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L'Entrée du Christ à Jérusalem, Vitrail de la Passion, vers 1210-1215

Cette seconde page sur la cathédrale de Bourges donne de nombreuses illustrations des vitraux des XVe et XVIe siècles des chapelles latérales et de la chapelle axiale. On trouvera aussi des vues du chœur, du déambulatoire et de l'exceptionnelle série des grandes verrières du XIIIe siècle qu'il abrite. Dans les chapelles latérales, on se reportera tout spécialement aux deux vitraux qui ont impressionné des historiens de l'art comme Émile Mâle ou Jean Lafond : celui de l'Annonciation (XVe siècle) dans l'ancienne chapelle Jacques Cœur et celui de la présentation à la Vierge de la famille Trousseau dans la chapelle du même nom (XVIe siècle), œuvre de Jean Lescuyer. On ne manquera pas non plus le sosie d'Henri IV dans la vitrail de l'Assomption du XVIe siècle.
Pour ce qui est de la mentalité médiévale, le vitrail de la vie et du martyre de saint Étienne et de saint Laurent est l'occasion de développer le concept de pauvreté au Moyen Âge et de son évolution depuis le XIIe siècle jusqu'au XVIe.

Sainte Catherine dans le vitrail de l'Assomption du XVe siècle
Le déambulatoire de la cathédrale de Bourges
Vue de l'impressionnant double déambulatoire de la cathédrale Saint-Étienne.
Il présente l'une des plus belles collections de verrières du XIIIe siècle que l'on puisse voir dans le monde.
Une autre vue de ce lieu extraordinaire est donnée plus bas.

Les verrières de la cathédrale Saint-Étienne. La cathédrale doit une partie de sa célébrité à ses vitraux qui embrassent toutes les époques du vitrail français. Le déambulatoire est illuminé de vitraux du tout début du XIIIe siècle, typiques du premier âge du vitrail : de grandes verrières constituées de petites scènes insérées dans une architecture géométrique de carrés, de losanges et de cercles. Ce sont les vitraux les plus anciens de l'édifice. «Ils ont sans doute été mis en place avant 1214, car des célébrations d'offices sont mentionnées à cette date dans les chapelles du chœur», lit-on dans le Corpus Vitrearum. Les grandes fenêtres du chœur doivent être antérieures à 1225, sans que l'on soit sûr de la date. Soulignons la présence de deux réemplois de vitraux du XIIe siècle dans des grisailles modernes (photos ci-contre).
C'est un style artistique différent qui s'affiche dans les fenêtres de la fin du XIVe et du début du XVe siècle : la partie supérieure du «grand housteau» (dont la rose) derrière le grand orgue et les vitraux des chapelles latérales des familles Trousseau et Aligret. Suivent au XVe siècle les lancettes du «grand housteau» et les verrières d'autres chapelles latérales (Fradet, Beaucaire, Jacques Cœur, etc.) car la cathédrale s'embellit à la suite de nombreuses donations. Les vitraux du XVIe siècle, possédant le style Renaissance proprement dit, se trouvent dans trois autres chapelles latérales (chapelles des Bar, des Copin, des Tullier) et dans la chapelle axiale dite «Notre-Dame-la-Blanche». Le XVIIe siècle n'est pas absent non plus avec le magnifique vitrail de la chapelle de Montigny où resplendit un portrait du maréchal de Montigny, sosie d'Henri IV. Le XIXe siècle a aussi offert ses inévitables vitraux dans le style qu'on lui connaît, notamment un Jésus au jardin des Oliviers dans la chapelle Jacques Cœur. La cathédrale Saint-Étienne de Bourges propose ainsi aux visiteurs toute l'évolution du vitrail depuis le XIIIe siècle jusqu'au XVIIe. On trouvera dans cette page un extrait de ces vitraux du début du XVe jusqu'au XVIIe siècle, présentés dans l'ordre chronologique.
Toutes les restaurations effectuées au XIXe siècle ont été comptabilisées. Dans la première moitié du XIXe, elles furent mineures. En 1843, le maître verrier Étienne Thevenot, de Clermont-Ferrand, fut chargé de restaurer à titre d'essai cinq grandes fenêtres du XIIIe siècle situées dans le déambulatoire (Nouvelle Alliance, Vie de saint Thomas, de saint Vincent, etc). Ce travail fut âprement condamné en 1848 par Adolphe Didron, critique très écouté et chargé d'un rapport officiel. Le chapitre du Corpus Vitrearum consacré à la cathédrale de Bourges écrit à ce sujet que Thevenot «employa des méthodes tout à fait contestables». Il est intéressant de rapporter ce qu'en disaient les membres du Congrès archéologique de France tenu à Bourges en octobre 1849. On lit ainsi sous la plume de l'abbé Crosnier, auteur du rapport de la visite des congressistes à la cathédrale le 3 octobre 1849 : «Après l'étude du portail, le Congrès est rentré de nouveau dans l'intérieur de la basilique [sic], pour contempler les magnifiques vitraux qui forment son plus bel ornement ; il ne s'agissait pas ici d'expliquer les différents sujets représentés sur ces vitraux, le temps manquait, et d'ailleurs les savants travaux des pères Martin et Cahier sur ces légendes diaphanes étaient, au musée de la ville, à la disposition des membres du Congrès, il s'agissait de juger des restaurations récentes qui y ont été exécutées par M. Thevenot, de Clermont. L'artiste était témoin de cet examen, il attendait avec confiance le jugement que devait porter ce jury impartial ; bientôt des félicitations unanimes le dédommagèrent amplement de certaines critiques mal fondées, et qui, heureusement, n'avaient pas ébranlé son courage dans l'important travail qu'il avait entrepris.» Ajoutons qu'Étienne Thevenot adressa une communication complète au Congrès, détaillant tout son travail. Quoi qu'il en soit, en 1853, on changea de spécialistes (qui furent Coffetier et Steinheil) pour la restauration d'une grande partie du reste des vitraux du déambulatoire. Ceux du haut-chœur furent restaurés en 1885-1886 (Steinheil et Leprevost). Puis, au début du XXe siècle, l'atelier Chigot, de Limoges, fut chargé de restaurer les vitraux des XVe et XVIe siècles des chapelles latérales.
Soulignons que les vitraux ont tous été déposés en 1939 et reposés en 1946.
Sources : 1) Les vitraux du Centre et des Pays de la Loire, Corpus Vitrearum, CNRS, 1981; 2) Session du Congrès archéologique tenue à Bourges en 1849, rapport de l'abbé Crosnier.

Deux panneaux du XIIe siècle (l'intervalle a été réduit)
Deux panneaux du XIIe siècle :
La Résurrection de Lazare et
Marie-Madeleine aux pieds du Christ (1170).
Extrait d'un vitrail moderne avec un réemploi médiéval
Extrait d'un vitrail moderne avec un réemploi médiéval,
Réemploi de deux fragments de 1170 (restaurés) :
La Résurrection de Lazare et Marie-Madeleine aux pieds du Christ.
Extrait d'un vitrail moderne avec un réemploi médiéval
Deux panneaux du XIIe siècle :
Annonciation et Adoration des mages (vers 1160).

Étienne Thevenot ou l'histoire d'un jugement faussé (1/3). Un très intéressant article de l'historienne Karine Boulanger a récemment fait justice des critiques adressées au restaurateur Étienne Thévenot (et inspecteur des Monuments historiques depuis 1837). Il a aussi mis en lumière l'art de dénigrer un bon professionnel que l'on n'apprécie pas. En 1845, Thevenot est chargé - à l'essai - de restaurer cinq grandes verrières basses du chœur de la cathédrale. Pour cela, il va s'associer avec le vitrier berrichon Félix Chédin. Karine Boulanger démontre la bonne qualité du travail réalisé, surtout dans le souci de garder le plus possible les verres anciens. Ce qui signifie respecter les nombreux plombs de casse qui parsèment les vitraux (et qui parfois défigurent un peu les visages). Les bouche-trous et les morceaux post-XIIIe siècle qui perturbaient la lecture et dénaturaient le vitrail furent remplacés.
«Dans l'ensemble, écrit K. Boulanger, le restaurateur a parfaitement saisi le style des verrières qui lui étaient confiées et a souvent su refaire de nouvelles pièces dont la peinture se fond bien parmi les pièces originales». Toutefois, le travail fut loin d'être parfait dans la re-création des panneaux manquants. D'abord, Thevenot se référa à la Légende dorée de Jacques de Voragine et non pas au travail iconographique récent des moines Cahier et Martin (cité plus haut dans l'extrait du rapport du Congrès archéologique de France). Ensuite, il n'hésita pas à reprendre certaines de ses propres compositions modernes, introduisant des anachronismes fâcheux dans des verrières du XIIIe siècle. Par exemple, il représenta les saints de profil alors que «seuls les personnages méchants   --»» Suite 2/3 plus bas.

LES CHAPELLES LATÉRALES ET LEURS VERRIÈRES DES XVe et XVIe SIÈCLES
Chapelle latérale sud du Sacré-Cœur
Chapelle latérale sud du Sacré-Cœur
C'est la plus grande des chapelles latérales de la cathédrale.
C'est aussi la plus ancienne (XIVe siècle).
Le vitrai central est du XIXe siècle : Jésus au jardin des Oliviers.
Peinture murale : Saint Pierre et Ananias (?)
Peinture murale : Saint Pierre et Ananias (?)
Chapelle du Sacré-Cœur.

Le mobilier. Au début du XVe siècle, une série de chapelles latérales entourait la nef. Chaque donateur devait veiller à meubler son petit espace privé : vitrerie, autel, statue, etc. Une quarantaine d'années plus tard, Jacques Cœur relança les donations en faisant bâtir une sacristie capitulaire et une chapelle. Il est facile d'imaginer la richesse de la cathédrale au XVIIIe siècle. À la Révolution, l'édifice fut vidé de son mobilier par le saccage et le vol. Il nous reste quelques priants et gisants, souvent entreposés dans l'église basse. D'une manière générale, la cathédrale Saint-Étienne ne possède pas, à l'heure actuelle, de mobilier digne de son rang. Les chapelles latérales sont à l'image de celle donnée ci-contre : autel du XIXe siècle et voûte un peu délabrée.

Bas-relief du XIXe siècle au-dessus de l'autel
Bas-relief du XIXe siècle au-dessus de l'autel
Chapelle du Sacré-Cœur.
Baie 42 : deux lancettes venant de la Sainte-Chapelle de Bourges.
Baie 42 : deux lancettes venant de la Sainte-Chapelle de Bourges.
Chapelle du Sacré-Cœur.
Les vitraux originaux de cette chapelle (qui étaient du milieu du XVe siècle)
ont été détruits par un ouragan en 1645.
Clé de voûte avec fleurs de lys.
Clé de voûte avec fleurs de lys.
Clé de voûte
Clé de voûte.
Chapelle latérale Sainte-Solange.
Chapelle latérale Sainte-Solange.
Sainte Solange priant au milieu de ses moutons.
Sainte Solange priant au milieu de ses moutons.
Peinture murale du XIXe siècle.
Chapelle latérale Sainte-Solange.
BAIE 27 - LA PRÉSENTATION DE LA FAMILLE TROUSSEAU À LA VIERGE (chapelle Trousseau), 1400-1405
Vitrail de la famille Trousseau, vers 1400-1405.
Baie 27 : Verrière dite «de la famille Trousseau».
Vers 1400-1405.
Présentation à la Vierge et à l'Enfant de la famille Trousseau :
(de gauche à droite) frères et sœur, puis le chef de famille, puis ses parents.
Pierre Trousseau avait une autre sœur, Catherine, qui, trop jeune à l'époque, n'est pas présente.
La Rencontre à la Porte dorée (panneau très restauré).
Baie 27, détail : les parents de Pierre Trousseau
présentés à la Vierge par saint Jacques le Majeur.
Vers 1400-1405.
La Rencontre à la Porte dorée (panneau très restauré).
Baie 27, détail : le damas qui accompagne saint Jacques représente
des fleurs et des animaux fantastiques.
Vers 1400-1405.
Le père et la mère de Pierre Trousseau
Baie 27, détail : saint Étienne présente Pierre Trousseau à la Vierge
Vers 1400-1405.

Baie 27 - Le vitrail de la famille Trousseau.
Daté des années 1400-1405, ce vitrail orne une chapelle fondée par Pierre Trousseau, chanoine de la cathédrale. La famille du donateur est présentée à à la Vierge et à l'Enfant. On y trouve les parents du donateur ainsi que ses deux frères et sa sœur.
Le vitrail a connu quelques restaurations (tête de l'évêque restaurée au XVIe siècle par Jean Lescuyer).
On remarquera les très beaux damas d'arrière-plan et leurs scènes d'animaux fantastiques..
Source : Les vitraux du Centre et des Pays de la Loire, Corpus Vitrearum, CNRS, 1981.

La Vierge et l'Enfant avec saint Sébastien
Baie 27, détail : La Vierge avec saint Sébastien (à gauche) et
un saint évêque à droite (saint Guillaume ou saint Ursin).
Vers 1400-1405.
La Rencontre à la Porte dorée (panneau très restauré).
Baie 27, détail : les frères du donateur, Jacques et Jean Trouseau,
et leur sœur Agnès sont présentés à la Vierge
par une sainte qui pourrait être sainte Catherine d'Alexandrie ou sainte Agnès.

Baie 27 - Qui est la sainte derrière les frères et la sœur (image ci-dessus) ?
Les historiens qui se sont penchés sur le vitrail de la famille Trousseau voient généralement sainte Agnès dans la sainte couronnée derrière les deux frères et la sœur de Pierre Trousseau. Agnès est en effet le prénom de la jeune femme (et dame de Méreville) qui se tient entre les deux jeunes gens, Jacques et Jean, ses frères.
Mais, à sainte Agnès, morte martyre au IVe siècle pour avoir refusé, à quatorze ans, d'épouser un païen, l'iconographie n'attribue pas une couronne de reine. C'est plutôt «une couronne de noces venant du ciel et tenue par la main de Dieu», lit-on dans le Dictionnaire iconographique des saints, ou une couronne de fleurs.
Dans son étude très fouillée sur les vitraux de la cathédrale de Bourges postérieurs au XIIIe siècle parue à la fin du XIXe, le marquis Albert des Méloizes rapporte que Pierre Trousseau avait une autre sœur, Catherine. Il écrit : «C'était encore une enfant à l'époque de la confection de ce vitrail, et c'est sans doute pourquoi elle n'y figure pas.» Est-il permis d'aller plus loin ? On pourra penser que, puisqu'elle n'y figure pas et pour établir une sorte d'égalité au sein de la fratrie, c'est sa sainte patronne qui a été représentée, à savoir sainte Catherine d'Alexandrie. En effet, cette sainte légendaire est souvent figurée avec une (vraie) couronne et bien sûr, comme saint Agnès, avec la palme du martyre.
Un détail peut aller dans ce sens : la sainte Catherine de la baie 30 dans la chapelle des Aligret, porte le même style de couronne. En revanche, un autre détail va dans le sens opposé : le visage de la sainte Catherine de la baie 30, même s'il a été refait, ne correspond pas à celui de la «sainte Catherine» de la baie 27. Or, pour aller dans le sens du marquis des Méloizes, le style de dessin et l'aspect des damas des arrière-plans suffisent pour convaincre que les deux verrières sont de la même époque et sortent du même atelier...
Sources : 1) Dictionnaire iconographique des saints par Bernard Berthod et Élisabeth Hardouin-Fugier, Les Éditions de l'Amateur, 1997 ; 2) Vitraux peints de la cathédrale de Bourges postérieurs au XIIIe siècle par le marquis Albert des Méloizes, 1891-1897.

La Rencontre à la Porte dorée (panneau très restauré).
Baie 27, détail : saint Étienne présente Pierre Trousseau à la Vierge.
Vers 1400-1405.
Le fondateur de la chapelle, Pierre Trousseau, détenait le siège archiépiscopal de Bourges au moment de sa mort.
Il tient dans ses mains une petite chapelle surmontée d'un campanile où loge une cloche.
BAIE 30 - LA VERRIÈRE DES QUATRE SAINTS (Chapelle Simon Aligret), 1405 - 1412 ou 1415
Saints Simon, Catherine, Hilaire et Georges (vers 1405-1415)
Baie 30 : saints Simon, Catherine, Hilaire et Georges.
Vers 1405-1415.
Saint Simon, à gauche, présente Simon Aligret et ses deux neveux.
Saint Georges, à droite, présente des membres de la famille Aligret.

Baie 30, détail du tympan ---»»»
Les anges sonnent le réveil des morts lors du Jugement dernier.
Les Justes, ressuscités et le visage réjoui, sortent de leurs tombeaux.

La chapelle Aligret a été fondée vers la fin du XIVe siècle ou le début du XVe par Simon Aligret (†1415), chanoine de la cathédrale et médecin du duc de Berry.
Le vitrail représente des membres de sa famille en prière devant leurs saints patrons (saint Simon, sainte Catherine, saint Hilaire de Poitiers et saint Georges).
La verrière est jugée peu restaurée. Toutefois, les visages de sainte Catherine et de saint Hilaire de Poitiers ont été refaits, peut-être au XVIe siècle. Le tympan, outre des écussons, illustre la Résurrection des morts dans le Jugement dernier, sonnée par des anges musiciens.
Ce vitrail donne une information sur la mode vestimentaire de l'époque. Le quatrième panneau montre en effet saint Georges présentant un homme et trois femmes. Ces dernières font partie de la classe moyenne. Ce sont des bourgeoises vêtues de longs surcots et coiffées d'«une espèce de cornette qu'on appelait huve à la fin du XIVe siècle» [des Méloizes].
Sources : 1) Les vitraux du Centre et des Pays de la Loire, Corpus Vitrearum, 1981 ; 2) Vitraux peints de la cathédrale de Bourges postérieurs au XIIIe siècle par le marquis Albert des Méloizes, 1891-1897.

Saints Simon, Catherine, Hilaire et Georges (vers 1405-1415)
Saints Simon, Catherine, Hilaire et Georges (vers 1405-1415)
Baie 30, détail : saint Simon, sainte Catherine, saint Hilaire et saint Georges.
Vers 1405-1415.
Les têtes de sainte Catherine et de saint Hilaire ont été refaites après le XVe siècle.

Le vitrail au début du XVe siècle.
La verrière de la baie 30 est un bon exemple de la révolution qui va bouleverser l'univers du vitrail aux alentours de l'an 1400.
Le vitrail roman, axé sur trois couleurs de base (rouge, vert et bleu) laisse passer peu de lumière. Les grandes baies de la cathédrale de Chartres ou celles du déambulatoire de la cathédrale de Bourges en donnent des exemples connus.
Au cours du XIIIe siècle, l'exigence de lumière dans les églises va se répandre et, avec elle, le verre blanc. Ces nouveaux vitraux seront souvent ornés de quelques panneaux de style roman, voire d'une litre, c'est-à-dire d'une rangée de saynètes, mêlant le rouge, le vert et le bleu.
Arrive ensuite le jaune d'argent au début du XIVe siècle : un sel que l'on passe au pinceau directement sur le verre, ce qui diminue les découpes des verres colorés dans la masse. On peut ainsi faire varier les couleurs à la cuisson ou rehausser des éléments qui seraient restés à l'état de simple grisaille.
Aux alentours de l'an 1400, nouvelle évolution qui touche cette fois le style : les personnages, maintenant disposés sous de hauts dais, s'agrandissent et sont dessinés à coups de traits fins ; les grisailles s'amoindrissent et le jaune d'argent vient relever certaines parties des anatomies (notamment les cheveux) ou les contours des dais. Souvent damassé, l'arrière-plan adopte un ton foncé pour assurer le contraste. C'est ce que propose la baie 30.
Curieusement, il y a eu des historiens au XIXe siècle qui n'ont pas apprécié ce nouveau style. Ainsi le marquis Albert des Méloizes, dans son étude très détaillée des vitraux de la cathédrale de Bourges postérieurs au XIIIe siècle, écrit à propos du vitrail des Trousseau que «les figures sont un peu écrasées par l'importance exagérée des motifs d'architecture qui les encadrent», ce qui restreint d'ailleurs le côté religieux du vitrail. D'autre part, il ajoute que «la grande étendue des parties blanches nuit singulièrement à l'effet décoratif», alors que le peintre verrier Eugène Hucher, à la même époque et d'une manière générale, voit le blanc et l'or du jaune d'argent s'unir «avec beaucoup d'éclat et de fraîcheur».
Des Méloizes explicite clairement son rejet (étrangement sans jamais retenir le besoin de lumière) : «On ne pense plus, écrit-il, qu'un vitrail doit entrer dans l'ornementation de l'édifice au même titre qu'une mosaïque ou une tenture, avec l'éclat en plus qui résulte de la translucidité des surfaces colorées. Les artistes ne veulent plus se borner à l'illustration des feuilles de missels et des manuscrits ; (...) ils peuvent, comme sur le parchemin, tendre à l'imitation de la nature et ils abandonnent les types hiératiques pour poursuivre le réalisme des figures et des attitudes. Le vitrail se transforme ainsi en un tableau dans lequel le dessin prend de plus en plus d'importance, tandis que la couleur semble devenir accessoire.» Il en conclut que l'effet harmonieux de l'ensemble disparaît au profit des détails.
C'est presque un avant-goût de la querelle entre poussinistes et rubénistes qui va surgir dans le monde des peintres à la fin du XVIIe siècle !
Source : Vitraux peints de la cathédrale de Bourges postérieurs au XIIIe siècle par le marquis Albert des Méloizes, 1891-1897.

L'Assomption
Baie 30, détail : saint Georges brandissant son épée.

Baie 30, détail : saint Georges présente des membres de la famille Aligret.
Vitrail du début du XVe siècle.
Grisaille rehaussée de jaune d'argent sur un arriè-plan damassé; bleu.

Les costumes des femmes donnent un aperçu intéressant
de la mode vestimentaire de la bourgeoisie
au début du XVe siècle.

Baie 30, détail : trois jeunes femmes présentées par saint Georges.
Début du XVe siècle.

Simon ou Thomas ?
Dans la première lancette, le saint qui présente des membres de la famille Aligret est donné dans la littérature de la cathédrale comme étant saint Simon (ci-contre).
Quoi de plus logique ? C'est le saint patron de Maître Aligret, fondateur de la chapelle.
Cependant, à la fin du XIXe siècle, au vu de ses attributs, le marquis Albert des Méloizes remet ce choix en doute. On voit que Simon tient une lance de la main droite et un livre dans la main gauche. Or ces attributs sont plutôt ceux de saint Thomas. Saint Simon est généralement associé à la scie de son martyre.
Source : Vitraux peints de la cathédrale de Bourges postérieurs au XIIIe siècle par le marquis Albert des Méloizes, 1891-1897.


«««--- Baie 30, détail :
saint Simon.
Début du XVe siècle.

Baie 30, détail : sainte Catherine avec la roue dentée de son supplice.
La tête a été refaite (peut-être au XVIe siècle).
Chapelle Aligret.
La robe de la sainte est ornée de motifs à la grisaille.

Baie 30, détail du tympan : la Résurrection des morts..
BAIE 25 - VERRIÈRE DE L'ANNONCIATION (Ancienne chapelle Jacques Cœur), 1448 - 1450
Verrière de l'Annonciation, les quatre lancettes (1448-1450)
Verrière de l'Annonciation, les quatre lancettes (1448-1450)
Ancienne chapelle Jacques Cœur.
Vitrail de L'Annonciation (1448-1450)
Vitrail de L'Annonciation (1448-1450)
Ancienne chapelle Jacques Cœur.
Sainte Catherine dans l'Annonciation (1448-1450), détail
Sainte Catherine dans l'Annonciation (1448-1450), détail
Ancienne chapelle Jacques Cœur.

La verrière de l'Annonciation (baie 25) dans l'ancienne chapelle Jacques Cœur a été portée aux nues par des spécialistes de l'art médiéval, notamment Émile Mâle. Elle représente l'archange Gabriel et la Vierge en compagnie de saint Jacques et de sainte Catherine. Le point important est que les personnages sont dans un édifice dont on voit les voûtes fleurdelisées et les fenêtres. La verrière a été peu restaurée. Le tympan est orné d'anges portant les écussons du Dauphiné, du Berry et de France.
Pour ce qui est de l'auteur du vitrail, Jean Verrier, ancien inspecteur général des Monuments historiques, penche pour Henri Mellein, un peintre verrier attaché à Jacques Cœur et qui «avait orné la 'maison' du grand argentier d'une verrière où celui-ci s'était fait représenter assistant Charles VII à son sacre en compagnie des douze autres pairs de France.» [Verrier]
À propos de la beauté de ce vitrail qualifié de «chef-d'œuvre des verriers français du XVe siècle» par Émile Mâle, lisons ce qu'en écrit ce spécialiste de l'art médiéval (cité par Jean Verrier) : «l'ordonnance architecturale est maintenue, saint Jacques et sainte Catherine sont debout sous des dais comme deux statues ; mais, chose nouvelle, la Vierge et l'ange de l'Annonciation sont réunis sous la voûte d'une chapelle peinte en azur et semée de lys d'or. On voit poindre ici comme un désir d'échapper à l'immobilité de la statuaire et à son cadre rigide : le peintre rêve d'un vitrail qui serait un tableau, mais ce n'est encore qu'un vague pressentiment de l'art de l'avenir. Une autre particularité mérite d'être notée : la couleur devient plus riche ; les verriers se sont aperçus que les vitraux tout en nuances du commencement du siècle, si charmants à voir de près, perdent un peu, de loin, leur puissance décorative.»
Sources : 1) Les vitraux du Centre et des Pays de la Loire, Corpus Vitrearum, CNRS, 1981 ; 2) La cathédrale de Bourges et ses vitraux par Jean Verrier, éditions du Chêne, Paris.

L'archange Gabriel dans l'Annonciation (1448-1450)
L'archange Gabriel dans l'Annonciation (1448-1450)
Ancienne chapelle Jacques Cœur.
La Vierge dans l'Annonciation (1448-1450)
La Vierge dans l'Annonciation (1448-1450)
Ancienne chapelle Jacques Cœur.
Deux prophètes dans les niches des piliers
Le Père Céleste dans le tympan de l'Annonciation
Le Père céleste dans le tympan de l'Annonciation
(1448-1450)
Ancienne chapelle Jacques Cœur.
«««--- Deux prophètes dans les niches des piliers
Vitrail de l'Annonciation (1448-1450)
BAIE 35 - LE VITRAIL DES DOCTEURS DE L'ÉGLISE (chapelle des Beaucaire), vers 1462
Vitrail des Pères de l'Église
Vitrail des Docteurs de l'Église
Saint Ambroise, saint Jérôme, saint Augustin et saint Grégoire.
Chapelle des Beaucaire, vers 1462.

Le vitrail des Docteurs de l'Église occupe la fenêtre d'une chapelle latérale nord fondée par Pierre de Beaucaire, chanoine de la cathédrale. Daté des années autour de 1462, il possède toutes les caractéristiques des vitraux du XVe siècle de Saint-Étienne. Les quatre docteurs de l'Église sont debout dans des niches d'architecture, sur des fonds damassés. Le tympan (non donné ici) illustre la Résurrection des morts du Jugement dernier. Le vitrail a été restauré dès 1560. Il est dans l'ensemble bien conservé. La tête de saint Grégoire a été refaite.
Source : Les vitraux du Centre et des Pays de la Loire, Corpus Vitrearum, CNRS, 1981.

Paysage d'architecture en camaïeu bleu derrière saint Augustin.
Paysage d'architecture en camaïeu bleu derrière saint Augustin.
Vitrail des Docteurs de l'Église, vers 1462.
Saint Augustin et sa magnifique étole
Saint Augustin et sa magnifique étole
Vitrail des Docteurs de l'Église, vers 1462.
L'étole de saint Augustin
L'étole de saint Augustin montre
un très beau travail au jaune d'argent.
«Saint-Étienne», tableau par François Lafon, 1875.
«Saint-Étienne», tableau par François Lafon, 1875.
BAIE 37 - LE VITRAIL DES QUATRE ÉVANGÉLISTES (chapelle Fradet), 1462-1464
Vitrail des quatre évangélistes, 1462-1464
Vitrail des quatre évangélistes, 1462-1464
Chapelle Fradet
Saint Marc (et le lion) avec saint Matthieu (et l'ange)
Saint Marc (et le lion) avec saint Matthieu (et l'ange)
Vitrail des quatre évangélistes, 1462-1464
Noli me tangere (Tympan du vitrail des quatre évangélistes)
Noli me tangere (Tympan du vitrail des quatre évangélistes)

Le vitrail des quatre évangélistes est situé dans la chapelle fondée par Pierre Fradet, doyen du chapitre de la cathédrale, au XVe siècle. Chaque évangéliste occupe une lancette, son symbole à ses pieds. Beau tissu damassé en arrière-plan de la niche d'architecture. Source : Les vitraux du Centre et des Pays de la Loire, Corpus Vitrearum, CNRS, 1981.

BAIE 29 - LA CHAPELLE SAINT-JEAN-BAPTISTE ET LE VITRAIL DES MAGES, 1467
Peinture murale «Noli me tangere» (vers 1475)
Peinture murale «Noli me tangere» (vers 1475)
Chapelle Saint-Jean-Baptiste
Un travail récent (années 1990) a permis de découvrir les magnifiques peintures de cette chapelle, qui étaient recouvertes d'un badigeon.
St Jean-Baptiste présente les donateurs Jean et Martin de Breuil
St Jean-Baptiste présente les donateurs Jean et Martin de Breuil
Vitrail des mages, 1467.
Peinture murale : la Crucifixion
Peinture murale : la Crucifixion
(Vers 1475)
Chapelle Saint-Jean-Baptiste.
Vitrail des Mages, 1467
Vitrail des Mages, 1467
Chapelle Saint-Jean-Baptiste (fondée par Jean de Breuil)
L'Adoration des mages dans le vitrail des Mages, 1467.
L'Adoration des mages dans le vitrail des Mages, 1467.
Le roi maure dans le vitrail des Mages, 1467.
Le roi maure dans le vitrail des Mages, 1467.

Le vitrail des Mages (baie 29) se trouve dans une chapelle latérale du côté nord. Elle a été fondée par Jean de Breuil. Le vitrail est daté de 1467 et comporte quatre lancettes sous un tympan très riche illustrant des scènes de la vie de la Vierge et l'Enfance du Christ. À gauche, les donateurs Jean et Martin de Breuil sont présentés par saint Jean-Baptiste. Les niches d'architecture sont surmontées de très beaux pinacles abritant quatre prophètes.
La baie a été peu restaurée. Notons seulement que le visage de la Vierge dans la quatrième lancette a été refait au XIXe siècle. Parmi les mages, le roi maure est très souvent représenté comme une illustration des vitraux du XVe siècle.
Source : Les vitraux du Centre et des Pays de la Loire, Corpus Vitrearum, CNRS, 1981.

Le visage du maure dans le vitrail des mages, 1467
Le visage du maure dans le vitrail des mages, 1467.
Chapelle Saint-Jean-Baptiste (fondée par Jean de Breuil).
Le donateur Jean de Breuil
Le donateur Jean de Breuil
dans le vitrail des Mages, 1467.
Le mage à la couronne dans le vitrail des Mages, 1467.
Le mage à la couronne dans le vitrail des Mages, 1467.
Prophète dans un pinacle
Deux prophètes dans des pinacles
au-dessus de niches d'architecture
Vitrail des mages, 1467.
Prophète dans un pinacle
BAIE 44 - LE VITRAIL DE L'ASSOMPTION DE LA VIERGE (chapelle Le Roy), 1473-1474
L'Assomption de la Vierge, 1473-1474
L'Assomption de la Vierge, 1473-1474
Vitrail très restauré. Dans chaque lancette, seule une tête d'apôtre sur trois est ancienne.
Trois apôtres dans le vitrail de l'Assomption de la Vierge.
Trois apôtres dans le vitrail de l'Assomption de la Vierge.
Sur les trois têtes, seule celle de l'apôtre de face est ancienne.
Un apôtre dans l'Assomption de la Vierge
Un apôtre dans l'Assomption de la Vierge
(Tête d'origine)
Un ange en camaïeu jaune
Un ange en camaïeu jaune
dans le tympan.

Le vitrail de l'Assomption est du XVe siècle. Il se trouve dans la chapelle fondée en 1472 par Jean Le Roy, seigneur de Contres. Les douze apôtres sont groupés trois par trois dans des niches d'architectures. Le vitrail a été très restauré, notamment en 1645. Il a subi un nouveau nettoyage en 1916. Les têtes des apôtres ne sont plus guère d'origine. Dans chaque lancette, deux sur trois ont été refaites. Le tympan représente la Vierge entourée d'anges. Les quatre soubassements représentent quatre prophètes tenant chacun un phylactère. Le point le plus intéressant du vitrail est bien caché. Il s'agit de la Tentation d'Adam et Ève, scène située dans chacune des quatre têtes de lancette, mais qu'il faut voir comme un ensemble. Jésus (ou le Père céleste jeune) observe Adam et Ève d'un air soupçonneux pour savoir comment ils vont agir avec l'Arbre de la connaissance qui les sépare. Le démon s'entoure bien sûr autour de l'Arbre. Les dais donnant les quatre personnages de cette scène sont donnés ci-dessous.
Source : Les vitraux du Centre et des Pays de la Loire, Corpus Vitrearum, CNRS, 1981.

Un prophète tenant un phylactère dans un soubassement du vitrail de l'Assomption
À DROITE ---»»»
Un prophète tenant un phylactère dans un soubassement du vitrail de l'Assomption.
Jésus (pinacle de la niche 1)
Le Père céleste (pinacle de la niche 1)
La Tentation d'Adam et Ève.
Adam (pinacle de la niche 2)
Adam (pinacle de la niche 2)
La Tentation d'Adam et Ève.
L'Arbre de la connaissance (pinacle de la niche 3)
L'Arbre de la connaissance (pinacle de la niche 3)
La Tentation d'Adam et Ève.
Ève (pinacle de la niche 4)
Ève (pinacle de la niche 4)
La Tentation d'Adam et Ève.
La TENTATION D'ADAM ET ÈVE : Le Père céleste observe d'un œil soupçonneux le comportement d'Adam et Ève devant l'Arbre de la connaissance où s'enroule le démon.
BAIE 31 - LA VERRIÈRE DE LA VIE DE SAINT DENIS DE PARIS (chapelle des Bar), 1517-1518
Vitrail de la vie de saint Denis de Paris, 1517-1518
Vitrail de la vie de saint Denis de Paris, 1517-1518

Le vitrail de la vie de saint Denis de Paris occupe la chapelle des Bar fondée par Denis de Bar, évêque de Tulle. Le vitrail est une œuvre Renaissance (1517-1518) découpée en saynètes. Elle illustre la vie du pseudo-Aréopagite depuis sa conversion (en haut à gauche) jusqu'à son martyre (en bas à droite). Chaque saynète est accompagnée d'un libellé descriptif. Au tympan : le Christ adoré par les anges. Le vitrail a été partiellement restauré. Point à noter : toutes les colonnes présentes dans les panneaux sont ornées de figures de style Renaissance.
Source : Les vitraux du Centre et des Pays de la Loire, Corpus Vitrearum, CNRS, 1981.

Vitrail de la vie de saint Denis de Paris, 1517–1518
Vitrail de la vie de saint Denis de Paris, 1517-1518.
Détail : un bourreau.
Vitrail de la vie de saint Denis de Paris, 1517-1518
Vitrail de la vie de saint Denis de Paris, 1517-1518
Vitrail de la vie de saint Denis de Paris, 1517–1518
Vitrail de la vie de saint Denis de Paris, 1517-1518.
Un bourreau avec armure et casque.
Un bourreau avec armure et casque.
Ornementation Renaissance sur les piliers des panneaux Ornementation Renaissance sur les piliers des panneaux
Ornementation Renaissance sur les piliers des panneaux

Les condottiere. On voit fréquemment des armures sur les soldats peints dans les vitraux Renaissance. Le vitrail de la vie de saint Denis présente, ci-dessus, cette armure de teinte verte, embellie d'une décoration assez simple, sur le poitrail de ce soldat (qui fait office de bourreau). Son casque rappelle celui des condottiere de l'époque. Pour admirer deux belles armures et des beaux casques, on se reportera à une scène du vitrail de saint Julien de Brioude à l'église Saint-Pierre de Saint-Julien-du-Sault dans l'Yonne. Les empereurs Dioclétien et Galère sont en grande conversation, chamarrés dans de magnifiques atours, tandis que le petit Julien s'approche d'eux.

BAIE 46 - LE VITRAIL DES MARTYRES DE SAINT LAURENT ET DE SAINT ÉTIENNE (chapelle Copin), vers 1518
Vitrail des Martyres de saint Laurent et de saint Étienne
Vitrail des Martyres de saint Laurent et de saint Étienne.
Jean Lescuyer, vers 1518.

Le vitrail des martyres de saint Laurent et saint Étienne se trouve dans la chapelle Copin, fondée par Pierre Copin, chanoine de la Sainte-Chapelle à Bourges. Le vitrail est attribué à Jean Lescuyer (vers l'année 1518).
La vie des deux saints et leurs martyres (qui sont représentés pour l'un et l'autre comme une suite de quatre scènes) occupent les deux registres, sans présence de dais. Les couleurs vives accrochent l'œil et donnent presque à l'ensemble l'aspect d'une bande dessinée de qualité. Dans le registre du haut, le diacre Étienne est lapidé ; dans celui de bas, Laurent, après avoir distribué (sur ordre de feu l'empereur Philippe) le trésor royal aux pauvres [cf Légende dorée], est mis à mort sur le gril devant l'empereur Décius.
On remarquera la cuirasse bleu pâle portée par un soldat dans l'image de droite (panneau du martyre de saint Étienne) et celle, tout en jaune, du soldat ci-dessous. Deux autres belles cuirasses Renaissance se trouvent dans le vitrail de saint Julien à l'église Saint-Pierre de Saint-Julien-du-Sault dans l'Yonne.
Le vitrail a été restauré, notamment en 1737 et 1845, nettoyé en 1916. La tête de saint Étienne mort (4e panneau du 2e registre) est du XIXe siècle.
Source : Les vitraux du Centre et des Pays de la Loire, Corpus Vitrearum, CNRS.

Le Père céleste
Le Père céleste
Tête de lancette du vitrail des martyres, 1518.
Saint Laurent
Saint Laurent
Tête de lancette du vitrail des martyres, 1518.
Une passante et deux soldats dont l'un porte une cuirasse Renaissance.
Une passante et deux soldats dont l'un porte une cuirasse Renaissance.
Détail du dernier panneau du martyre de saint Étienne.
Deux soldats romains avec cuirasse
Deux soldats romains avec cuirasse
et casque de la Renaissance.
Vie et martyre de saint Étienne.
Jean Lescuyer, vers 1518.
Lapidation de saint Étienne
Lapidation de saint Étienne.
Vitrail des Martyres de saint Laurent et de saint Étienne.
Jean Lescuyer, vers 1518.
Saint Laurent est fouetté et bastonné.
Saint Laurent est fouetté et bastonné.
Vitrail des Martyres de saint Laurent et de saint Étienne, vers 1518.
Saint Laurent distribue le trésor de l'empereur Philippe aux pauvres.
Saint Laurent distribue le trésor de l'empereur Philippe aux pauvres.
Vitrail des Martyres de saint Laurent et de saint Étienne.
Jean Lescuyer, vers 1518.

La pauvreté au Moyen Âge et le retournement des valeurs (1/5).
Dans le vitrail ci-contre (daté du début de la Renaissance), saint Laurent fait l'aumône aux pauvres. Qui sont ces pauvres? Nous voyons à gauche un homme estropié avec une béquille (qui simule peut-être parce sa jambe a l'air d'être repliée au-dessus de la béquille). Nous voyons une femme (qui doit être une veuve) avec ses deux jeunes enfants. À l'extrême droite, une personne tient une espèce de bâton jaune, sûrement une grande béquille, tandis qu'un homme en rouge, portant un chapeau, s'en retourne en s'appuyant sur une canne. Bref, on ne voit pas d'homme valide en train de mendier. Ce constat mérite des explications.
Au Moyen Âge, le pauvre est celui qui ne peut pas subvenir à ses besoins par sa force physique. Un serf n'est pas un pauvre parce qu'il a la sécurité de l'emploi. Son champ et son travail lui permettent de survivre au sein d'une communauté rurale encadrée qui assure un soutien informel à tous. Les religieux le prêchent : l'aumône est un devoir envers les vieillards, les estropiés et les victimes des hasards de la vie ; les biens de l'Église tout comme le superflu des riches sont la propriété des pauvres. (Voir le vitrail des œuvres de miséricorde et le problème du riche ingrat à l'église Sainte-Jeanne d'Arc de Rouen). Quant aux moines (qui font tous vœu de pauvreté), ils restent attachés à un monastère. Leur stabilité géographique et leur pauvreté évangélique dûment choisie les font accepter par les populations besogneuses.
Cependant le contexte social va changer. L'historien Michel Mollat, dans un article de la Revue d'histoire de l'Église de France [cf sources] écrit : «(...) au cours des XIe et XIIe [siècles], certaines révoltes de la faim, la prédication de certains ermites, l'attraction de quelques pèlerinages, surtout la Croisade, avaient déraciné et jeté sur les chemins des bandes hétérogènes de «jeunes» (juvenes) : paysans et bergers en surnombre, cadets de familles chevaleresques, mêlés à des criminels en rupture de ban, à de simples amateurs d'aventures, aux inadaptés de toutes sortes, enfin à des prostituées.» Tous ces errants sont très mal vus car l'errance fait peur. L'instabilité heurte la mentalité médiévale.
À partir du milieu du XIIIe siècle, la migration des errants des campagnes vers les villes en croissance s'accentue. «Le pauvre rural était généralement un personnage méprisé, mais familier, connu et assisté des siens ; le pauvre urbain devient un être anonyme, souvent vagabond, sans autre recours que la communauté d'un destin marginal, partagé avec ses congénères.» [Michel Mollat]. Cependant, malgré les désordres que ces gens pouvaient susciter, la mentalité de l'époque était encore de leur côté. Pour reprendre les termes de notre historien, on accusait les «évêques infidèles», les «seigneurs exigeants», les «juges iniques» d'avoir aggravé la misère. La théorie de l'extrême nécessité, prenant la défense des très pauvres pris sur le fait de leur larcin, proclamait la communauté des biens et l'innocence de l'affamé voleur.
Dans le cours du XIIIe siècle, le contexte va empirer. Arrivent les ordres mendiants (dominicains et franciscains) qui érigent la mendicité en vertu. Il faut être nu comme le Christ. Le mariage mystique de François d'Assise (le Poverello) avec Dame Pauvreté va créer bien des problèmes en Occident car il est pris comme modèle. Avec les ordres mendiants et les sectes hérétiques, la mendicité errante déferle sur l'Europe occidentale. Les moines gyrovagues cheminent de village en village, imités par une foule de gens, pas toujours bien intentionnés. Michel Mollat note avec lucidité : «Le vrai scandale du Poverello est d'avoir exalté la pauvreté à l'heure même où l'ébranlement de la société préparait la multiplication du nombre des pauvres.» ---»» Suite 2/5

La pauvreté au Moyen Âge et le retournement des valeurs (2/5).
---»» Vient le XIVe siècle avec la Peste noire, la guerre de Cent Ans en France et les Grandes Compagnies. Dans la seconde moitié de ce siècle, la mendicité s'accroît en Occident. Les ordres mendiants, multipliant les pauvres, eux-mêmes augmentés par les calamités de l'époque, conduisent à des excès. Et la sensation d'être envahis par les mendiants a dû devenir insupportable. La position de la société envers la pauvreté va peu à peu s'inverser. La pauvreté volontaire des religieux finit par être blâmée. L'époque était assez dure comme cela, inutile de rajouter à la liste des vrais pauvres des moines errants et oisifs. Le changement de mentalité va d'ailleurs être complet. Dans un premier temps, à la peur que tous les errants suscitaient s'était ajouté le mépris. Mais le mépris ne suffit plus. À la fin du XIVe siècle, la mendicité est regardée quasiment comme une insulte à la dignité de la personne humaine, et la pauvreté comme une déchéance. Même le don spontané est freiné. Mieux vaut un prêt sans intérêt qu'une aumône car le prêt encourage et stimule le travail. La société, de moins en moins rurale, devient plus policée ; l'ordre social est ressenti comme une nécessité ; les désordres dus aux pauvres sont jugés inacceptables. Villes et États veulent contrôler les indigents et les œuvres qui s'occupent d'eux. Michel Mollat précise : «La législation sur le travail et le paupérisme naît simultanément en France et en Angleterre au lendemain de la Peste noire. Les autorités municipales désignent les administrateurs des hôpitaux, vérifient leurs comptes et réglementent l'hospitalisation des mendiants et des vagabonds.» La société finit par établir une nette distinction entre la charité, qui est à la source des œuvres de miséricorde, et l'assistance administrative, rendue nécessaire par l'exigence d'ordre social.
En Angleterre, les premières lois sur les pauvres prises par Élisabeth Ière, au milieu du XVIe siècle, instaureront le fouet pour les hommes valides qui refusent de travailler. Au siècle suivant, Colbert proposera d'enfermer les indigents pour les mettre au travail. On trouvera dans ce site, à la page de l'église Saint-Sulpice à Paris, dans l'œuvre de Monsieur de Terssac (XVIIIe siècle), un exemple de cette glorification du travail et de la volonté d'y contraindre les pauvres en échange d'assistance.
Le XVe siècle offre un passionnant exemple de ce double souci en la personne de Jean Geiler de Kaiserberg. De ce prélat énergique qui a prêché à Strasbourg pendant trente-deux ans (de 1478 à 1510), nous possédons un recueil de sermons qui permet aux historiens de mieux cerner la psychologie de l'époque, du moins en Alsace, sur ce thème important. Dans un premier temps, l'historien Francis Rapp, dans son article pour la Revue d'histoire de l'Église de France, nous révèle que notre orateur «honore l'éminente dignité du pauvre», image de Jésus. Il critique les riches qui attendent, avant d'aider, de connaître la moralité du solliciteur (autrement dit, qui veulent savoir ce que le pauvre va faire de l'aide qu'on lui apporte). Francis Rapp cite un extrait d'un sermon édifiant de Geiler de Kaiserberg : «Et s'il était effectivement pêcheur, aurais-tu le droit de le condamner? Dieu, lui, n'hésite pas à lui donner sans compter l'air, la lumière et l'eau. Il te donne la nourriture à toi qui n'es sans doute pas moins coupable que ce déshérité.» Ce raisonnement, bien spécieux on en conviendra, trouve son aboutissement révolutionnaire dans l'encouragement ---»» 3/5 ci-dessous

Saint Laurent est martyrisé sur un gril
Saint Laurent est martyrisé sur un gril.
Vitrail des Martyres de saint Laurent et de saint Étienne.
Jean Lescuyer, vers 1518.
Saint Étienne discute des Écritures Saintes avec les gardiens de la Loi
Saint Étienne discute des Écritures Saintes avec les gardiens de la Loi.
Vitrail des Martyres de saint Laurent et de saint Étienne.
Jean Lescuyer, vers 1518.

La pauvreté au Moyen Âge et le retournement des valeurs (3/5).
---»»  que le prélat adresse aux pauvres d'user de la force pour arracher ce qui leur est dû : «Allez dans les maisons des riches. Elles regorgent de blé. Si elles sont fermées, enfoncez les portes à coups de hache et servez-vous. Marquez le montant de votre prise sur une taille et, si vous égarez cette dernière, venez me trouver. Je vous dirai comment vous pourrez vous justifier.»
Voilà pour le premier visage de Janus. Le second lui est bien opposé car Geiler ne supporte ni les hypocrites ni les paresseux. Sa véhémence attaque de front «ceux qui tendent la main parce qu'ils ont peur du travail» [Rapp]. Vivre de mendicité comme saint François ou saint Dominique est réservé à une élite et ne doit en aucun cas être imité. Geiler fustige les montreurs de reliques, les marchands de pardons, les clochards de toutes sortes, les simulateurs d'infirmité pour apitoyer le passant. Ce sont de mauvais pauvres.
La mendicité acceptable ne peut avoir que deux motifs : la recherche de la perfection chrétienne ou le dénuement réel et complet. Et le prélat se fait le défenseur d'une idée qui est déjà dans l'air du temps : c'est à l'État de s'occuper des pauvres. Mieux, c'est son devoir. Autrement dit, ce que le particulier ne doit pas faire (scruter le pauvre pour savoir ce qu'il va faire de l'aumône qu'il reçoit), l'État doit l'officialiser et le généraliser. Disposant de l'autorité, l'État se doit de contraindre les paresseux qui mendient à gagner leur vie à la sueur de leur front. L'aumône doit aller aux malades et aux vieillards incapables de travailler, pas aux gens valides. De la sorte, les bénéficiaires de l'aide (qui deviendra donc publique) ne seront plus des mendiants, mais des «assistés» (sens bien différent de celui qu'il possède aujourd'hui). Autre avantage : l'aide sera bien répartie, contrairement aux aumônes «aveugles». Et la caisse d'assistance sera alimentée par les dons des riches. Dans un mémoire qu'il adresse vers 1501 aux autorités de Strasbourg, Geiler propose de partager la ville en six ou sept secteurs. Dans chacun d'entre eux, un homme désigné (et qui en viendrait vite à connaître le quartier), serait chargé de repérer les faux mendiants. Francis Rapp fait remarquer qu'il n'y a plus aucune trace de spiritualité dans ce programme social.
Après 1460, la ville de Strasbourg prit effectivement de sévères mesures contre les indigents : seuls ceux qui étaient incapables de gagner leur vie eurent le droit de mendier ; ceux qui venaient du «plat pays» ne devaient pas rester dans la ville plus de trois jours. Des sergents de ville pouvaient perquisitionner au domicile des mendiants suspectés de fraude. Au début du XVIe siècle, les mesures s'aggravèrent : le délai de trois jours fut réduit à un seul et les citadins qui avaient reçu le droit de mendier durent porter un insigne.
---»» Suite 4/5 ci-dessous

La pauvreté au Moyen Âge et le retournement des valeurs (4/5).
---»»  Depuis les origines, lutte contre la paresse et recherche de ceux qui mendient indûment ont fait partie intégrante des valeurs chrétiennes. Tout part de l'apôtre Paul et de sa Première épitre à Timothée. Se soucier des autres, c'est avant tout prendre soin de ses proches. Pour Paul, l'altruisme commence au sein de sa famille. Notons en passant la thèse séduisante du sociologue américain Rodney Stark, dans son ouvrage L'Essor du christianisme (Excelsis, 2013) : ce souci des malades au sein du cercle familial, contraire à la mentalité romaine, a favorisé l'expansion de la religion nouvelle lors des pestes qui ravagèrent l'Empire romain aux IIe et IIIe siècles. Sans vraiment en comprendre les raisons, des auteurs chrétiens des premiers siècles (Denys, Eusèbe de Césarée) ont d'ailleurs reconnu que ces épidémies mortelles avaient servi la cause du christianisme.
En matière de mendicité, la pensée chrétienne s'appuie sur le duo don et contre-don. Donner est le devoir du riche, mais il oblige celui qui reçoit. Dans son ouvrage Les Marchands et le Temple (Albin Michel, 2017), le médiéviste italien Giacomo Todeschini analyse cette relation en profondeur L'un des premiers textes du christianisme primitif, le Didaché, écrit vers la fin du Ier siècle, affirme déjà les obligations de celui qui reçoit. Le riche donne, soit, mais le pauvre a le devoir d'être reconnaissant et de restituer ce qu'il a perçu à tort. «Malheur à celui qui reçoit : si quelqu'un reçoit parce qu'il a besoin, il sera sans reproche, lit-on dans ce texte. Mais, s'il n'a pas besoin, il devra dire pourquoi il a reçu et dans quel but. Jeté en prison, il sera examiné sur ce qu'il a fait et il ne sera pas relâché jusqu'à ce qu'il ait restitué le dernier quadrant.».
La notion paulinienne d'obligation de prendre soin de ses proches est à considérer comme la racine même de la fidelitas, c'est-à-dire l'appartenance au cercle des élus. Cette notion va s'élargir au fil des siècles, être théorisée et englobée dans une vision socio-économique des rapports humains. Pour faire court : vivre sa foi chrétienne, c'est produire et convertir. Le mendiant ne produit rien et, en principe, ne croit plus. En faisant l'aumône, le riche lui permet de se ressaisir pour croire à nouveau et produire à son tour. De la sorte, le mendiant pourra espérer réincorporer la fidelitas, cette fois prise au sens large. Thomas d'Aquin partira du texte de Paul et utilisera le don comme fondement et lien de sa société chrétienne.
Giacomo Todeschini prend l'exemple des Hôtel-Dieu qui vont se répandre en Europe occidentale à partir du XIIe siècle, faisant affluer les dons. L'étude des discours de l'époque sur la mendicité conduit l'historien à écrire à ce sujet : «(...) le don fait à l'hôpital s'inscrivait dans une conception présentant la marginalité sociale et économique comme perte à réparer.» Autrement dit, mendier est l'expression d'une fissure dans l'organisation sociale chrétienne, une fissure qu'il appartient aux riches de combler. En recevant un pécule, le mendiant doit rendre à son tour, par la foi et par le produit de son futur travail, faisant ainsi disparaître la fissure. Aux XIIe-XIVe siècles, la charité, écrit l'historien, se conçoit comme «une générosité productrice d'obligations internes à la sphère du bien public».
Todeschini explicite clairement les obligations du pauvre : avoir un métier pour être utile à la société, se guérir des maux physiques et spirituels qui peuvent l'en empêcher ; bref se convertir «à une chrétienté effective, à la fois religieuse et sociale mais aussi spécifiquement économique.»
Au IXe siècle, bien avant Jean Geiler de Kaiserberg, le moine de l'abbaye de Lobbes en Belgique, Rathier de Vérone, qui fut aussi évêque de Vérone, s'était élevé contre les pauvres oisifs, que leur pauvreté avait rendus arrogants. Il les opposait aux riches pieux qui utilisaient leurs richesses pour faire le bien. Rathier, en se proposant d'examiner les capacités des pauvres, réfléchissait déjà à des stratégies d'insertion. Todeschini cite quelques extraits de cet auteur du IXe siècle. Ainsi, quand il s'adresse aux pauvres : « Gare à toi donc si, abruti par la paresse, tu profites du labeur d'autrui alors que tu peux vivre de ton travail» ; si le pauvre est malade et se plaint : «Prie plutôt pour ceux aux dépends desquels tu vis» ; si le pauvre est en bonne santé, mais a de nombreux enfants : «Pratique la continence si tu le peux (...) en accord avec ton épouse, et mets-toi au travail pour subvenir à tes besoins et à ceux des autres» ; si le pauvre n'est pas capable de travailler : «Pleure donc pour ce vice car c'est un malheur grave: demande en aumône ce qui te suffit pour vivre et garde-toi d'accumuler ce qui ne te sert pas» ; si le pauvre est en bonne santé : «offre ton soutien aux autres: visite les infirmes, enterre les morts et partage avec ton prochain cette bénédiction que Dieu t'a accordée (...)».
En résumé, au-delà du don, de la foi, de la conversion, au-delà de la générosité productrice, la philosophie du christianisme universel se résume en un principe simple : s'appliquer à faire quelque chose pour les autres ; utiliser la liberté donnée par Dieu pour que chacun apporte son écot à l'édification de la fidelitas, c'est-à-dire de la société chrétienne,.
Le concept de caritas (charité) représente stricto sensu l'amour civique exprimé par les membres de la communauté, un amour qui les porte au souci administratif de bien gérer l'argent en circulation. Au sens chrétien, la caritas, ce n'est pas faire l'aumône. La caritas, c'est faire quelque chose pour les autres, ce qui inclut l'aumône évidemment, mais avec l'obligation du contre-don pour celui qui reçoit. Ce qui signifie que celui qui donne a un droit de regard sur ce qui est fait de son aumône. La notion de don et de contre-don s'intègre dans un englobant socio-économique de générosité créatrice où chacun doit faire quelque chose pour l'autre. Même les soldats qui revenaient manchots de la guerre pouvaient se rendre utiles dans l'armée, souvent en tant que simple garde, comme en témoigne le protestant Jean Marteilhe dans ses Mémoires d'un galérien du Roi-Soleil (Mercure de France, 2021). Avoir bonne conscience parce qu'on a donné une pièce à un mendiant - et s'en tenir là - ne correspond nullement à la pensée des Pères de l'Église. ---»» Suite 5/5


Arrière-plan d'un panneau du Martyre de saint Laurent.
Vitrail des Martyres de saint Laurent et de saint Étienne.
Jean Lescuyer, vers 1518.

Saint Laurent distribue le trésor de l'empereur Philippe aux pauvres, détail.
Vitrail des Martyres de saint Laurent et de saint Étienne.
Jean Lescuyer, vers 1518.

Saint Laurent devant les dames riches de la cour de Rome.
Vitrail des Martyres de saint Laurent et de saint Étienne.
Jean Lescuyer, vers 1518.
 

La pauvreté au Moyen Âge et le retournement des valeurs (5/5).
---»»  Faire quelque chose pour les autres, c'est œuvrer, dans la foi, à l'édification de la société chrétienne. Le catholicisme prône ainsi la justification par les œuvres. De la sorte, on peut imaginer qu'un croyant, après sa mort, arrive dans l'Au-delà et s'entende poser la question qui résume en fait toute sa vie : «Qu'as-tu fait pour les autres ?» La question a le mérite de la clarté. Quant à l'analyse des œuvres réalisées, elle est aisée à faire.
À l'opposé, le protestantisme a mis en avant la justification par la foi. Ce qui n'empêchait pas Calvin, notons-le, de penser que la foi a pour conséquence les (bonnes) œuvres. Mais «avoir la foi» pose le problème de la définition. Croire en quoi exactement ? À l'existence de Dieu, entité omnisciente et omnipotente ? Aux anges ? Au paradis ? À l'enfer ? Des philosophes protestants se sont d'ailleurs livrés à d'amusantes digressions sur ce sujet. Au XIXe siècle, le Danois Sœren Kierkegaard (1813-1855) s'y est essayé dans son essai Coupable ? Non coupable ?
Rappelons rapidement les faits : en 1845, Kierkegaard vient de rompre ses fiançailles avec Régine Olsen, cassant ainsi un amour partagé ; son motif caché est d'ôter toute barrière à sa mélancolie afin de se livrer au plaisir suprême qu'est pour lui la méditation philosophique. Torturé par les affres du doute, de la culpabilité possible, du malheur où il a peut-être plongé sa fiancée, il s'imagine jeté dans l'absurde et n'avoir, lui le protestant, la foi qu'à un certain degré. Il écrit : «Qu'on introduise en pensée l'éternité dans une telle confusion, qu'on imagine un tel homme au jour du jugement suprême, et qu'on écoute la voix de Dieu : "As-tu eu la foi ?" — qu'on écoute la réponse : "La foi est l'immédiat ; il ne faut pas s'arrêter à l'immédiat, on le faisait au moyen âge, mais depuis Hegel on va plus loin, toutefois, on avoue que la foi est l'immédiat et que l'immédiat existe, mais on attend une nouvelle étude."»
Si l'oisiveté et la mendicité frauduleuse sont regardées par le christianisme authentique comme des perversions à pourchasser, il faut tirer le constat, depuis le début du XXe siècle, de l'oubli total par les chrétiens du principe du don et du contre-don. Autrement dit, le principe de charité chrétienne est maintenant totalement dévoyé. À croire que les Églises sont fières de se livrer à une aide débridée, sans doute pour ne pas se sentir débordées par l'aide sociale mise en place par les gouvernements. À la naïveté pseudo-chrétienne qui s'exclame : «Il a faim ! Il gémit ! Nourrissons-le !» répond le doigt autoritaire de Rathier de Vérone et des Pères de l'Église pointé sur le mendiant : «Que fais-tu pour les autres ? Comment uses-tu de ta liberté ?» Et ces questions tombent, tel un couperet, contre toutes les lâchetés, toutes les naïvetés.
Sources : 1) La notion de pauvreté au Moyen Âge : position de problèmes de Michel Mollat ; 2) L'Église et les pauvres à la fin du Moyen Âge : l'exemple de Geiler de Kaiserberg de Francis Rapp. Les deux articles se trouvent dans la Revue d'histoire de l'Église de France, Tome 52, n°149, 1966 ; 3) Les Marchands et le Temple de Giocomo Todeschini, éditions Albin Michel, 2017 ; 4) Étapes sur le chemin de la vie de Sœren Kierkegaard, éditions Gallimard, 1979.

«««--- Dans sa prison, saint Laurent baptise le soldat Romain.
Vitrail des Martyres de saint Laurent et de saint Étienne.
Jean Lescuyer, vers 1518.
BAIE 32 - LE VITRAIL DES TULLIER (chapelle Tullier), 1532
Présentation à la Vierge et à l'Enfant de la  famille Tullier.
Présentation à la Vierge et à l'Enfant de la famille Tullier.
Vitrail des Tullier, le chef d'œuvre de Jean Lescuyer, 1532.

--»» Le vitrail de la chapelle des Tullier (2/2).
À propos de Pierre Lescuyer, Émile Mâle écrit [cité par Jean Verrier] : «Son chef d'œuvre est à la cathédrale, c'est le fameux vitrail des Tullier (1534). Aucun vitrail en France n'est supérieur à celui-là ; tout y est admirable : la noblesse des saints, l'élégance aristocratique de la Vierge, parente des Vierges de Raphaël, la bonhomie toute française des donateurs, la beauté des dais d'architecture traités dans le style de la première Renaissance et enfin ce profond ciel bleu où volent d'adorables anges.» De même Jean Lafond, grand spécialiste du vitrail, s'est montré très élogieux à l'égard de l'œuvre de cet artiste.
Sources : 1) Les vitraux du Centre et des Pays de la Loire, Corpus Vitrearum, CNRS, 1981 ; 2) La cathédrale de Bourges et ses vitraux par Jean Verrier, éditions du Chêne, Paris.

Le vitrail de la chapelle des Tullier est une œuvre admirable, appelée vitrail des Tullier, sur laquelle les spécialistes ne tarissent pas d'éloges. La chapelle en elle-même a été fondée en 1531-1532 par Pierre Tullier, doyen du chapitre.
Le vitrail est l'œuvre de Jean Lescuyer qui vécut à Bourges de 1480 à 1556 et voyagea en Italie. On y voit les membres de la famille Tullier être présentés à la Vierge et à l'Enfant. La Vierge, l'Enfant et le petit Jean-Baptiste, dans une attitude très raphaëlienne, occupent la première lancette. Dans la deuxième, les parents du donateur sont présentés par saint Pierre. Dans la troisième lancette, leurs enfants Jehan, François et Pierre (le donateur) sont présentés par saint Jean l'évangéliste. Dans la dernière lancette enfin, saint Jacques le Majeur présentent quatre chanoines. Notons le paysage architectural d'arrière-plan. Bien qu'étalé dans quatre lancettes disjointes, il semble parfaitement continu.
Le tympan est magnifique : les anges dansent dans une vrai sarabande, entraînés par des anges musiciens, le tout sur un remarquable fond bleu. Au sommet, Dieu le Père bénissant.
Pour le Corpus Vitrearum, le vitrail est assez bien conservé. On note la présence de quelques têtes modernes pour les chanoines de droite (lancette de droite).
Ce qui frappe dans ce vitrail, c'est une composition qui semble faire le lien entre le style du vitrail du XVe siècle, avec quatre niches séparées (comme l'Assomption de la Vierge ou les Docteurs de l'Église vus plus haut), et le nouveau principe décoratif mis en application par les peintres verriers du XVIe siècle, à savoir l'assemblage d'une scène entière sur quatre lancettes (voir l'Assomption de la Vierge par Pinaigrier). Comme si l'évolution des thèmes artistiques s'était faite par étapes avec une étape instituant un mélange des deux genres. On remarquera la dissymétrie des dais Renaissance, ceux de l'extérieur sont plus massifs que les deux de l'intérieur. --»» Suite 2/2

Saint Jacques le Majeur et quatre chanoines
Saint Jacques le Majeur et quatre chanoines
Vitrail des Tullier, Jean Lescuyer, 1532.
Les têtes des chanoines sur la droite sont modernes.
Les quatre lancettes du vitrail des Tullier (Jean Lescuyer, 1532) :
Les quatre lancettes du vitrail des Tullier (Jean Lescuyer, 1532) :
Présentation à la Vierge et à l'Enfant de la famille Tullier par saint Pierre, saint Jean et saint Jacques le Majeur.
Dans les soubassements, les cartouches avec les inscriptions ont été refaits.
La Vierge et l'Enfant
La Vierge et l'Enfant dans une attitude
qui rappelle les tableaux de Raphaël.
Vitrail des Tullier, 1532.
La sarabande des anges dans le tympan du vitrail des Tullier
La sarabande des anges dans le tympan du vitrail des Tullier
Un dais Renaissance, vitrail des Tullier, 1532.
Un dais Renaissance, vitrail des Tullier, 1532.
Saint Jean l'évangéliste devant un paysage d'architecture.
Saint Jean l'évangéliste devant un paysage d'architecture.
Vitrail des Tullier, 1532.
Les anges musiciens au centre du tympan
Les anges musiciens au centre du tympan.
Vitrail des Tullier, 1532.
Saint Pierre présente les parents du donateur.
Saint Pierre présente les parents du donateur.
Vitrail des Tullier, 1532.
Détail d'un dais Renaissance
Détail d'un dais Renaissance
Vitrail des Tullier, 1532.
BAIE 39 - LE VITRAIL DE L'ASSOMPTION (chapelle des Fonts baptismaux), 1619
Vitrail de l'Assomption de la Vierge, 1619
Baie 39, vitrail de l'Assomption de la Vierge, 1619
Chapelle des Fonts baptismaux
François de la Grange, maréchal de Montigny
Baie 39, détail : François de la Grange, maréchal de Montigny
Vitrail de l'Assomption de la Vierge, 1619.
Beau damassé de feuillages sur les vêtements de saint Pierre et de saint Paul.
Baie 39, détail : beau damassé à thème floral sur les vêtements
de saint Pierre et de saint Paul.
(Ce sont les vêtements les plus travaillés du vitrail. On peut donc penser qu'ils
sont portés par les deux principaux apôtres.)

Le vitrail de l'Assomption est situé dans la chapelle des Fonts baptismaux. Cette chapelle a été reconstruite par François de la Grange, maréchal de Montigny (†1617) dont la ressemblance avec Henri IV est frappante. Le vitrail de l'Assomption, offert par sa veuve, est le plus récent de la cathédrale (hormis bien sûr ceux du XIXe siècle). Il date de 1619 (millésime inscrit sur le tombeau, une époque où les peintres verriers utilisaient les émaux et avaient à cœur de créer de grandes scènes à cheval sur plusieurs lancettes. La scène des apôtres interloqués par le tombeau vide est inspirée du peintre maniériste italien du XVIe siècle, Taddeo Zuccaro. Le tympan représente la Vierge honorée par les anges. La tête de la Vierge et de l'ange à droite ont été refaites au XIXe ou au XXe siècle. Le vitrail a été réalisé par le peintre verrier Louis Pinaigrier.
Voir un vitrail-tableau assez semblable de l'atelier Claudius Lavergne (XIXe siècle) à l'église Notre-Dame de Combourg.
Sources : 1) Les vitraux du Centre et des Pays de la Loire, Corpus Vitrearum, CNRS, 1981 ; 2) Un chef d'œuvre gothique, la cathédrale de Bourges de Jean-Yves Ribault, éditions Anthèse, 1995.

Les apôtres interloqués par le tombeau de la Vierge où  ils ne trouvent plus que des fleurs.
Baie 39, Les apôtres interloqués par le tombeau de la Vierge où ils ne trouvent plus que des fleurs.
Scène inspirée du peintre italien du XVIe siècle Taddeo Zuccaro.
Vitrail de l'Assomption de la Vierge, 1619.
Un ange honorant la Vierge, 1619 Chérubin honorant la Vierge, 1619
Baie 39, détail : Chérubin honorant la Vierge, 1619.
Tympan du vitrail de l'Assomption de la Vierge.


«««--- Baie 39, détail :
un ange honorant la Vierge, 1619
Tympan du vitrail de l'Assomption de la Vierge.
Saint Jean et deux autres apôtres devant le tombeau de la Vierge, 1619.
Baie 39, détail : saint Jean et deux autres apôtres devant le tombeau de la Vierge, 1619.
Vitrail de l'Assomption de la Vierge.

Vitrail de l'Assomption de la Vierge, 1619. Les beaux damassés ocre et bleu des vêtements des deux apôtres, sur la gauche, ont été obtenus par le travail à l'émail. En effet, vers la fin du XVIe siècle, le progrès dans la technique des vitraux marqua une étape importante : l'emploi des émaux permit de reproduire, sur un même morceau de verre, l'ornementation d'étoffes brochées de plusieurs couleurs. Voir l'encadré sur l'émaillerie sur le verre et l'atelier troyen de Linard Gontier à l'église Saint-Martin-es-Vignes à Troyes.

LE CHŒUR, LE DÉAMBULATOIRE ET LES GRANDES VERRIÈRES DU XIIIe SIÈCLE
Vue d'ensemble du chœur de la cathédrale Saint-Étienne.
Vue d'ensemble du chœur de la cathédrale Saint-Étienne.
Les grandes arcades de 19 mètres de haut (qui prolongent la nef sans discontinuité) donnent l'impression que le chœur est happé vers le ciel.
«Jésus mis en croix»
«Jésus mis en croix»
Copie ancienne d'un tableau de Jean-Baptiste de Champaigne.
La cathèdre de l'évêque
La cathèdre de l'évêque
dans le chœur.
Verrière du Jugement dernier, détail : les élus sont  séparés des damnés.
Verrière du Jugement dernier, détail : les élus sont séparés des damnés.
Un peu perdu au milieu des piliers, le chœur de la cathédrale  étale sa sobriété.
Un peu perdu au milieu des piliers, le chœur de la cathédrale étale sa sobriété.
L'entrée du double déambulatoire vu du côté  sud.
L'entrée du double déambulatoire vu du côté sud.
Le double déambulatoire prolonge les collatéraux de la nef (voir plan plus haut).

Les grandes verrières du déambulatoire. Elles font la réputation de la cathédrale Saint-Étienne. Datées des années 1210-1215 et sans aucun doute issues de trois ateliers de peintres verriers, il faut les scinder en deux parties : les vitraux des murs plats et ceux des chapelles rayonnantes. Ceux des murs plats rapportent l'histoire de l'Ancien et du Nouveau Testament ; ceux des chapelles illustrent la vie de saints et de saintes. Leur style se rapproche fortement de celui des vitraux de Chartres, dont ils sont contemporains. Pour les historiens, l'iconographie porte la marque de Guillaume de Donjon, archevêque de Bourges, successeur d'Henri de Sully, et mort en 1209. Ce moine cistercien, fidèle de saint Bernard, était un grand défenseur de l'instruction du peuple. À Guillaume de Donjon, il faut joindre un juif converti et zélé, Guillaume de Bourges, qui n'eut de cesse de prouver à ses anciens coreligionnaires que Jésus était le Messie qu'ils attendaient. C'est dans le déambulatoire que Guillaume de Donjon fit déposer des reliques de saint Étienne, entraînant par-là une vague de pèlerinages. Le déambulatoire propose 25 verrières de 6 mètres de haut chacune : 10 sur les murs plats, 15 dans les chapelles rayonnantes. Notons que les trois vitraux de la chapelle axiale, dite «Notre-Dame-la-Blanche» sont du XVIe siècle. Ils illustrent des épisodes de la vie de Marie et remplacent les vitraux initiaux du XIIIe qui traitaient vraisemblablement des mêmes thèmes.
Sources : 1) Les Grands vitraux de Bourges d'Hervé Benoît, © Centre Saint-Jean de la Croix, 2001 ; 2) Les vitraux du Centre et des Pays de la Loire, Corpus Vitrearum, CNRS, 1981.

Le réveil des morts au son de la trompette des anges.
Le réveil des morts au son de la trompette des anges.
Verrière du Jugement dernier, détail.
Le Léviathan (l'entrée de l'enfer) avale les damnés.
Le Léviathan (l'entrée de l'enfer) avale les damnés.
Verrière du Jugement dernier, détail (vers 1210-12015).

Le vitrail du Jugement dernier est daté des années 1210-1215. C'est une œuvre de 6 mètres de haut constituée de quadrilobes sur fond de mosaïques. On en donne ici quelques extraits parmi les thèmes traditionnels (Résurrection des morts, Pèsement des âmes, Séparation des élus et des damnés, Léviathan). Le vitrail a été restauré par Coffetier après 1853. Il a été à nouveau déposé pour restauration en 1976.
Source : Corpus Vitrearum.

L'archange saint Michel pèse les âmes.
L'archange saint Michel pèse les âmes.
Verrière du Jugement dernier, détail (vers 1210-12015).
Un diablotin vert essaie de faire pencher la balance du côté du diable.
Verrière de Lazare et du mauvais riche
Verrière de Lazare et du mauvais riche
Vers 1210-1215.
Verrière de l'Invention des reliques de saint Étienne
Verrière de l'Invention des reliques de saint Étienne
Vers 1210-1215.
Le déambulatoire du côté nord
Le déambulatoire du côté nord
On voit ici les deux niveaux de l'élévation.
Un triforium bas, quasi identique à celui de la nef (il manque seulement
les trèfles sous l'arcade), surmonte le déambulatoire.
Un ange emmène les élus vers Abraham, un démon emmène les damnés vers le Léviathan.
Un ange emmène les élus vers Abraham, un démon emmène les damnés vers le Léviathan.
Verrière du Jugement dernier, détail (vers 1210-12015).
Une chapelle rayonnante dans le déambulatoire.
Une chapelle rayonnante dans le déambulatoire.
Les chapelles rayonnantes de la cathédrale Saint-Étienne sont remarquables
par leurs vitraux, en aucun cas, par leur mobilier (!)
Verrière du Bon Samaritain, vers 1210-1215.
Verrière du Bon Samaritain, vers 1210-1215.
Au centre : un prêtre et un lévite passent sans secourir
l'homme qui vient d'être attaqué par des brigands.
Dans les quarts de cercle, histoire de Moïse.
Verrière de l'Invention des reliques de Saint-Étienne, vers  1210-1215.
Verrière de l'Invention des reliques de Saint-Étienne, vers 1210-1215.
Les reliques sont découvertes en présence
de l'évêque Jean de Jérusalem et du peuple.
Verrière de la Passion, vers 1210-1215
Verrière de la Passion, vers 1210-1215
L'Entrée du Christ à Jérusalem.
Verrière de la Légende de saint Thomas, XIIIe siècle
Verrière de la Légende de saint Thomas, XIIIe siècle.
Le roi de l'Inde, Gondoforus, et son peuple sont assemblés pour un banquet de noces.

Étienne Thevenot ou l'histoire d'un jugement faussé (2/3).
--»»   comme les bourreaux ou empereurs étaient représentés de telle manière au XIIIe siècle» [Boulanger]. Il fit figurer saint Sixte (pape du début de notre ère) avec une tiare, coiffe créée au XIIe siècle.
L'administration demanda un rapport à Adolphe Didron, qui n'appréciait pas Thevenot. Et pourtant le rapport fut très positif. La seule critique notable concernait les nuances de couleurs dans les verres utilisés pour remplacer les bouche-trous. Leur ton était jugé criard. Thevenot n'avait pas utilisé de patine. Au sein d'un panneau XIIIe siècle, le verre agissait donc souvent comme une source de lumière crue. Est-ce là l'origine des «critiques mal fondées» que rappelle le rapport de l'abbé Crosnier cité plus haut ?
Thevenot aurait aimé être désigné pour la suite de la restauration. Malheureusement pour lui, ses devis étaient très élevés, d'autant plus qu'il exigeait que les verrières les plus abîmées soient transportées jusqu'à son atelier de Clermont-Ferrand. Pour Karine Boulanger, c'est clairement le prix qui poussa l'Administration à faire un autre choix pour assurer la suite de restaurations jugées urgentes. Le peintre cartonnier Louis Steinheil fut désigné. Il s'associa avec le verrier Nicolas Coffetier. Nos deux compères ne vont pas y aller de main morte : ils vont faire quasiment l'inverse du travail de Thevenot. Sur la re-création des panneaux manquants, ils seront plus affûtés, quoiqu'ils reprirent eux aussi leurs propres compositions contemporaines. En revanche, ils n'eurent aucun respect pour les panneaux anciens. Quand Thevenot remplaçait le minimum, eux simplifièrent tous les réseaux de plombs de casse - pour accroître la lisibilité du vitrail - en remplaçant à qui mieux mieux les scènes anciennes jugées illisibles ou trop obscurcies. Les couleurs reçurent néanmoins une patine pour ne pas jurer avec le reste. Aujourd'hui, ce procédé serait totalement condamné, mais il l'était déjà à l'époque ! Karine Boulanger rappelle que «ces principes de restauration, c'est-à-dire le remplacement de très nombreuses pièces anciennes simplement affligées d'un plomb de casse, étaient discutables et même inadmissibles en principe    ---»» Suite 3/3 ci-dessous

Étienne Thevenot ou l'histoire d'un jugement faussé (3/3).
---»» dans les années 1850, car les directives concernant la restauration de verrières anciennes insistaient sur la nécessité de préserver les fragments anciens.» Thevenot a en fait respecté les directives officielles. Steinheil, comme d'ailleurs Lobin à Tours, suivait plutôt l'air du temps (souvent avec la bénédiction des chanoines) : restituer une lisibilité maximale aux vitraux et qu'importe l'œuvre du passé ! Sur ce point, l'Administration se montrait très tolérante. Ce qui comptait à ses yeux, c'était la qualité des panneaux manquants recréés de toutes pièces. Depuis notre XXIe siècle, il faut donc convenir que Thevenot a réalisé une œuvre de précurseur.
Vint l'heure de la calomnie. Le contrat de Louis Steinheil à Bourges revint à son fils Adolphe dans les années 1880. En 1888-1889 fut publié un second rapport Didron (†1867), sur l'initiative de l'architecte Roger, retiré des affaires. Ce rapport, prétendument oublié dans un tiroir de l'administration, reprenait les grandes lignes du premier rapport Didron, mais cette fois-ci changeait l'éloge en critiques violentes. Pour Karine Boulanger, ce document est un faux, construit pour défendre le travail des nouveaux restaurateurs de la cathédrale au sein desquels on trouvait le fils Steinheil (son père était un ancien protégé de Didron). Elle écrit : «Le rapport plutôt élogieux est devenu un violent réquisitoire, dénigrant le travail de Thévenot pour mieux encenser ensuite celui des nouveaux restaurateurs Louis puis Adolphe Steinheil, Nicolas Coffetier et Charles Leprévost, en laissant entendre que Thévenot ne fut pas réengagé en raison de son travail médiocre.» Pis ! le second rapport se paie le luxe de critiquer Étienne Thevenot pour son travail sur les nouveaux panneaux des verrières... où il n'est jamais intervenu ! En l'occurrence, ceux de la chapelle Saint-Étienne et ceux des verrières hautes du chœur. Comme souvent, la calomnie porta. Ce «second» rapport éclipsa le premier et devint la référence de bien des historiens de l'art au XXe siècle (y compris ceux du Corpus Vitrearum). La calomnie ne s'arrêta pas là puisque Karine Boulanger précise que Thevenot a été longtemps accusé d'être «un médiocre restaurateur auquel on croyait pouvoir attribuer un remplacement abusif de verres anciens [alors qu'il a fait tout le contraire !], mais aussi des essais chimiques sur des vitraux aussi prestigieux que ceux de Bourges [nous n'en avons aucune preuve]». Ce qui revient à reprocher au prédécesseur de Steinheil les erreurs commises par Steinheil lui-même parce qu'on veut soutenir le fils...
Pour redonner place à la vérité, citons pour finir un extrait du rapport de l'abbé Crosnier lors du Congrés archéologique tenu à Bourges en 1849. Le 3 octobre, les délégués font une visite rapide des monuments de la ville et rentrent dans la cathédrale pour y «juger des restaurations récentes qui y ont été exécutées par M. Thévenot, de Clermont. L'artiste était témoin de cet examen, il attendait avec confiance le jugement que devait porter ce jury impartial ; bientôt des félicitations unanimes le dédommagèrent amplement de certaines critiques mal fondées, et qui, heureusement, n'avaient pas ébranlé son courage dans l'important travail qu'il avait entrepris.»
Sources : 1) Thévenot, Coffetier, Steinheil, restaurateurs des vitraux de la cathédrale de Bourges (1845-1858) de Karine Boulanger in Bulletin Monumental, Tome 161, n°4, année 2003, pp 325-352 ; 2) Congrès archéologique de Bourges, 1849, article Promenade monumentale à Bourges par l'abbé Crosnier.

Verrière de la Légende de Marie l'Égyptienne, XIIIe siècle, détail
Verrière de la Légende de Marie l'Égyptienne, XIIIe siècle, détail.
Le déambulatoire de la cathédrale Saint–Étienne de Bourges est l'un des endroits les plus féeriques que l'on puisse trouver dans une cathédrale.
Le déambulatoire de la cathédrale Saint-Étienne de Bourges est l'un des endroits les plus féeriques
que l'on puisse trouver dans un monument religieux.

Le déambulatoire et les chapelles rayonnantes. Les cinq chapelles rayonnantes de la cathédrale Saint-Étienne ont posé des problèmes aux historiens. Sont-elles indispensables à la structure générale de l'abside ou ont-elles été prévues dès l'origine pour disposer d'autels supplémentaires? Dans son savant ouvrage sur la cathédrale, Jean-Yves Ribault nous donne une réponse après avoir rappelé les éléments de l'énigme.
Extérieurement, ces chapelles surprennent, d'autant plus que, au-dessous du chœur, se trouve l'église basse (appelée improprement «crypte»). Elles ne sont donc pas construites sur le sol ou la terre, mais reposent sur les contreforts rectangulaires de l'église basse et sont apparemment hors œuvre. L'œil les perçoit comme des «échauguettes» [Ribault] sur les tours d'un château fort. Si l'on y ajoute leur mode de couverture, on ne peut s'empêcher de penser qu'on est là en face d'un dispositif, bien sûr difficile à mettre en œuvre, mais très ingénieux. Sur le plan intérieur, force est de constater que ces chapelles s'insèrent à la perfection dans le déambulatoire, le dessin de leurs voûtains rejoignant subtilement les voûtains du déambulatoire.
Jean-Yves Ribault en conclut que l'existence des chapelles découle d'une nécessité pratique. «Il fallait nécessairement des chapelles annexes pour les messes privées de la cathédrale», écrit-il en faisant remarquer que le nombre des prébendes canoniales avait augmenté au XIIe siècle et que les messes de fondation s'étaient multipliées. Rappelons que, à cette époque, il n'y a aucune chapelle latérale dans la cathédrale, tant au nord qu'au sud, et que, de toutes façons, quand elles seront construites, celles-ci seront à usage privé. Bref, un édifice de la taille de Saint-Étienne de Bourges, ayant à sa tête un archevêque, avec un doyen pour gérer l'important service liturgique, ne pouvait pas se contenter d'un unique maître-autel au milieu du sanctuaire. Il fallait obligatoirement des autels secondaires. Les installer sur le mur périphérique aurait brisé l'usage processionnel (et l'aspect très solennel) du double déambulatoire. Seule la construction de petites chapelles rayonnantes répondait aux besoins cultuels. Cette construction était donc incluse dans le programme initial du Maître de Bourges.
Au niveau de l'esthétique, ces chapelles, assez exiguës, avec chacune trois grandes verrières de 6 mètres de haut, s'insèrent parfaitement dans le déambulatoire et ne brisent en rien son homogénéité artistique. L'atmosphère de féerie que dégagent les grandes verrières des murs plats (elles aussi de 6 mètres de haut) en est même renforcée. C'est un endroit magique à déguster avec délectation. Ainsi, on peut dire que la cathédrale de Bourges possède quatre atouts qui la font se classer parmi les plus importantes de France : ses portails, ses vitraux, son élévation intérieure «à cinq niveaux» et la féerie de son déambulatoire.
Source : Un chef d'œuvre gothique, la cathédrale de Bourges de Jean-Yves Ribault, éditions Anthèse, 1995.

Verrière de la Vie du patriarche Joseph, vers 1210-1215.
Verrière de l'Apocalypse, vers 1210-1215.
Le Christ de la Transfiguration :
Au centre, le Christ tient le livre aux sept sceaux et les sept étoiles.
Il est debout devant les sept chandeliers.
En bas, à droite : six apôtres et la Vierge. En face, saint Paul baptisant.
En haut, les sept anges des Églises adorent le Christ.
Verrière du Bon Samaritain
Verrière du Bon Samaritain
Vers 1210-1215.
Verrière de la Vie du patriarche Joseph, vers 1210-1215.
Verrière de la Légende de Marie l'Égyptienne, vers 1210-1215.
Verrière de la Légende de Marie l'Égyptienne, vers 1210-1215.
Marie embarque pour Jérusalem.
«««--- À GAUCHE
Verrière de la Vie du patriarche Joseph, vers 1210-1215.
Au centre, le songe de Joseph.

Au-dessous, les charpentiers, charrons
et tonneliers qui ont offert le vitrail.
Verrière de l'Invention des reliques de Saint-Étienne, vers  1210-1215.
Verrière de l'Invention des reliques de Saint-Étienne, vers 1210-1215.
La sépulture secrète d'Étienne est découverte.
BAIES 0, 1 et 2 - LES VERRIÈRES RENAISSANCE DE LA CHAPELLE AXIALE, dernier quart du XVIe siècle
Verrière des Épisodes de la vie de la Vierge, dernier  quart du XVIe siècle.
Verrière des Épisodes de la vie de la Vierge, dernier quart du XVIe siècle.
Chapelle axiale dite «Notre-Dame-la-Blanche».
L'Annonce à Anne et l'annonce à Joachim
L'Annonce à Anne et l'annonce à Joachim
(Anne et Joachim sont prévenus chacun par un ange d'aller à la Porte dorée.)
Verrière des Épisodes de la vie de la Vierge, dernier quart du XVIe siècle.
L'Assomption
L'Assomption
Verrière des Épisodes de la vie de la Vierge, dernier quart du XVIe siècle.
La Fuite en Égypte
La Fuite en Égypte
Verrière des Épisodes de la vie de la Vierge, dernier quart du XVIe siècle.

La verrière de la chapelle d'axe est constituée de trois panneaux datés du dernier quart du XVIe siècle, qui sont venus remplacer les vitraux initiaux du XIIIe. Ils illustrent des scènes de la vie de la Vierge (dont la Rencontre à la Porte dorée d'Anne et Joachim). Pour le Corpus Vitrearum, les vitraux initiaux illustraient vraisemblablement les mêmes thèmes. Ces trois verrières ont subi de nombreuses restaurations. Source : Les vitraux du Centre et des Pays de la Loire, Corpus Vitrearum, CNRS, 1981.

La Fuite en Égypte avec, sur la droite, une petite scène du Massacre des Innocents.
La Fuite en Égypte avec, sur la droite, une petite scène du Massacre des Innocents.
Verrière des Épisodes de la vie de la Vierge, dernier quart du XVIe siècle.
La Rencontre à la Porte dorée (panneau très restauré).
La Rencontre à la Porte dorée (panneau très restauré).
Verrière des Épisodes de la vie de la Vierge, dernier quart du XVIe siècle.
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Documentation : «Un chef d'œuvre gothique, la cathédrale de Bourges» de Jean-Yves Ribault, éditions Anthèse, 1995
+ «La cathédrale de Bourges et ses vitraux» par Jean Verrier, éditions du Chêne, Paris.
+ «La cathédrale Saint-Étienne de Bourges», éditions Ouest-France, texte de Jean-Yves Ribault.
+ «Les Grands vitraux de Bourges» d'Hervé Benoît, © Centre Saint-Jean de la Croix, 2001
+ «Les plus belles cathédrales de France» par J.J. Bourassé, Tours, 1880
+ «Les vitraux du Centre et des Pays de la Loire», Corpus Vitrearum, CNRS, 1981
+ Sessions du Congrès archéologique de France tenues à Bourges en 1849 et 1898
+ «Dictionnaire des églises de France», © éditions Robert Laffont, 1967
+ «La vie de tous les Saints de France», collection dirigée par M. Ch. Barthélemy, Bureau des annales hagiologiques de la France, 1860
+ «Vie des saints» par le père Giry, corrigée & complétée par Paul Guérin, éditions de 1862.
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