le démon, tandis
que, sur l'abat-son, une femme drapée tient une
croix que l'on peut regarder comme le double symbole
de la Foi et de l'Espérance.
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La cuve de la chaire à prêcher, détail.
Saint Marc et saint Luc entourent le Sacré-Cur. |
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L'abat-son de la chaire à prêcher est dominé
par la croix de la Foi ou de l'Espérance. |
La cuve de la chaire à prêcher. |
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L'archange saint Michel sur le dosseret de la chaire à prêcher.
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L'église
Toussaints et la loi de 1905 (1/5).
La Séparation de l'Église de l'État,
votée le 9 décembre 1905 par l'Assemblée,
a souvent créé des remous dans les paroisses
de l'Hexagone. L'État prenait possession de tous les
éléments cultuels de France, mais surtout obligeait
le clergé à soumettre chacune de ses églises
à un inventaire du mobilier et de tous les objets utilisés
pour la liturgie. Prélats et fidèles en furent
scandalisés. Du jamais vu depuis deux mille ans ! Du
jamais vu depuis que l'Église était l'Église
! Soucieux de leurs prérogatives, de l'honneur de la
religion qui a fait la France, les ecclésiastiques
prirent ces incursions et ces comptages pour une profanation
inadmissible, une insulte à Dieu. Et les paroissiens
leur emboîtèrent le pas : personne ne devait
souiller le sol des églises pour se livrer à
cette mascarade impie.
À Rennes,
le préfet d'Ille-et-Vilaine, M. Rault, prévoyait
des barrages devant les portes des édifices religieux.
Il pensa d'abord mener les inventaires à une date précise
pour chacun d'entre eux, puis se ravisa. C'était trop
facile pour les paroissiens : si tous les Rennais opposés
à la loi se regroupaient à chaque fois devant
les portes de l'édifice concerné, son labeur
allait se multiplier. Il décida donc de réaliser
tous les inventaires en même temps : le vendredi 16
février 1906.
La situation du Préfet était compliquée.
En effet, devant la politique anticléricale du gouvernement,
les villes avaient tendance à élire des maires
catholiques et souvent pratiquants. C'était le cas
à Rennes
où Eugène Pinault, un riche tanneur, par ailleurs
conseiller municipal et ancien député d'Ille-et-Vilaine,
avait été élu à la mairie en 1900.
Une responsabilité qu'il honorera jusqu'en 1908. L'historien
Xavier Ferrieu l'écrit dans son Histoire de Rennes
(Gisserot, 2001) : Pinault avait clairement annoncé
qu'il refusait d'assurer le maintien de l'ordre lors des inventaires...
Même si le cardinal Labouré, archevêque
de Rennes
avait recommandé aux curés de laisser les églises
ouvertes, le Préfet savait très bien que les
Rennais allaient s'opposer à la «profanation»
des églises par la fonction publique. Anticipant des
échauffourées et en l'absence de la police,
il lui fallait disposer d'une force armée suffisante.
Le témoin des événements décrit
ainsi la journée du jeudi 15 février : «De
tous les côtés, par tous les trains, arrivent
les gendarmes. Tous ceux du département, ceux même
des départements voisins, jusque de Lannion, ont été
appelés pour la grande journée. Habitués
à protéger l'ordre, et à poursuivre les
coquins et les voleurs, ils se sentent bien un peu déconcertés
de la triste besogne qu'on leur impose. Pauvres gens ! Ils
n'avaient pas rêvé de devenir gendarmes pour
assister au sac des églises, ou à la violation
des propriétés.»
À 18 heures ce même jour, le calme règne
dans Rennes
. Les agents de l'État sont entrés dans les
églises pour repérer les points faibles, nous
dit ce témoin qui ajoute non sans malice : «Ils
savent par où ils pourront tenter l'effraction.»
À 23 heures, les portes des églises sont gardées
par des escouades. À minuit, la ville est en état
de siège. Pour rentrer chez eux, les habitants dont
les maisons sont proches des édifices cultuels doivent
établir leur identité et se faire accompagner
par un agent de police.
---»» Suite 2/5
ci-dessous à gauche.
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L'église
Toussaints et la loi de 1905 (2/5).
---»» Le témoin poursuit : «Toute
la garnison de Rennes
a été mobilisée : les 14 compagnies
du 41e de ligne, en tenue de campagne, avec deux paquets
de cartouche dans chaque giberne, les artilleurs des
7e et 10e d'artillerie, - les gendarmes, 500, dit-on
-, arrivés de partout. Tout cela pour enfoncer
les portes de six églises, et inspirer une salutaire
terreur à quiconque voudrait bouger.»
Arrive le matin du vendredi 16 février 1906.
Avec 20 000 habitants, Toussaints est la paroisse
la plus importante de Rennes,
soit presque le tiers de la ville. Craignant des débordements,
le préfet Rault a pris des mesures exceptionnelles.
À 23 heures la veille, un cordon de soldats entourait
déjà l'église. Le 16, à
4 heures du matin, le commissaire du 3e arrondissement,
M. Jacquinot, arrive avec de nombreuses troupes : une
compagnie du 41e d'infanterie ; une batterie du 7e d'artillerie
; six brigades de gendarmerie à cheval et à
pied. Sur le seuil de l'église, une section de
soldats et une brigade de gendarmerie montent la garde.
À 6 heures, des ouvriers veulent passer, mais
tout est bloqué. Des protestations fusent.
Vers 7 heures, le jour se lève. La foule s'est
amassée derrière les barrages. M. Gillard,
agent du fisc, c'est-à-dire celui qui doit réaliser
l'inventaire, arrive avec le commissaire Jacquinot.
Tous deux sont accompagnés de gendarmes et d'agents
de police.
---»» Suite 3/5
plus bas.
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Détail de la rampe de la
chaire à prêcher. ---»»»
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LE TRANSEPT ET
SES DEUX RETABLES LAVALLOIS |
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Le bras sud du transept et son retable lavallois du XVIIe siècle. |
L'«Agonie de Jésus au jardin des Oliviers»
dans le retable lavallois. |
La coupole en pendentifs de la croisée. |
L'église
Toussaints et la loi de 1905 (4/5).
---»» À 9 heures 15, le curé
et le représentant de la Fabrique se retrouvent
devant l'église face à M. Gillard et au
commissaire de police. Tous deux paraissent très
ennuyés, précise le témoin. Le
commissaire procède à une première
sommation : «Obéissance à la loi
!», suivie d'un roulement de tambour. Deuxième
sommation : «Obéissance à la loi
! Obéissez comme de bons citoyens !» Le
curé rappelle au commissaire que c'est lui qui
viole à la loi s'il n'attend pas que le Conseil
d'État ait statué. S'ensuit un dialogue
de sourds : chacun campe sur ses positions. Troisième
sommation ! Le recours à la force est décidé.
Ce recours sera indirect car les hommes de la 8e section
passent par le Petit Lycée. Du haut d'une échelle,
ils cassent un vitrail de l'église en deux endroits,
puis descendent dans l'édifice en brisant «horriblement
l'autel très vénéré de Notre-Dame
du Perpétuel Secours». Une fois dans la
place, ils font sauter les serrures et les barres de
fer de la grande porte qui s'ouvre enfin. Les responsables
de l'inventaire peuvent entrer.
L'église Toussaints possède un narthex,
autrement dit une petite salle où l'on débouche
après avoir franchi la grande porte. Là,
une autre porte donne accès à la nef.
Comme une sorte de vengeance morale, le témoin
ne se prive pas de rappeler que, au-dessus de cette
porte intérieure, s'étale une grande banderole
où il est écrit : «Dieu
vous voit et vous juge !» et que tout le monde
la lit... Une banderole similaire est accrochée
à la chaire à prêcher ; une troisième
s'étend dans la sacristie.
La sacristie étant fermée, des «crocheteurs»
font sauter la serrure de la porte. À l'intérieur,
tous les meubles sont ouverts et l'on peut procéder
à l'inventaire. Une demi-heure plus tard, les
officiels s'en vont.
---»» Suite 5/5
plus bas.
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Le retable lavallois du bras nord du transept. |
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Ornementation de l'entablement dans la croisée.
De haut en bas : corniche à denticules, frise de triglyphes
et de métopes, architrave à trois fasces.
Les pilastres se terminent par des chapiteaux moulurés,
de style classique. |
L'église
Toussaints et la loi de 1905 (3/5).
---»» À 7 heures 30, le chanoine
Girard, curé de l'église; gravit les cinq
marches du perron. D'une voix forte et devant le commissaire
Jacquinot et l'agent du fisc, il lit une protestation
officielle dont on devine la teneur : la loi foule aux
pieds les droits de Dieu et des consciences ; vous ne
voulez pas déchristianiser la France, mais l'athéiser
; l'inventaire, c'est la mainmise de l'État sur
les biens de l'Église ; nous sommes gardiens
de ce que Dieu et nos pères nous ont légué
; seul le Souverain Pontife peut nous dicter notre conduite
; nous serons obligés de céder à
la force, mais nous vous rappelons que la peine d'excommunication
frappe tous ceux qui s'emparent des biens de l'Église.
À sa suite, M. Rabillon, pour le Conseil de fabrique,
lit une autre protestation : la fabrique rappelle que
l'utilisation de la force est illégale tant qu'un
arrêté préfectoral ne contraint
pas les fabriciens à ouvrir l'église ;
si ceux-ci refusent à nouveau, alors l'usage
de la force sera légal ; d'autre part, la Fabrique
a le droit de frapper l'arrêté d'un recours
devant le Conseil d'État «pour obtenir
sursis jusqu'à la décision papale»,
comme Aristide Briand, rapporteur de la loi, le reconnaît
lui-même ; si le pape ordonne de subir l'inventaire,
les fabriciens obéiront.
M. Gillard, inspecteur de l'Enregistrement, et le commissaire
Jacquinot rentrent alors dans le Petit Lycée
et referment la porte. À 8 heures 30, le commissaire
réapparaît, porteur de l'arrêté
du préfet. Les choses se précisent : à
9 heures 15, les portes de l'église devront être
ouvertes et l'accès à tous les meubles
qu'elle contient autorisé, sinon l'emploi de
la force suivra.
M. le Curé et M. Rabillon s'insurgent et en appellent
à la sentence du Préfet au Conseil d'État.
Cet appel a pour eux un effet suspensif jusqu'à
l'avis du pape qui a seul le droit de disposer des biens
de l'Église. Le commissaire de police promet
de porter cet appel au Préfet. Mais, comme le
relate le témoin de la scène, si la troupe
a été mobilisée, ce n'est pas pour
rester passive devant un appel...
Un peu avant 9 heures arrive une escouade d'ouvriers
de la 8e section d'artillerie. «Ils portent sur
leurs épaules, écrit le témoin,
les instruments de cambriolage : marteaux, haches, leviers,
crics...» On entend des cris : «Vive la
liberté !» tandis que des cantiques s'élèvent
dans la foule massée derrière les barrages.
---»» Suite 4/5
plus bas.
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Retable lavallois du XVIIe siècle dans le bras sud du
transept. |
Groupe sculpté de l'Éducation de la Vierge dans
le retable lavallois du bras sud du transept. |
«Le Repas du Christ chez Simon le pharisien, copie inversée
d'un tableau de Jean Jouvenet (1644-1717). |
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L'église
Toussaints et la loi de 1905 (5/5).
---»» La Fabrique fait aussitôt appeler
un huissier pour constater les dégâts. L'acte
sera adressé au Préfet et au directeur des Domaines
car, répète le témoin, l'appel au Conseil
d'État était légal. Pendant ce temps,
les fidèles envahissent l'église. De tout l'après-midi,
la foule ne tarit pas ; certains ramassent un éclat
de bois ou de verre et l'emportent en souvenir.
Un Salut solennel est alors célébré devant
l'assemblée des paroissiens avec chants et cantiques.
Même scène le dimanche suivant. La déclaration
du curé - lue par un vicaire car le curé est
souffrant - est d'abord un mea culpa : ces événements
sont d'abord «le châtiment trop juste de nos péchés».
Puis elle dresse un état de la France : «Toutes
les idées antisociales et antipatriotiques, s'étalent
au grand jour : patrie, famille, propriété,
tout est attaqué. Pour arrêter le mal, il faudrait
un repentir sincère, et un changement de vie...»
Pour le clergé de Toussaints, le point de scandale
est que le Petit Lycée, qui se doit de rester neutre,
a servi de passage pour pénétrer dans l'église.
«A-t-on le droit de se servir de la propriété
d'un tiers pour attaquer le voisin ? demande le témoin.
Qui donc avait indiqué le passage ? Qui donc a
ouvert la porte ?» Le curé Girard adresse
donc au proviseur du lycée une lettre de protestation.
Il y rappelle les faits, l'accuse de «manifeste complicité
pour cet attentat» qui le fait «tomber sous le
coup de l'excommunication.»
Si le proviseur est innocent, qu'il le dise afin d'échapper
à «l'une des peines les plus redoutables de l'Église».
Le silence sera un aveu et les faits seront portés
au tribunal de l'opinion publique car «il faut que la
France sache à quels éducateurs sont confiés
ses enfants.»
La lettre se termine par une étonnante formule de politesse
: «Agréez, Monsieur, l'assurance de mon entier
dévouement au salut de votre âme» !
Le narrateur ne dit pas quelle suite a été donnée
à cette lettre. Source : À
l'assaut de nos églises, récit anonyme d'un
témoin, édité en 1906.
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Groupe sculpté de la Vierge à l'Enfant
Retable lavallois du bras nord du transept. |
L'«Agonie de Jésus au jardin des Oliviers», détail.
Peintre inconnu. |
L'église Toussaints le VENDREDI 16 FÉVRIER 1906 au matin.
Devant la Grande Porte, avant les trois sommations.
L'armée a bouclé le quartier. Sur le perron, le clergé
et les fabriciens barrent l'entrée de l'église.
Sur la place, les agents de l'État attendent l'ordre du préfet
d'employer la force. |
Ornementation de l'entablement dans le bras nord du transept :
Frise de triglyphes et de métopes.
«««---
Dessin tiré du recueil anonyme «À l'assaut
de nos églises», publié en 1906. |
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Vitrail de Max Ingrand dans le transept. |
«L'Annonciation», tableau dans le retable lavallois du
bras nord du transept.
Peintre inconnu. |
La Vierge dans le tableau de l'Annonciation. |
Partie haute du retable lavallois du XVIIe siècle dans le bras
nord du transept.
uvre du retablier François II Houdault. |
LE CHUR
DE L'ÉGLISE TOUSSAINTS |
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Vue d'ensemble du chur avec le retable du frère Charles
Turmel (XVIIe siècle).
Statues de gauche à droite : saint Nicolas, saint Ignace de
Loyola et saint François Xavier. |
Le
retable du chur. Édifié
entre 1653 et 1657, il a été attribué
par un conservateur du musée
des Beaux-Arts de Rennes au frère Charles
Turmel et offert à la chapelle des Jésuites
par le duc de Rohan. Charles Turmel, en tant qu'architecte,
a dirigé les travaux de construction de 1627
à 1631.
Le tableau central du retable représente Notre-Dame,
protectrice de la Compagnie de Jésus. Il
est signé J. Roulleaux et daté
de 1737.
Le retable fait honneur à deux grands saints
de la Compagnie de Jésus. Au premier niveau,
dans la partie centrale, les statues de saint Ignace
de Loyola, son fondateur, et de saint François
Xavier, l'apôtre des Indes, sont encadrées
chacune par deux colonnes de marbre noir coiffées
d'un chapiteau corinthien. Sur les côtés
se tiennent saint Nicolas et saint Jean-Baptiste.
Une grande photo
plus bas donne le retable vu de côté.
Au milieu de la frise qui sous-tend le fronton central
se trouve une dédicace : Omnibus sanctis
(À tous les saints). Voir gros plan plus
bas. Elle est dominée par le portrait d'un
jeune homme aux cheveux longs dont l'identité
reste mystérieuse. (Ce n'est pas le visage traditionnel
du Christ). Enfin, le second niveau du retable est à
la gloire du Père céleste : le tétragramme
trône au centre d'une croix rayonnante dans un
ensemble de sculptures florales assez chargé.
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Le retable baroque du frère Charles Turmel (XVIIe siècle).
«««---
Le chur, son retable du XVIIe siècle et la tribune
sud. |
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Le bas-côté nord du chur et sa tribune. |
«Notre-Dame, protectrice de la Compagnie de Jésus»
Tableau signé «J. Roulleaux, 1737» dans le
retable du chur. |
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La clôture de communion qui ferme le chur est un
garde-corps à balustres. |
Partie haute du retable baroque de Charles Turmel. |
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Statue de saint Jean-Baptiste
dans le retable du chur. |
«««--- À
GAUCHE
Élévations sud du chur et du bras
sud
du transept vues de derrière les stalles nord.
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Le retable baroque du frère Charles Turmel (XVIIe siècle),
détail.
Charles Turmel fut l'architecte de l'église de 1627 à
1631. |
Les stalles du chur. |
Les stalles du chur, détail. |
La tribune ouest, détail.
Pour casser le blanc envahissant, la façade derrière
la tribune
a été décorée des instruments de la Passion. |
Vitrail de Max Ingrand
«1903-1928-1953» |
Bas-relief d'un ange dans l'écoinçon
de l'arcade sur la façade ouest |
La nef de l'église Toussaints vue depuis le chur. |
Documentation : «Patrimoine religieux
de Bretagne», éditions Le Télégramme, 2006
+ «Bretagne, dictionnaire guide du patrimoine, éditions
du patrimoine, 2002
+ «Dictionnaire du patrimoine rennais» sous la direction
de Jean-Yves Veillard et Alain Croix, Éditions Apogée,
2004
+ base Mérimée, article sur l'église Toussaints
+ «Retables de la Mayenne», Images du Patrimoine, 1990
+ «Dictionnaire d'histoire de Bretagne», éditions
Skol Vreizh, 2008
+ «À l'assaut de nos églises», récit
anonyme d'un témoin édité en 1906 |
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