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Page créée en avril 2025
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Vitrail de saint Fort, détail

La basilique Saint-Seurin est l'une des plus anciennes églises de Bordeaux et peut-être celle qui a subi le plus de transformations architecturales au cours des âges. La rivalité de son chapitre de chanoines avec celui de la cathédrale Saint-André scande toute l'histoire de la ville. Qui aura la prééminence ? Lequel des deux édifices a été la première église de Bordeaux, et, plus encore, son premier siège épiscopal ?
L'histoire démarre avec un cimetière gallo-romain, bientôt lié à la présence de l'église Saint-Étienne, la plus ancienne de la ville, détruite à la Révolution. Là furent déposés, au Ve siècle, les tombeaux d'Amand et de Seurin, deux évêques de la communauté chrétienne. Autour de ces tombes la dévotion se développe. Un pèlerinage s'ensuit. Au VIe siècle, une petite chapelle funéraire est aménagée. Elle est transformée au XIe siècle en une véritable église avec un chapitre de chanoines. De cet édifice, il nous reste le porche occidental roman et une partie du clocher.
Aux XIIe et XIIIe siècles, on entreprend, en style gothique, le gros œuvre de l'église actuelle. Les travaux commencent par le chevet, puis s'étendent vers l'ouest. Sur le mur sud, on édifie un beffroi pour mieux surveiller les alentours car la construction s'élève en dehors de la muraille qui protège la cité. Heureusement, les menaces que représentent les pillards et les armées ennemies ne se concrétiseront pas. Bientôt, le chapitre va promouvoir le culte de saint Fort, un martyr chrétien peut-être imaginaire. Les pèlerinages redoublent. Une entrée solennelle est bâtie sur le mur méridional, vers la nécropole, ornée d'un grand portail gothique où abondent les bas-reliefs et les statues.
Le chapitre des chanoines de Saint-Seurin est riche d'une assise foncière étendue à tout le Bordelais. La multiplicité de ses droits seigneuriaux lui permet de tenir tête au chapitre de Saint-André. Et de construire.
Au XIVe sont ajoutées les premières chapelles : Saint-Jean, Notre-Dame de Bonne Nouvelle, Sainte-Catherine (devenue sacristie). La chapelle Notre-Dame-de-la-Rose, joyau de l'édifice, suivra au siècle suivant.
Au XVIe siècle, le portail sud est protégé par un porche, tandis qu'une tour hexagonale est ajoutée au beffroi.
En 1566, une partie des voûtes ouest s'effondre ; et, en 1698, une plus grande partie encore. L'ingénieur en charge de la restauration va employer les grands moyens pour consolider l'édifice : un pilier avait déjà été renforcé par une ceinture de pierre après 1566, cinq autres le sont à leur tour ; de plus, le sol est surhaussé d'environ trois mètres, ce qui enfouit complètement la crypte. L'atmosphère intérieure de l'église est perdue. Désormais, c'est une légère impression de lourdeur qui régnera avec des voûtes reposant sur des piliers trop courts.
En 1828, une nouvelle façade ouest est élevée sur les dessins de l'architecte Alexandre Poitevin. Deux nouvelles chapelles sont ajoutées au nord : Saint-Fort en 1847 ; la chapelle du Sacré-Cœur en 1875.
L'église Saint-Seurin est devenue basilique en 1873.
Notons que jadis les bâtiments du chapitre se regroupaient autour du cloître, juste au nord de l'église. L'urbanisation a tout transformé : le côté nord de l'édifice est désormais inaccessible.
La crypte, fermée au public, ne figure pas dans cette page. Elle pourrait être rouverte en 2028 après de futurs travaux de rénovation. Quant aux vitraux de la basilique, ils ont tous été créés par l'atelier bordelais Joseph Villiet dans les années 1850-1860. Certains illustrent des événements propres à l'histoire de la basilique.

Vitrail de l'Annonciation, détail

La nef et le chœur de la basilique Saint-Seurin vus depuis l'entrée.
À la suite de l'effondrement partiel des voûtes en 1698, la nef a été surhaussée de trois mètres.
À cette occasion, les piliers gothiques du premier plan ont été renforcés par une ceinture de pierre.
ARCHITECTURE EXTÉRIEURE

Le côté sud de la basilique Saint-Seurin vu depuis la place des Martyrs de la Résistance.
Ce côté présente des élévations de différentes époques : clocher roman avec étages du XIIe siècle, porche Renaissance,
beffroi à base romane avec partie hexagonale du XVIe siècle ; murs goutteraux du XIIIe siècle.
Le côté nord de la basilique, entouré de constructions particulières, est totalement inaccessible.

Architecture extérieure.
Issue d'un monument médiéval roman, la basilique Saint-Seurin a connu de multiples transformations et adjonctions.
Si le côté nord, bordé de bâtiments et de jardins privés, est invisible et inaccessible, le côté sud, en revanche, s'offre à l'œil du visiteur (photo ci-dessus). Il s'y mêle des éléments romans, gothiques et Renaissance. Cette longue élévation, trop marquée par les ajouts et les transformations, ne présente aucune harmonie. «Ses lignes architecturales sont sans envolée et sans souplesse», écrit Gabriel Loirette en 1939 pour le Congrès archéologique de France à Bordeaux et Bayonne.
Relèvent de l'art roman : le clocher carré occidental (à gauche sur la photo ci-dessus) et la base du beffroi (au centre de la photo). Tout le reste est gothique, bâti entre la fin du XIIe et la fin du XIIIe siècle. Le porche central, qui a retrouvé une coloration très claire à la suite d'une restauration récente, est un ajout du XVIe siècle pour protéger le portail du XIIIe caché derrière.
À l'ouest, le clocher roman, surélevé d'un dernier étage à la fin du XIIe siècle, n'a été coiffé d'un pavillon à quatre pans en ardoises qu'au milieu du XVIIIe..
Quant au beffroi roman, il a été surélevé de deux étages hexagonaux au XVIe siècle. Son étrange chapeau en deux parties a été ajouté au XVIIIe siècle, lors d'une restauration.
Deux éléments extérieurs retiennent l'attention : la façade occidentale moderne néo-romane (photo ci-contre) et le portail gothique sud du XIIIe siècle.


Statue de sainte Catherine d'Alexandrie
dans un coin sud-ouest de la basilque.
XVe siècle.

La façade occidentale néo-romane (2/2).
---»» Ils constatent ensuite : «Mais, soit réflexe incontrôlable, soit volonté délibérée de corriger un goût trop barbare, Poitevin rétablit les apparences d'une ordonnance classique.» En effet, les entablements s'y succèdent ! «Porté par de fines colonnes jumelées, continuent-ils, le bandeau qui couronne le premier niveau fait office d'entablement ; au second niveau, la balustrade (...) joue un rôle identique.» On obtient ainsi «l'équivalent d'un portique à ordres superposés».
Le constat ne s'arrête pas là puisque nos deux auteurs ajoutent que les statues de saint Amand et de saint Seurin «restent totalement étrangères à l'esthétique médiévale».
Quant au tympan, non seulement son bas-relief se développe en frise «en contradiction totale avec la tradition romane des compositions centrées», mais l'art roman saintongeais n'orne pas ses tympans d'un bas-relief ! En exemple, on pourra se reporter à l'église Saint-Eutrope et à l'abbaye aux Dames à Saintes. On constatera que le tympan du portail principal est tout simplement le plein cintre qui termine la porte en bois !
D'autre part, Dominique Maggesi a produit un bas-relief (donné ci-contre), très beau certes, mais dont le style est totalement moderne.
Ainsi, pour respecter la règle de l'unité de style et donc s'accorder avec le style roman du clocher, Poitevin a fait le choix d'un mauvais néo-roman. Robert Coustet et Marc Saboya concluent leur analyse de sévère manière : «L'évidente maladresse de son intervention à Saint-Seurin reflète son mépris instinctif pour les formes d'un temps “d'ignorance et de grossièreté”.»
Dans son Histoire du vandalisme, parue en 1958, l'historien Louis Réau ne cite pas l'église Saint-Seurin et sa façade. Est-ce un oubli ? Ou l'impression qu'à ses yeux l'ancienne façade ne méritait pas d'être conservée ?


Statue de saint Seurin sur la façade ouest.
(Sculpteur Dominique Maggesi).

«««--- La façade ouest a été bâtie
par l'architecte Alexandre Poitevin
de 1828 à 1829.

La façade occidentale néo-romane (1/2).
Un dessin d'époque, donné par Robert Coustet et Marc Saboya dans leur ouvrage Bordeaux, le temps de l'histoire (éditions Mollat, 2000), présente la façade ouest de Saint-Seurin avant la transformation drastique menée par l'architecte Alexandre Poitevin en 1828.
Un autre dessin d'époque présente l'église de biais avec le bas de la façade caché par de «pauvres échoppes dont les toits ne s'élevaient guère au-dessus des buissons qui bordaient les chemins effondrés de ce faubourg» (Charles Marionneau, Description des œuvres d'art dans les édifices de Bordeaux, 1861) On peut ainsi mieux apprécier le côté totalement disgracieux de cette façade qui n'a, peut-on penser, jamais été achevée.
Toute l'élévation du clocher, jusqu'au premier étage fenestré inclus, date de la fin du XIe siècle. Les deux niveaux supérieurs sont des ajouts de la fin du XIIe. Enfin, le sommet et le couronnement en ardoise sont du milieu du XVIIIe siècle.
Au bas de cette ancienne façade, dans l'ouverture du porche bâti au XIVe, le trumeau recevait une statue de saint Seurin revêtu de ses ornements épiscopaux. Dans le mince linteau qui dominait l'ouverture, les douze apôtres étaient sculptés assis tenant des phylactères. De part et d'autre de la porte, une double arcature ornait le mur.
Il est aisé de comparer cette ancienne façade du XIVe siècle avec la création néo-romane de 1828, fruit de l'imagination d'Alexandre Poitevin, architecte de la ville de Bordeaux.
En 1939, Gabriel Loirette, pour le Congrès archéologique de France, n'apprécie guère cette création de 1828 qu'il décrit comme conçue «dans le style lourd et prétentieux du néo-roman».
Avant lui, en 1861, Charles Marionneau ne l''apprécie pas non plus et en vient presque à regretter la précédente ! Les administrateurs, confie-t-il, ont voulu la raccorder au style roman du vieux porche et de la tour du clocher. Ils ont donné libre cours à un «zèle ardent» qui les persuade que leur façade néo-romane sera plus artistique que la précédente. Mais que sait-on du goût des générations futures ? s'interroge Marionneau.
Toutefois, il ne jette la pierre à personne. En 1828, reconnaît-il, les disciples de Viollet-le-Duc ne sont pas encore à l'œuvre et l'on ne peut exiger de Poitevin, «élève de l'école de l'Empire», la «fidélité scrupuleuse» que l'on exigera de la nouvelle école.
En 1952, l'abbé Brun dans son ouvrage Les églises de Bordeaux, voit dans cette façade «un spécimen assez curieux et assez réussi du néo-roman». C'est le coup d'œil d'un non-spécialiste.
En revanche, en 2000, Robert Coustet et Marc Saboya portent une analyse critique enrichissante. Ils font d'abord remarquer que Poitevin, «mal à l'aise avec le style roman», livre un schéma qui s'inspire des façades saintongeaises (comme celle de l'église Sainte-Croix) : le portail est encadré de deux fausses portes plus petites (devenues d'ailleurs des niches pour statues) ; l'ensemble est surmonté d'une arcature ; le style roman étant assuré par le plein cintre, par des voussures ornées d'entrelacs et par une bande lombarde.
---»» Suite 2/2 à gauche.


La façade occidentale romane avant les travaux d'Alexandre Poitevin.
Dessin réalisé d'après un dessin d'époque (source : Bordeaux, le temps de l'histoire de Robert Coustet et Marc Saboya).

La façade occidentale de Saint-Seurin au début du XIXe siècle.
Visiblement, le dessinateur a exagéré le recul du clocher.
On a l'impression qu'il s'élève au-dessus de la première travée de la nef.

On peut penser qu'en 1828 l'architecte Alexandre Poitevin n'a pas dû éprouver beaucoup de scrupules à modifier totalement cette façade qui fait quand même une piètre impression.
Dans son Histoire du vandalisme, publiée en 1958, Louis Réau ne parle pas de la basilique Saint-Seurin.


«Réception de saint Seurin par saint Amand»
Bas-relief de Dominique Maggesi (1831) dans le tympan de la façade ouest.

Modillons de la fin du XIe siècle sur le clocher roman qui domine la façade ouest.
Les deux étages supérieurs de ce clocher sont du XIIe siècle.
Sa partie terminale a été rajoutée au milieu du XVIIIe siècle.
LE PORTAIL MÉRIDIONAL DU XIIIe SIÈCLE

Sur le côté sud, le portail du XIIIe siècle est la principale œuvre d'art qui orne l'architecture extérieure de la basilique.

Le portail du XIIIe siècle et sa voûte en étoile.

Parmi les statues du portail du XIIIe siècle, la Synagogue est représentée sous l'aspect d'une femme aux yeux bandés.

Le portail du XIIIe siècle (2/2).
---»» Dès lors, pour rappeler aux Juifs qui seraient appelés à passer par-là leur faute de ne pas voir le Messie en la personne de Jésus-Christ, quel endroit plus approprié que le portail sud de Saint-Seurin ?
Gabriel Loirette rappelle que ces deux fameuses statues se trouvent dans les cathédrales de Paris, de Reims et de Strasbourg, mais surtout dans la vallée du Rhin et en Allemagne, particulièrement à Worms et à Bamberg.
Terminons par une remarque sur l'agencement du portail. En 1966, dans son article sur Saint-Seurin pour le Dictionnaire des églises de France, Pierre Dubourg-Noves juge ce portail «particulièrement maladroit».
En effet, selon le schéma traditionnel, les colonnettes de la partie basse d'un portail s'élèvent jusqu'à des chapiteaux où viennent s'accrocher les voussures tombantes de l'archivolte. Ce jumelage idéal colonnettes-archivolte se voit au portail de la cathédrale de Saintes ou à celui de l'église Saint-Pallais dans la même ville.
Dans le portail de Saint-Seurin, la liaison colonnettes-archivolte s'effectue par des statues, elles-mêmes séparées par des colonnettes en délit. Ce qui provoque un ordonnancement qui frôle la surcharge.

Le portail du XIIIe siècle (1/2).
C'est le joyau extérieur de la basilique. À tel point que le XVIe siècle a jugé utile de le protéger par un porche coiffé d'une voûte en étoile (photo ci-contre).
Le portail comprend une porte centrale, surmontée d'un tympan et d'une archivolte, et de deux arcades adjacentes recevant, quant à elles, statues, tympan et archivolte. Les niches abritent les statues des douze apôtres et, aux extrémités, celles de l'Église triomphante et de la Synagogue.
«Tout cet ensemble a été si copieusement restauré vers 1844 qu'on ne peut l'interroger qu'avec beaucoup de méfiance», confie l'abbé Brun en 1952 dans Les églises de Bordeaux.
Néanmoins, les scènes des tympans retiennent l'attention.
Le tympan central resplendit d'un très beau Jugement dernier accompagné, dans le bandeau inférieur, d'une résurrection des morts. Au centre du bandeau, l'archange Michel pèse les âmes. Aux extrémités, des anges sonnent de la trompette. Les voussures alternent décoration florale, chérubins et anges sous dais. Dans sa Description des œuvres des édifices bordelais, Charles Marionneau, en 1861, voit dans cette résurrection un rappel assez exact du bas-relief du même thème au portail occidental de la cathédrale d'Amiens.
Parmi les six voussures, trois sont occupées par des êtres célestes portant des ailes. En 1939, Gabriel Loirette, pour le Congrès archéologique de France, y décèle les trois degrés de la hiérarchie céleste du Pseudo-Denys : Séraphins-Chérubins-Trônes ; Dominations-Vertus-Puissances ; Principautés-Archanges-Anges.
Le tympan gauche représente la Visite des saintes femmes au tombeau. Au centre, un ange garde le tombeau vide, tandis que les deux arcades latérales abritent, d'un côté, les soldats romains endormis et, de l'autre, les saintes femmes. Dans la voussure du dessus, deus anges portent l'Agneau mystique tenant la croix en pal. Au-dessus, des vieillards tiennent des parchemins ou des phylactères.
Le tympan droit représente la Réception de saint Seurin par saint Amand, précédée du songe de saint Amand. Notons que cette interprétation ne fait pas l'unanimité. Dans Aquitaine gothique (Picard, 1992), Jacques Gardelles signale qu'elle a été donnée au XIXe siècle par Mgr Cirot de la Ville, historien de l'église, mais qu'elle «ne repose sur rien de solide». Mais qu'y voir d'autre ?
Les deux statues des extrémités des arcades, la Synagogue et l'Église triomphante, présentent un intérêt historique certain. La Synagogue prend la forme d'une femme honteuse dont les yeux sont bandés ; l'Église triomphante est représentée par une femme, au visage réjoui, qui tient le sceptre de la foi. Gabriel Loirette (Congrès archéologique de France, 1939) rappelle que, selon la théorie de Viollet-le-Duc, les édifices chrétiens bâtis au XIIIe siècle abritaient ces deux statues dans les villes peuplées de Juifs, et uniquement dans celles-là. Or le côté sud de la basilique borde un ancien cimetière qui se poursuivait, toujours au sud, par le quartier juif de Bordeaux. Ce dernier se trouvait sur le plateau d'une colline, appelé le mont Judaïc. La très longue rue Judaïque actuelle, qui s'étale du boulevard du Président Wilson jusqu'à la Place Gambetta, en garde le souvenir.
---»» Suite 2/2 plus bas.


Groupe de statues dans le portail du XIIIe siècle.
La partie basse a été refaite à l'identique au XIXe siècle.

Saint Jacques le Majeur et saint Simon tenant la scie de son martyre.

Saint André et saint Pierre
dans le portail du XIIIe siècle.


L'Église triomphante tient le sceptre de la foi.


Tympan central du portail du XIIIe siècle : Résurrection et Jugement dernier.
Le Christ en majesté préside à la pesée des âmes par l'archange saint Michel.
Aux extrémités, la jonction entre la colonnnette et la deuxième voussure (à thème floral) est particulièrement maladroite.

La résurrection des morts : l'archange Michel pèse les âmes.
Dans le bas-relief, un diable essaie de faire pencher la balance de son côté.

L'église Saint-Seurin est-elle la plus ancienne de Bordeaux ?
Le chapitre de la basilique s'est longtemps querellé avec celui de la cathédrale : à qui la gloire d'avoir été la première église de Bordeaux, Saint-André ou Saint-Seurin ?
Nombre d'historiens jusqu'à nos jours penchent pour Saint-Seurin.
En 2002, des fouilles sur les places Pey-Berland et Jean-Moulin ont mis à jour l'abside d'un monument de l'Antiquité tardive (donc tout proche de la cathédrale actuelle).
Il est probable que ce soit là un élément du premier groupe épiscopal de la cité, donc de la cathédrale primitive. En conséquence, si le site de Saint-Seurin est toujours regardé comme le plus ancien de Bordeaux, son statut de premier édifice épiscopal est à présent grandement remis en question. Source : «L'esprit des bâtisseurs», édité par les Amis d'Ars et Fides Bordeaux, 2011, article de Sandrine Lavaud.


«La visite des saintes femmes au tombeau».
Tympan gauche du portail du XIIIe siècle avec les voussures de son archivolte.
En bas : les soldats romains endormis ; l'ange auprès du tombeau vide ; les saintes femmes.

«Saint Amand rêvant de l'arrivée de saint Seurin» et «la Réception de saint Seurin par saint Amand»
Tympan droit du portail du XIIIe siècle.

Le rêve de saint Amand.
Le bas-relief du tympan de l'arcade droite est communément décrit comme étant e rêve de saint Amand voyant l'arrivée de saint Seurin pour le remplacer sur le siège épiscopal de Bordeaux.
Sur ce sujet, citons l'extrait donné par Charles Marionneau d'après Grégoire de Tours :
Amandus, peu satisfait de la ferveur de son troupeau, et s'accusant lui-même de ce qui manquait à sa famille spirituelle, était pris quelquefois d'un découragement profond qui lui faisait considérer la vie et l'épiscopat comme un intolérable fardeau. La Providence vint miraculeusement à son aide. Le saint évêque est averti en songe de l'arrivée d'un collaborateur inconnu, qui doit partager ses fatigues et ranimer ses espérances. Déjà il approche ; dans quelques instants il frappera à sa porte. Réveillé par cette vision, le vieillard se lève avec une incroyable allégresse. «Mon bâton, dit-il, allons au-devant de notre hôte» ; et il se dirige vers le chemin par lequel arrivait le céleste voyageur. Ils sont bientôt en présence, et, avant d'avoir échangé une parole, ils se précipitent dans les bras l'un de l'autre, comme deux vieux amis charmés et attendris de se revoir, et se nomment chacun par leur nom.

LE NARTHEX OU COULOIR-PORCHE ROMAN


Chapiteau roman dans le narthex.

«««--- Le narthex de la basilique
est l'ancienne entrée romane
du XIe siècle.

Chapiteaux romans dans le narthex (XIe siècle).
À gauche, des oiseaux picorent une grappe de raisins.

Plan de la basilique Saint-Seurin.

Le plan de la basilique.
L'église comprend un chœur rectangulaire à deux travées couvert de voûtes ogivales, le tout remontant à la fin du XIIe siècle. La seconde travée du chœur s'ouvre, au nord, sur la chapelle Notre-Dame de la Rose ; au sud, sur deux travées d'inégale longueur, dont la dernière donne accès à la chapelle Saint-Jean. Cet espace est parfois considéré comme un transept.
La nef s'étale sur quatre travées, toutes voûtées d'ogives. La travée qui jouxte le chœur date aussi du XIIe, alors que les trois suivantes sont du XIIIe. La travée du porche occidental a été créée au XIVe siècle. Les bas-côtés, qui ont une hauteur analogue à celle de la nef, sont couverts de berceaux transversaux.
Six chapelles ont été ajoutées au cours du temps. La plus ancienne est la chapelle Saint-Jean au sud du chœur. Son pendant, au nord, beaucoup plus imposant, est la chapelle Notre-Dame-de-la-Rose datée du XVe siècle. Les autres chapelles de taille semblable datent du XIXe siècle (Saint-Fort, Sacré-Cœur). L'ancienne chapelle Sainte-Catherine est devenue sacristie.

Le narthex roman.
Le narthex, appelé aussi couloir-porche par certains historiens, est une entrée du XIe siècle qui donnait accès à la base du clocher, avant la première travée de l'ancienne église. Avec la crypte (fermée au public), ce narthex est l'élément le plus ancien de la basilique.
Jadis, dès l'entrée dans le porche, le fidèle faisait face à un escalier qui descendait de deux ou trois mètres pour accéder à la nef. Ce qui fait que les chapiteaux romans du narthex étaient vus de plus bas et que la crypte n'était pas enterrée.
Au XIVe siècle, un porche est venu coiffer la partie romane. Puis l'architecte Alexandre Poitevin, en 1828, après destruction du porche, l'a encastrée dans une façade néo-romane conçue à sa manière.
L'intérêt de ce porche est d'y observer d'intéressants chapiteaux romans. On donne ici le Sacrifice d'Abraham (ci-contre) et des oiseaux picorant une grappe de raisins (ci-dessus).


Chapiteaux romans avec, à droite, le Sacrifice d'Abraham.
LA NEF DE LA BASILIQUE SAINT-SEURIN

La nef de la basilique Saint-Seurin et son élévation nord.
Le pilier du premier plan est du XIIe siècle.
Les deux piliers de l'arrière-plan, qui étaient à l'origine semblables à celui du premier plan, ont été renforcés d'une ceinture de pierre vers l'année 1700.
À l'extrême-droite, la chaise épiscopale.

Architecture intérieure (1/3).
«En entrant dans l'église, on est assez déçu, il faut l'avouer, par sa lourdeur inélégante» : c'est ainsi que l'abbé Brun, en 1952, campe sa première impression de Saint-Seurin.
La lourdeur dont il est question, et que tout visiteur ressent, vient du manque de hauteur des piles. En effet, le niveau du sol a été surhaussé d'environ trois mètres à la fin du XVIIe siècle, ce qui a bouleversé l'atmosphère gothique de l'édifice.
---»» Suite 2/3 plus bas.


Christ en croix sur une pile de la nef.
XIXe siècle ?

La chaire à prêcher est du XIXe siècle.

Rose des saints honorés à Saint-Seurin.
Atelier Jacques Villiet, Bordeaux, années 1850.

Chemin de croix, station VI : Simon aide Jésus à porter sa croix.
Plaque en étain ou en argent repoussé, XIXe siècle ?

Les vitraux de la basilique Saint-Seurin.
Bien qu'ils soient tous de l'atelier bordelais de Joseph Villiet (et de plusieurs de ses cartonniers) et qu'ils remontent tous aux années 1850-60, les vitraux de la basilique méritent l'attention du visiteur.
Que sait-on des vitraux précédents ? En 1861, dans sa Description des œuvres d'art des édifices de Bordeaux, Charles Marionneau rappelle l'existence d'«anciens et curieux vitraux» : la chapelle Notre-Dame-de-la-Rose possédait des verrières illustrant des scènes de la vie de la Vierge ; dans leur partie basse se trouvaient des écussons aux armes d'Angleterre et de France. Dans le bas-côté nord, il y avait un petit panneau remontant au XVIe siècle : un évêque mitré, tenant sa crosse, se tenait sous un portique ; au-dessus de lui, deux anges relevaient un rideau.
Tout comme cet historien, on ne peut que déplorer le peu de respect des chanoines pour ces verrières anciennes qui ont toutes disparu.
Les vitraux actuels peuvent être partagés en trois groupes.
Le premier rassemble des vitraux relatifs à des événements propres à la basilique. On les trouve dans les bas-côtés et ce sont les plus intéressants.
Le deuxième groupe propose des vitraux découpés en médaillons qui décrivent des scènes de la vie des saints liés à la basilique : Seurin, Amand, Martial, Véronique, Bénédicte, etc. À ce groupe se rattachent les vitraux traditionnels des vies de la Vierge (chapelle Notre-Dame-de-la-Rose) et de saint Jean dans la chapelle éponyme.
Dans le dernier groupe se trouvent les vitraux assez banals qui affichent un grand personnage dans chaque lancette (voir par exemple ceux de l'abside).
Au sein du premier groupe, on trouve une grande verrière contant l'histoire de l'Ancien cimetière qui se trouvait sur le flanc sud de la basilique, aujourd'hui place des Martyrs de la Résistance. Une autre verrière illustre la procession du cardinal de Sourdis pour honorer un vœu.
Une troisième rappelle la primauté que le chapitre de Saint-Seurin se donnait face à celui de la cathédrale Saint-André : la Prestation de serment de tout nouvel évêque de Bordeaux qui devait respecter les droits du chapitre de la collégiale Saint-Seurin avant même d'être intronisé dans la cathédrale.
Le vitrail du Pèlerinage relate un épisode historique : le Prince de Galles reçoit ses armes des mains de l'archevêque Amanieu de la Motte.
Dans le deuxième groupe, on pourra noter un Arbre de Jessé, une rose des saints honorés à Saint-Seurin, les vitraux de la vie de la Vierge dans la chapelle Notre-Dame de la Rose, la grande verrière de la vie de saint Amand et saint Seurin dans le bras sud du transept et celle de la vie de saint Martial et sainte Bénédicte à droite du maître-autel dans le transept.


Chemin de croix, station VII : Véronique essuie le visage de Jésus.
Plaque en étain ou en argent repoussé, XIXe siècle ?

Rose des saints honorés à Saint-Seurin, partie basse.
Sainte Véronique, sainte Bénédicte et sainte Rose de Lima.
Atelier Jacques Villiet, Bordeaux, années 1850.

L'élévation sud vue depuis le chœur.
On remarquera le berceau transversal au-dessus du bas-côté.
À gauche, le pilier gothique du XIIe siècle, de type composé, se termine par un chapiteau floral avec masques.
Il n'a pas été impacté par les travaux de 1700 qui ont chemisé les autres piliers afin de les renforcer.

Architecture intérieure (2/3).
---»» L'église a joué de malheur. En 1566, les voûtes des deuxième et troisième travées de la nef s'écroulent. Les voûtes disparues sont reconstruites et l'un des piliers de la nef reçoit une ceinture de pierre en guise de renfort, transformant son profil composé en un profil cylindrique. En 1698, second écroulement des voûtes. Cette fois, c'est toute la partie ouest qui s'effondre à cause .de la fragilité d'un autre pilier.
Là encore tout est reconstruit, mais Jean-Baptiste Augier, ingénieur ordinaire du roi en charge des travaux, ne veut prendre aucun risque pour l'avenir. Les cinq autres piliers de la partie ouest de la nef (dont ceux soutenant la tribune), sont à leur tour renforcés par une ceinture de pierre,. De plus, persuadé que le mauvais état du terrain est en cause, Augier décide de surhausser le sol de la nef d'environ trois mètres.
Auparavant, depuis la rue, on descendait dans la nef de l'église par un escalier. De là, pour aller dans le chœur, qui était surélevé par rapport à la nef, il fallait remonter par un autre escalier. De la sorte, le toit de la crypte, où étaient réunis les sarcophages des saints, était apparent. «La crypte elle-même, écrit Gabriel Loire pour le Congrès archéologique de France de 1939, prenait jour dans la nef par des ouvertures assez semblables à celles qu'on voit par exemple à Saint-Sernin de Toulouse.»
---»» Suite 3/3 plus bas.


Moniale avec l'Enfant-Jésus.
Tableau anonyme.

Vitrail de La Légende de saint Fort.
C'est l'un des plus beaux vitraux de la basilique.
Atelier Joseph Villiet, Bordeaux, 1862.
Les malades, les infirmes, les aveugles obtiennent
une guérison miraculeuse au contact
de la châsse du saint.

Vitrail de l'ancien cimetière de Saint-Seurin ---»»»
Ce vitrail de l'atelier Joseph Villiet illustre des épisodes historiques ou légendaires de l'ancien cimetière Saint-Seurin, «l'un des plus célèbres de la chrétienté», écrit Charles Marionneau.
Il se compose de trois rangées.
En haut, selon la légende, Jésus-Christ bénit le cimetière en présence de sept prélats.
Au centre : convoi funèbre des barons tués à Roncevaux ; leurs corps sont conduits à Saint-Seurin.
En bas : au centre, deux sonneurs d'oliphant (rappelant peut-être le cor de Roland à Roncevaux) ; à droite et à gauche, des moines distribuent des vêtements et des aumônes par ordre de Charlemagne.
Au-dessous des sonneurs d'oliphant, Charlemagne pleure sur le tombeau de ses guerriers.


Dans le bas-côté nord, la chapelle Notre-Dame de Bonne Nouvelle
se présente comme une véritable caverne.

Vitrail de la Procession ---»»»
En 1861, Charles Marionneau donne l'explication de cette verrière. Il écrit : «Ce vitrail a pour sujet l'accomplissement d'un vœu à Notre-Dame de Lorette. La procession se rend à la chapelle, portant une lampe d'argent, objet du vœu. Le cardinal de Sourdis et le maréchal d'Ornano sont les principaux personnages du cortège.»
Dans la partie basse, le cartonnier a inséré une suite de petits personnages agenouillés. Selon Marionneau, ils récitent les litanies de la Vierge afin d'honorer une dévotion qui, en 1861, était encore en vigueur à Saint-Seurin.
Charles Marionneau précise que ce vitrail (avec d'autres) a été exécuté aux frais de la fabrique de 1861 à 1862. Or son ouvrage édité chez le libraire Aubry à Paris et le libraire Chaumas-Gayet à Bordeaux porte l'année 1861. Comme quoi l'auteur n'a pas perdu de temps...


«La Vierge donnant le Rosaire à saint Dominique
et sainte Catherine de Sienne»,
Tableau de la seconde moitié du XVIIe siècle.
«««--- La Légende de saint Fort, détail.

Vitrail de la Prestation de serment des archevêques de Bordeaux à Saint-Seurin.
Atelier Joseph Villiet, Bordeaux, 1862.

Vitrail de la Prestation de serment (ci-dessus).
Le jour de son entrée solennelle dans la ville épiscopale, le nouvel évêque devait se rendre en priorité à Saint-Seurin pour jurer sur l'Évangile de maintenir les privilèges de la collégiale. Pour bien montrer l'importance de cette cérémonie, le cartonnier a représenté, autour de l'évêque, des membres du chapitre, leur doyen en tête, ainsi que des dignitaires laïques. Source : Description des œuvres d'art des édifices de Bordeaux par Charles Marionneau, 1861.

Vitrail du Pèlerinage ---»»»
Ce vitrail illustre le pèlerinage des rois et des princes au tombeau de saint Seurin, situé dans l'église.
Le dignitaire posait ses armes sur l'autel et l'évêque, de façon symbolique, les lui rendait.
La scène principale représente le Prince de Galles, suivi de ses officiers, recevant ses armes de l'archevêque Amanieu de la Motte.
Dans la partie basse, sont agenouillés : Eudes, comte de Bordeaux ; Louis VIII, roi de France ; Henri, duc de Lancastre ; Henri II, roi de France.
Le bas du tympan est orné des armes de Bordeaux, d'Angleterre, de Castille et de France.
Source : Description des œuvres d'art des édifices de Bordeaux par Charles Marionneau, 1861.



Statue de la Vierge à l'Enfant.
Albâtre, XIVe siècle.
Chapelle Notre-Dame de Bonne Nouvelle.

Vitrail de l'histoire de l'ancien cimetière de Saint-Seurin.
Atelier Joseph Villiet, Bordeaux, années 1850.

Vitrail de la Procession du cardinal de Sourdis.
Atelier Joseph Villiet, Bordeaux, 1862.

Vitrail du Pèlerinage des souverains.
Atelier Joseph Villiet, Bordeaux, 1862.

Saint Pierre donne son bâton d'évêque à saint Martial.
Vitrail de la vie de saint Martial, détail.
Atelier Joseph Villiet, années 1850.

L'élévation sud et sa voûte gothique quadripartite.

Architecture intérieure (3/3)
---»» Le remblaiement va enfouir complètement la crypte et transformer l'aspect intérieur de l'édifice. La charpente a été, elle aussi, totalement remaniée : les combles aigus ont laissé la place à une toiture à faible inclinaison.
L'autre point intéressant est la forme de voûtement des bas-côtés. Ceux-ci ne sont pas voûtés d'ogives, mais reçoivent un berceau transversal brisé aussi haut que la nef elle-même (voir photo de la nef ci-dessus et plus haut) et que l'historien Gabriel Loirette compare à de puissants formerets.
Si l'on y ajoute une retombée des voûtes du chœur sur les piles du chevet, jugée parfois assez gauche, qu'on y ajoute encore une similitude des piles avec celles d'églises à coupoles d'Aquitaine (profil, élévation, décoration), et qu'on adjoigne à tout cela une absence de triforium et de fenêtres hautes, «il est permis de se demander, écrit Loirette, si les maîtres d'œuvre de Saint-Seurin de la fin du XIIe siècle n'ont pas eu l'intention d'établir des coupoles.»
Coupoles ou non, l'historien ajoute que «le système de voûtement de Saint-Seurin de Bordeaux est extrêmement rare», visible seulement dans une église de Charente et une autre dans les Landes. C'est pourquoi il conclut son analyse des voûtements des bas-côtés en rappelant l'opinion d'un autre spécialiste des vieilles églises de la Gironde, Jean-Auguste Brutails, en 1910, qui voyait dans Saint-Seurin «la réalisation gothique d'un compromis entre les églises à coupoles et les églises poitevines à bas-côtés médiocrement larges.»
En 1912, dans son étude sur Saint-Seurin, Brutails écrira simplement que «l'usage des berceaux transversaux paraît inspiré de l'architecture à coupoles.»

LES SOUVERAINS EN PÈLERINAGE
Atelier Joseph Villiet, Bordeaux, 1862

Eudes, comte de Bordeaux.

Henri, duc de Lancastre.

Louis VIII et Blanche de Castille.

Henri II et Catherine de Médicis.
LA CHAPELLE NOTRE-DAME-DE-LA-ROSE

La chapelle Notre-Dame-de-la-Rose dans l'absidiole nord a été construite entre 1427 et 1444.
Au centre de la photographie, gisant du chanoine Guillaume de Lana qui se fit enterrer dans la chapelle en 1550.

L'Adoration des mages (hauteur 1,32 mètre).
XVe siècle.
Clé pendante dans la chapelle Notre-Dame-de-la-Rose.

Trois anges dans le soubassement du Couronnement de la Vierge.
XVe siècle.
Clé pendante dans la chapelle Notre-Dame-de-la-Rose.

Chapelle Notre-Dame-de-la-Rose (1/2).
Cette grande chapelle de dévotions est la plus riche et la plus intéressante de la basilique. Construite de 1427 à 1444 et fruit du zèle de l'évêque Pey Berland, elle comprend une travée sur plan carré, un chœur très court et une abside à cinq pans.
Son style est le gothique flamboyant. Une porte, dite «de la sacristie», située à droite de l'autel, regorge de petits personnages et d'animaux. À la voûte, les deux clés pendantes offrent, sur leurs deux faces, de belles saynètes en haut-relief : l'Annonciation et le Couronnement de la Vierge ; l'Adoration des mages et la Résurrection des morts.
L'autel, situé en avant du fond de l'abside, est adossé à un retable en pierre. Celui-ci reçoit douze bas-reliefs en albâtre qui illustrent des scènes de la vie de la Vierge. L'autel est surmonté de trois statues : une Vierge à l'Enfant dite Notre-Dame de la Rose, albâtre du XIVe siècle, et deux anges adorateurs qui sont modernes.
On notera le chemin de ronde établi à la base des fenêtres et dont la continuité est assurée par des ouvertures dans les élévations renforcées du mur.
---»» Suite 2/2 plus bas.


Le Couronnement de la Vierge.
XVe siècle.
Clé pendante dans la chapelle Notre-Dame-de-la-Rose.

L'Adoration des bergers, détail central du vitrail.
Atelier Joseph Villiet, Bordeaux, 1857.

Le Couronnement de la Vierge
Au soubassement : un chœur d'anges.
Vitrail de l'atelier Joseph Villiet, Bordeaux, 1857.
Ce vitrail porte les armes du donateur, le cardinal Donnet.

La porte de la sacristie, détail.
XVe siècle.

L'Annonciation, détail central du vitrail.
Atelier Joseph Villiet, Bordeaux, 1857.

L'Adoration des bergers, soubassement d'un vitrail de la chapelle.
Atelier Joseph Villiet, Bordeaux, 1857.

Chapelle Notre-Dame-de-la-Rose (2/2).
---»» En 1861, Charles Marionneau, dans sa Description des œuvres d'art des édifices bordelais, faisait remarquer la transition de style, bien visible dans la chapelle, entre le gothique finissant et l'ornementation Renaissance.
En 1939, Gabriel Loirette, pour le Congrès archéologique de France, lui emboîte le pas. Il écrit : «La lourdeur des masses n'empêche pas d'apprécier la finesse et la multiplicité des détails ; l'ornementation du retable, des arcatures et des clefs pendantes, qui s'est poursuivie jusqu'à une époque assez avancée du XVIe siècle, atteste la dégénérescence des traditions gothiques et l'influence de la Renaissance italienne.» Un petit monument typiquement de style Renaissance se trouve contre le mur sud de cette chapelle (donné à droite).
La chapelle est éclairée par cinq baies enchâssées sous des formerets que Jean-Auguste Brutails et Gabriel Loirette qualifient tous les deux de «vigoureux». Selon Charles Marionneau tous les vitraux de cette chapelle sont de l'année 1857 et viennent de l'atelier Joseph Villiet à Bordeaux. On pourra admirer un très bel Arbre de Jessé dans un vitrail à quatre lancettes.


Ornementation gothique influencée par la Renaissance.

La porte de la sacristie et son gothique flamboyant.
XVe siècle.

La Présentation au temple, détail.
Atelier Joseph Villiet, Bordeaux, 1857.

La porte de la sacristie et son ornementation
en gothique flamboyant.
XVe siècle.

Monument de style Renaissance
dans la chapelle Notre-Dame-de-la-Rose.
««--- La partie cerclée est en gros plan ci-contre.
L'ALBÂTRE DE LA CHAPELLE NOTRE-DAME-DE-LA-ROSE

Le retable du XVe siècle et ses bas-reliefs en albâtre dans la chapelle Notre-Dame-de-la-Rose.
Les bas-reliefs illustrent en dix saynètes la vie de la Vierge.

Les albâtres de la basilique Saint-Seurin.
Au XVe siècle, les imagiers anglais furent réputés en Europe pour leurs bas-reliefs en albâtre. Les ateliers de Nottingham, de Londres et de Burton-on-Trent étaient renommés. On utilisait ces œuvres pour orner les retables d'autel et, dans une moindre mesure, le sarcophage des tombeaux.
En 1939, pour le Congrès archéologique de France, Gabriel Loirette se montre peu amène sur la qualité de ces œuvres : «Le style de ces petites sculptures onctueuses et fades, écrit-il, faites en série, se caractérise par la maigreur et la raideur des personnages, par la forte saillie des pommettes et des yeux, par l'allongement disgracieux des mains et des pieds.»
En France, c'est avant tout dans les provinces plus anglaises que les autres que ces œuvres de basse qualité se répandirent, à savoir la Normandie et la Guyenne. À Bordeaux, «l'archevêque Pey Berland, ajoute Gabriel Loirette, plus que tout autre, contribua par des dons, à les diffuser.»
La basilique Saint-Seurin possède deux importants ensembles de ces albâtres.
Le retable de la Chapelle Notre-Dame-de-la-Rose en comptabilise douze. Ils illustrent des scènes traditionnelles de la vie de la Vierge. Le retable de l'ancien maître-autel, qui se trouve maintenant contre un pilier du chœur, en possède dix. Autour d'une Annonciation surmontée d'un Calvaire, ses panneaux racontent des épisodes de la vie de saint Martial et de saint Seurin.
Toutefois, l'association Ars et Fides Bordeaux attribue le retable près du chœur, de par sa plus grande finesse des modèles, à un atelier français.


La Visitation.
Panneau en albâtre, XVe siècle.

Le Couronnement de la Vierge.
Panneau en albâtre, XVe siècle.

Vierge à l'Enfant dite «Notre-Dame de la Rose».
Albâtre anglais du XIVe siècle.
Chapelle Notre-Dame-de-la-Rose.


Arbre de Jessé, détail :
Le roi David, fils de Jessé, et sa lyre.
Atelier Joseph Villiet, Bordeaux, 1857.


Arbre de Jessé, détail : deux rois de Juda.
Atelier Joseph Villiet, Bordeaux, 1857.

Arbre de Jessé.
Atelier Joseph Villiet, Bordeaux, 1857.

L'Arbre de Jessé de la chapelle Notre-Dame-de-la-Rose.
Ce vitrail de l'atelier Joseph Villiet suit les standards habituels de l'Arbre : Jessé est étendu, endormi, sur un lit. De son sein s'élance une tige qui se déploie en de multiplies ramifications où se tiennent les ancêtres de la Vierge et de Jésus.
Au-dessus de Jessé sont représentés son fils, le roi David tenant une lyre, et le fils de David, le roi Salomon, qui tient une représentation gothique du temple de Jérusalem. Voir les détails historiques de l'Arbre à la basilique Saint-Denis à Saint-Denis.
Charles Marionneau signale que, en plus des prophètes, se trouvent, autour du lit de Jessé, des poètes et des philosophes du paganisme.
Cet Arbre de Jessé possède un trait particulier : les visages sont en gris. Il s'agit vraisemblablement du résultat de l'impression de photos dans le verre, la cuisson assurant ensuite la vitrification et la durabilité. En général, et dans un second temps, le peintre verrier intervenait sur la photo en noir et blanc pour la colorier. Ici, les visages sont laissés en gris, sans doute pour diminuer les coûts de fabrication. Mais à qui appartiennent-ils ?


Vierge à l'Enfant, détail.
Albâtre anglais du XIVe siècle.
Chapelle Notre-Dame-de-la-Rose.

Statue moderne de
sainte Catherine d'Alexandrie.
Chapelle Notre-Dame-de-la-Rose.

«««--- Arbre de Jessé, détail.
Le roi Salomon, fils de David, présente son temple.
Atelier Joseph Villiet, Bordeaux, 1857.

AUTRES CHAPELLES DE LA BASILIQUE SAINT-SEURIN

La chapelle du Sacré-Cœur (au côté nord) date des années 1880.
Elle est protégée par un haut panneau de verre. De là vient
le reflet d'un vitrail voisin au-dessus de l'autel...

Chapelle Saint-Fort sur le côté nord (construite en 1847).

Saint Jean-Baptiste devant Hérode.
Vitrail de la vie de saint Jean-Baptiste, détail.
Atelier Joseph Villiet, années 1860-70.

Le Festin d'Hérode.
Atelier Joseph Villiet, années 1860-70.

«««--- Saint Jean reproche à Hérode Antipas
d’avoir épousé Hérodiade, la femme de son frère
Philippe. Ce qui était interdit par la loi mosaïque.

La chapelle Saint-Jean a été bâtie au XIVe siècle, au sud du chœur.
Dans la photo, seules trois baies sont visibles sur les cinq.

Les vitraux de la chapelle Saint-Jean.
Les vitraux de cette chapelle illustrent en dix saynètes, réparties sur cinq baies, la vie de saint Jean-Baptiste.
En 1861, dans sa Description des œuvres d'art des édifices de Bordeaux, Charles Marionneau ne parle que d'un seul vitrail. L'explication est donnée par Gabriel Loirette (Congrès archéologique de France, 1939) : avant 1868, la chapelle Saint-Jean n'était éclairée que par trois baies, dont l'une était murée. Il n'y avait donc que deux baies avec des vitraux. Celle que décrit Marionneau représente saint Jean-Baptiste debout «tenant sur le bras gauche un agneau, et de la main droite, un cartel déroulé, sur lequel on lit cette légende : Ecce agnus Dei». Et il ajoute : «Ce vitrail est signé des initiales : J. V. (Joseph Villiet), 1854» De toute évidence, ce vitrail a disparu ou a été déplacé.
Gabriel Loirette précise que, en 1868, on dégagea la fenêtre murée et l'on perça deux autres fenêtres, au nord et au sud. De ce fait, la chapelle compte maintenant cinq baies.
Les verrières (plutôt dégradées et apparemment non signées) de ces cinq baies sont de l'atelier bordelais de Joseph Villiet. En effet, à la cathédrale Saint-Jean-Baptiste de Bazas, un vitrail de la chapelle Saint-Jean-Baptiste offre une scène similaire à la scène donnée ci-contre à droite : Salomé présente le chef de saint Jean à un Hérode pensif. Le visage du roi est exactement le même dans les deux vitraux. La verrière de Bazas étant datée des années 1852-1862, on en déduit que l'atelier aura réutilisé une partie des cartons bazadais pour Bordeaux. On datera donc les vitraux de la chapelle Saint-Jean à Saint-Seurin de la fin des années 1860 ou des années 1870.


Salomé portant le chef de Jean-Baptiste à Hérode.
Vitrail de la vie de saint Jean-Baptiste, détail.
Atelier Joseph Villiet, Bordeaux, années 1860-70

La tête d'Hérode pensif est exactement la même
que celle qu'on peut voir dans un vitrail sur le même thème
à la cathédrale Saint-Jean-Baptiste de Bazas.

«««--- Retable de la chapelle du Sacré-Cœur.
XIXe siècle.
LE CHŒUR ET LE «TRANSEPT» DE LA BASILIQUE SAINT-SEURIN

Le chœur de la basilique Saint-Seurin.
Le tombeau de saint Seurin se trouve sous l'autel.

Le vitrail des vies de saint Martial et de sainte Bénédicte se trouve en haut à droite de l'image (bras sud du «transept»).

Saint Amand, évêque.
Vitrail de l'abside, détail.
Atelier Joseph Villiet, Bordeaux, 1853.

Le Sacré-Cœur.
Vitrail de l'abside, détail.
Atelier Joseph Villiet, Bordeaux, 1853.

Bras sud du «transept» et entrée dans la chapelle Saint-Jean.
Chaise épiscopale dans le transept ---»»»
2e quart du XVe siècle (?)

La Chaise épiscopale.
Cette chaise de pierre, sculptée en gothique flamboyant, est l'une des curiosités de la basilique. Sans certitude, les historiens la font remonter au deuxième quart du XVe siècle.
Entre les deux gâbles se trouve, comme suspendue, une mitre d'évêque soutenue par deux anges (donnée en gros plan ci-dessous à droite).
Pourquoi une chaise épiscopale dans une église qui n'a jamais eu rang de cathédrale ? L'explication habituelle se réfère à la tradition bordelaise qui voulait qu'un nouvel évêque, avant d'être intronisé à Saint-André, passât à Saint-Seurin pour faire serment de respecter les privilèges du chapitre (de Saint-Seurin).
Pour s'assurer de cette amabilité dans le cadre de la rivalité séculaire entre les deux chapitres, les chanoines de Saint-Seurin avaient sans doute pensé qu'il était mieux que l'évêque se sentît comme chez lui...


Les stalles de la fin du XVe siècle dans le sanctuaire.
Les parties hautes sont du XIXe siècle.

Les stalles du XVe siècle.
Au XVIIIe siècle, 47 stalles en chêne se trouvaient dans le chœur. Aujourd'hui, il en reste 32 ; le reliquat a été vendu à une église de la région parisienne. Charles Marionneau date ces stalles de style gothique des dernières années du XVe siècle. Les miséricordes y reflètent l'esprit frondeur des huchiers.
Toute la partie supérieure des stalles (c'est-à-dire les hauts dossiers) date de 1852. En 1861, dans sa Description des œuvres d'art des édifices de Bordeaux, Charles Marionneau révèle que, derrière ces hauts dossiers, se trouvent, cachées, des peintures murales des XIVe et XVe siècles illustrant la vie des saints évêques honorés à Saint-Seurin. De son côté, Jean-Auguste Brutails, en 1912, dans Les Vieilles églises de la Gironde, mentionne une dépense du chapitre en 1784 : «peinture à fresque du chevet par J.-A. Berinzago.» Cette information ne semble pas concordée avec la précédente. Malheureusement, les ouvrages récents sur la basilique ne parlent pas de ces peintures cachées.
Charles Marionneau rappelle que, lors de l'examen par la Commission des Monuments historiques du projet des travaux à exécuter dans le chœur, il fut demandé que la boiserie haute restât mobile pour avoir facilement accès à ces peintures. Ce vœu a-t-il été exaucé ?


Saint Seurin, évêque.
Vitrail de l'abside, détail.
Atelier Joseph Villiet, Bordeaux, 1853.

Vies de saint Martial et de sainte Bénédicte.
Atelier Joseph Villiet, Bordeaux, années 1850.

Un retable contenant dix bas-reliefs en albâtre
est accolé à un pilier près du chœur, XVe siècle.

La Mort de saint Martial.
Atelier Joseph Villiet, Bordeaux, années 1850.

Une mitre d'évêque trône entre les deux gâbles de la chaise épiscopale.

Saint Martial prêche à Sienne.
Vitrail des vies de saint Martial et de sainte Bénédicte, détail.
Atelier de Joseph Villiet, Bordeaux, années 1850.
L'ALBÂTRE PRÈS DU CHŒUR

Les dix bas-reliefs en albâtre du retable près du chœur illustrent les vies de saint Martial et saint Seurin.
Au centre : un Calvaire et une Annonciation.
Œuvre du XVe siècle d'un atelier anglais ou peut-être français.

Arrivée de saint Seurin à Bordeaux.
Bas-relief en albâtre, XVe siècle.

Sainte Bénédicte arrête un incendie.
Vie de saint Martial et de sainte Bénédicte, détail.

Sainte Bénédicte apaise une tempête.
Vie de saint Martial et de sainte Bénédicte, détail.

Saint Amand laisse son siège épiscopal à saint Seurin.
Bas-relief en albâtre, du XVe siècle.

Vie de saint Amand et de saint Seurin.
Atelier Joseph Villiet, 1858.
Vitrail dans le bras sud du transept,

Transfert de la châsse contenant les reliques de saint Seurin.
Vitrail dans le bras sud du transept, détail.
Atelier Joseph Villiet, Bordeaux, 1858.

Le Martyre de saint Étienne, détail.
Atelier Joseph Villiet, Bordeaux.

Vie de saint Amand et saint Seurin : amitié entre saint Amand et saint Seurin.
Vitrail dans le bras sud du transept, détail.
Atelier Joseph Villiet, Bordeaux, 1858.

L'orgue de tribune.
Le buffet d'orgue date du XVIIIe siècle.

L'orgue de tribune.
On trouve peu d'information sur l'orgue et sa tribune dans les documents habituels sur la basilique. En revanche, en 1912, dans son étude sur Les vieilles églises de la Gironde, Jean-Auguste Brutails donne le détail suivant :
1771-1774. Construction de l'orgue, savoir : la tribune par les frères Laclotte, la balustrade et autres travaux de serrurerie par Valette, l'instrument par Micot, la menuiserie par Boyé et par Joseph Peissy, la sculpture du buffet par Cabirol et Cessy, «l'allongement des bas-côtés du jubé de l'orgue», c'est-à-dire de la tribune par Brothier.
En 1862, l'abbé Brun reprend l'essentiel de ces informations sans citer le facteur Jean-Baptiste Micot qui serait le créateur de l'orgue.
Étrangement, en 1966, dans le Dictionnaire des églises de France, Pierre Dubourg-Noves attribue l'instrument à dom Bedos de Celles, créateur du célèbre orgue de l'église Sainte-Croix à Bordeaux et contemporain de Micot. Cette paternité est reprise par le même auteur en 1969 dans Guyenne Romane, éditions Zodiaque, la Nuit des temps. Malheureusement, Pierre Dubourg-Noves ne donne pas la source de son information.
L'orgue actuel est-il toujours celui de Jean-Baptiste Micot ?


La nef vue depuis le chœur.

Documentation : «Les églises de Bordeaux» de l'abbé Brun, éditions Delmas, 1952
+ «Aquitaine gothique» de Jacques Gardelles, éditions Picard, 1992
+ «Description des œuvres d'art qui décorent les édifices publics de Bordeaux» de Charles Marionneau, 1861
+ «Les vieilles églises de la Gironde» de Jean-Auguste Brutails, Feret et Fils Libraires-éditeurs, Bordeaux 1912
+ «Bordeaux Le temps de l'histoire» de Robert Coustet et Marc Saboya, éditions Mollat, 2000
+ «Guyenne romane» de Pierre Dubourg-Noves, éditions Zodiaque, la nuit des temps, 1969
+ «L'esprit des bâtisseurs», édité par les Amis d'Ars et Fides Bordeaux, 2011
+ «Dictionnaire des églises de France», éditions Robert Laffont, 1966
+ «Basilique Saint-Seurin, Bordeaux», brochure de l'Office de Tourisme
+ «Basilique Saint-Seurin», brochure publiée par Ars et Fides, Bordeaux, 1995
+ Panneaux d'information dans la nef.
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