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Page créée en août 2015
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Voir l'architecture extérieureVoir le chœur et le transeptVoir le déambulatoire et la chapelle de la Vierge
L'archange Saint Michel dans la chapelle Saint-Julien, atelier Guillaume Barbe, XVe siècle

Cette deuxième page sur la cathédrale de Rouen propose des photos du baptistère, une introduction sur l'architecture de l'élévation de la nef, notamment la façon élégante dont l'architecte du XIIIe siècle a traité le problème de la suppression des tribunes. On trouve aussi un historique des vitraux de la cathédrale, de nombreuses photos des chapelles latérales nord et sud, des photos des vitraux créés par l'atelier de Guillaume Barbe dans la seconde moitié du XVe siècle.
Le grave problème des vitraux du XVe volés à la fin du XIXe ou au début du XXe siècle, qui mérite d'être connu, est expliqué dans un encadré particulier.
Enfin, la présence du priant de Claude Groulard, dans la chapelle sud Saint-Étienne-la-Grande-Église est l'occasion d'une réflexion sur la conversion d'Henri IV en 1593.

Le Christ du Noli me tangere, atelier Guillaume Barbe, XVe siècle

Grandes parties de cette page :

 

Le baptistère de la cathédrale
Le collatéral NORD et ses chapelles
Le collatéral SUD et ses chapelles
LE BAPTISTÈRE DE LA CATHÉDRALE (TOUR SAINT-ROMAIN)
Vue d'ensemble du baptistère et de ses arcades romanes
Vue d'ensemble du baptistère et de ses arcades romanes.
La cuve baptismale, en pierre, est surmontée d'un couvercle métallique relié à une potence.
L'ensemble a été conçu dans le style du XIIIe siècle par le ferronnier d'art Ferdinand Marrou (1913).
La voûte octopartite bombée du baptistère
La voûte octopartite bombée du baptistère.
Demi-colonne en saillie sur le mur
Demi-colonne en saillie sur le mur.
Elle reçoit une des retombées des voûtes.
Aspect du couvercle des fonts
Aspect du beau couvercle des fonts.

Le baptistère se situe dans la salle basse de la tour Saint-Romain. C'est le lieu le plus ancien de la cathédrale (milieu du XIIe siècle). On ignore à quoi servait cette salle basse quand elle a été créée. Était-ce une voie d'accès de prestige? Certains murs devaient-ils ensuite être creusés pour accueillir un portail? Les spécialistes s'interrogent. Les murs de la pièce accusent quand même plus de 2,50 mètres d'épaisseur et les chapiteaux qu'on y trouve n'ont aucun aspect religieux.
C'est en 1911 qu'on décida d'y transférer les fonts baptismaux de la cathédrale.

LE COLLATÉRAL NORD ET SES CHAPELLES
L'élévation nord à quatre niveaux et ses chapelles latérales
L'élévation nord à quatre niveaux et ses chapelles latérales.
Chapiteau à la retombée des voûtes dans le baptistère
Chapiteau à la retombée des voûtes dans le baptistère.
En haut, un lion poursuit un chien.
Vierge à l'Enfant dans le baptistère
Vierge à l'Enfant dans le baptistère.
XVIIe siècle - XVIIIe siècle.

Les collatéraux et leurs chapelles. La photo ci-contre montre toute l'élégance de l'élévation à quatre niveaux de la nef de la cathédrale Notre-Dame. L'arcature des deux premiers niveaux est presque identique : arcades brisées à plusieurs ressauts moulurés et portées par des piles entourées de colonnettes. Le deuxième niveau, celui des fausses tribunes, est ouvert sur la nef. L'impression d'élancement est accentuée par la présence d'un faisceau de cinq colonnettes sur chaque pile, faisceau qui gagne la retombée des voûtes pratiquement sans interruption. L'anneau de feuillage qui orne ces colonnettes au niveau des grandes arcades ne crée pas vraiment d'effet de rupture.
Si la nef est élevée assez rapidement après l'incendie de l'an 1200, il faut attendre les années 1270 pour que, sous le pression des confréries et des corporations, l'archevêque Eudes Rigaud (1247-1275) lance la construction des chapelles latérales nord et sud. Selon le processus habituel, elles sont bâties entre les culées des arcs-boutants, les murs gouttereaux étant reculés de quatre mètres. Les chapelles latérales nord (que l'on voit ci-contre) sont d'origine. Celles du côté sud, à l'exception de la chapelle Sainte-Catherine, ont été détruites en avril 1944, et reconstruites.

Plan de la cathédrale
Plan de la cathédrale.

Les vitraux de la cathédrale de Rouen. Contrairement à la cathédrale d'Amiens, la cathédrale de Rouen possède une belle collection de vitraux, du XIIIe au XXe siècle.
Au cours de la construction, dès le début du XIIIe siècle, les verrières sont posées à mesure que les travaux progressent. À partir de 1270, la création des chapelles latérales entre les culées des arcs-boutants nécessite la dépose de ces vitraux. Cependant, les baies des chapelles, qui ont quatre lancettes, ne correspondent pas à la forme initiale des verrières. Pour la repose, il faut donc retailler et ajuster, ce qui ne se fait pas sans perte, ni créations malheureuses de patchworks. L'édifice s'enrichit ensuite de vitraux dans le transept, le déambulatoire et les autres chapelles selon les offrandes des donateurs et le style artistique en vogue. Après la guerre de Cent Ans, le chapitre décide de changer tous les vitraux de la nef. C'est l'atelier du maître verrier rouennais Guillaume Barbe qui sera chargé de la tâche.
Arrivent le XIXe siècle et l'incendie de 1822. Le bas-côté sud est endommagé et l'on finit par examiner les verrières de près. Bien qu'ayant peu souffert du feu, celles du côté sud sont dans un état déplorable. En effet, sur ce côté, accolées au mur, se dressent diverses masures privées. Au fil des siècles, leur proximité a provoqué des infiltrations d'eau et plongé tout le bas-côté --»» 2/3

La voûte quadripartite de la cathédrale
La voûte quadripartite de la cathédrale de Rouen.
«La Sainte Famille»
«La Sainte Famille»
Tableau d'un peintre anonyme (XVIIIe siècle?)
Chaire à prêcher métallique de Raymond Subes, 1959
Chaire à prêcher métallique de Raymond Subes, 1959.
La précédente chaire, néogothique du XIXe siècle, a été détruite en 44.
Collatéral nord vu du transept
Collatéral nord vu du transept.
Au premier plan, les deux escaliers d'accès à la chaire à prêcher.
Suite de chapelles latérales nord
Suite de chapelles latérales nord.
L'importance de la hauteur sous voûte
vient de l'absence de tribunes.
Clé de voûte de la première travée de la nef
Clé de voûte de la première travée de la nef.

2/3 --»» dans une humidité qui attaque pierres, verres et peintures. Une première restauration partielle (vers 1823-24) du verrier Joseph Gourre, non seulement ne plaît pas, mais fait hurler les défenseurs des arts. Le piteux état de l'ensemble des vitraux de la cathédrale devient une évidence. On s'aperçoit que beaucoup sont démembrés ; des vitraux de différentes époques sont accolés les uns aux autres. L'intervention du nouveau peintre verrier You Renaud n'arrange rien. Le démembrement continue, les chapelles du collatéral sud perdent leurs panneaux petit à petit. ---»» 3/3

La Vierge et l'Enfant avec un saint
La Vierge et l'Enfant avec un saint.
Tableau d'un peintre anonyme (XVIIIe siècle?))

Les vitraux de la cathédrale de Rouen.
3/3 --»» Le musée des Antiquités de la Seine-Inférieure se met alors sur les rangs. Ce qui va faire empirer les choses car il veut constituer sa propre collection de vitraux ! You Renaud est chargé d'utiliser des têtes de fragments récupérés et de les insérer dans des montages faits avec des bouts de vitraux venant d'autres églises de la ville. On appelle cela une collection faite de bric et de broc... Dans l'ouvrage du Corpus Vitrearum cité en source, Caroline Blondeau écrit, non sans amertume : «Ces panneaux, encore en place au musée, ont été assemblés sans aucune volonté ni souci archéologique et témoignent du peu de cas que l'on attribuait à ces fragments qui devaient attendre dans une caisse à la cathédrale.»
En 1858, enfin, une grande campagne de restauration est lancée. On décide de restaurer superficiellement la majorité des vitraux des bas-côtés et d'en changer quelques autres. C'est le maître verrier Jules Boulanger qui est chargé de cette tâche. Prend alors place un débat typique, en France, de la deuxième moitié du XIXe siècle, sur le but de la restauration : faut-il remettre l'œuvre dans son état primitif ou

faut-il en respecter les modifications intervenues au cours des siècles? Ce débat, concernant de près le bas-côté sud, est développé dans un encadré. Toujours est-il que Jules Boulanger va déposer beaucoup de vitraux d'origine (qui seront d'ailleurs volés par la suite - voir l'encadré), et replacer des copies dans les baies des chapelles.
Une première dépose de protection a lieu en 1918. En 1939, tous les vitraux anciens (à l'exception des bordures et des grisailles) sont mis en caisses et expédiés au donjon de Niort. Les copies réalisées par Boulanger au XIXe resteront en place. Elles seront pulvérisées par les bombardements d'avril 1944.
Après la guerre, les vitraux réintègrent progressivement la cathédrale. Certains seront complétés par la créations modernes de l'atelier Max Ingrand. L'édifice accueillera même des vitraux de l'ancienne église Saint-Vincent (détruite elle aussi en 1944) dans la chapelle de la Vierge et à la tour Saint-Romain.
Source : Le vitrail à Rouen, 1450-1530, «L'escu de voirre» de Caroline Blondeau. Corpus Vitrearum, © Presses Universitaires de Rennes 2014.

CHAPELLE LATÉRALE NORD SAINT-ÉLOI ET LES VITRAUX DE L'ATELIER BARBE (1470)
Chapelle nord Saint-Éloi
Chapelle nord Saint-Éloi.

Saint Jean-Baptiste dans la chapelle Saint-Éloi. ---»»
Saint Jean-Baptiste dans la chapelle Saint-Éloi

La chapelle Saint-Éloi comprend un vitrail à quatre lancettes, daté de l'année 1470, dont l'origine est discutée. Les panneaux sont parfois mal arrangés. Dans le saint Jean-Baptiste (donné ci-dessus), le panneau du bas est monté à l'envers. Enfin, dans le saint Nicolas (donné à droite), les panneaux du haut et du bas ne correspondent pas : la présence d'une gargouille montre que le panneau du bas était destiné à un saint Romain. L'arrière-plan (en bleu dans le saint Jean-Baptiste, en vert dans le saint Nicolas) est constitué d'un beau damas à thème floral. Ce style de damas était une spécialité de l'atelier des Barbe, l'Écu de verre. Le vitrail présente des restaurations et de nombreux bouche-trous. Il est attribué par le Corpus Vitrearum à l'atelier de Guillaume Barbe (année 1470). Et rien n'indique qu'il soit de la main même de Guillaume Barbe.
Sources : 1) Le vitrail à Rouen, 1450-1530, «L'escu de voirre» de Caroline Blondeau. Corpus Vitrearum, © Presses Universitaires de Rennes 2014 ; 2) Les vitraux de Haute-Normandie, Corpus Vitrearum, CNRS Éditions 2001.

SAINT ÉLOI, SAINT LAURENT, SAINT JEAN-BAPTISTE ET SAINT NICOLAS
SAINT ÉLOI, SAINT LAURENT, SAINT JEAN-BAPTISTE ET SAINT NICOLAS.
Bandeau du vitrail de la chapelle Saint-Éloi réalisé par l'atelier Barbe, 1470. Baie 47.
«Sainte Irène détachant saint Sébastien»
«Sainte Irène détachant saint Sébastien»
Copie du XVIIIe siècle d'un tableau de Ter Brugghen (1588-1629)
Chapelle nord Saint-Éloi.
Saint Nicolas
Saint Nicolas.
Vitrail de l'atelier Barbe dans la chapelle Saint-Éloi.
La gargouille du panneau du bas montre qu'il était destiné
à une lancette présentant saint Romain.
CHAPELLE LATÉRALE NORD SAINT-JULIEN
«La Crucifixion»
«La Crucifixion»
Tableau de Michel de Joncquoy, 1588.
Chapelle Saint-Julien.
SAINT MICHEL, SAINT JULIEN, SAINT GUILLAUME ET SAINTE GENEVIÈVE
SAINT MICHEL, SAINT JULIEN, SAINT GUILLAUME ET SAINTE GENEVIÈVE.
Bandeau du vitrail de la chapelle nord Saint-Julien (Atelier Barbe, 1468-1469), Baie 49.

L'atelier Barbe à Rouen. En 2014, le Corpus Vitrearum a consacré une étude exhaustive à l'atelier Barbe (thèse de doctorat en histoire de l'art de Caroline Blondeau). Les Barbe, c'est une famille de peintres verriers rouennais, une «dynastie» qui rappelle celles des Le Prince à Beauvais et des Macadré à Troyes.
Le chapitre de la cathédrale de Rouen avait en permanence besoin d'un maître verrier pour l'entretien et la réparation des vitraux en place. Cette charge fut confiée, dès le début du XVe siècle, à Robert Auguy, qui la transmit à son fils. En 1456, elle passa à un parent éloigné, Guillaume Barbe, qui la transmettra lui-même à son fils Jean. Enfin, c'est le gendre de Jean, Olivier Tardif, puis Noël, le fils d'Olivier, qui l'occuperont jusqu'en 1577. Cette date correspond à la mort de Noël. Celui-ci n'ayant ni descendant, ni parent dans le métier, le chapitre s'adressa à un autre atelier et la dynastie des Barbe prit fin. Auguy-Barbe-Tardif : il s'agit donc d'une même famille appelée par le chapitre à l'entretien des vitraux. Cette relation d'affaire a passé le temps sans contrat écrit entre les chanoines et l'atelier des Barbe, l'Écu de verre. Les historiens n'ont rien retrouvé à ce propos.
L'atelier était situé dans l'actuelle rue Saint-Romain, presque en face du portail des Libraires, dans la paroisse Saint-Nicolas-le-Painteur (juste au nord de la cathédrale). Au XVe siècle, ce quartier fut un grand foyer de création artistique rouennaise. On y trouvait des peintres, des peintres verriers, des enlumineurs et des libraires. Outre l'atelier, les «serviteurs» des Barbe disposaient d'un local dans la tour Saint-Romain, local qui sera ensuite déplacé dans le fameux pont entre la tour et la cathédrale. Si les Barbe étaient chargés de l'entretien des vitraux, nul n'avait cependant obligation de passer par eux pour les créations. Ils obtinrent quand même, dans la décennie 1460, la charge de renouveler toute la vitrerie des bas-côtés. En revanche, en 1521, la confrérie de Saint-Romain s'adressa ailleurs pour la création des magnifiques vitraux Renaissance de la vie et du panégyrique de saint Romain, dans le transept sud. Puis, en 1528, c'est la confrérie Notre-Dame-du-Jardin qui sollicitera le très célèbre atelier des Le Prince, à Beauvais, pour la vitrerie de sa chapelle. Cette page, à travers les photos des chapelles nord, donne un aperçu du talent artistique de l'écu de verre. Pour les créations des chapelles sud, en revanche, le sort sera plus funeste (voir plus bas).
Ainsi, obtenir des contrats ne coulait pas de source pour l'atelier des Barbe et il eut souvent à souffrir d'un manque d'aisance financière. La famille venait d'un milieu paysan assez modeste, ce qui peut expliquer ces difficultés. Même si elle jouissait d'une excellente réputation à Rouen - les Tardif masqueront d'ailleurs leur nom derrière celui, plus glorieux, des Barbe -, la concurrence ne manquait pas, que ce soit au plan local ou régional. On compte sept ateliers en activité à Rouen entre 1490 et 1500, dont celui de Michel Trouvé qui travaille sur la paroisse de Saint-Maclou. Il y en aura douze après 1510. D'après les sources, la reprise économique de l'après-guerre de Cent Ans, qui assura une certaine prospérité aux habitants, ne suffit pas à garantir la stabilité financière de l'atelier. Les choses changeront à la fin du XVe siècle quand Jeanne, fille de Jean Barbe, épousera Olivier Tardif. Cette alliance avec la famille Tardif, milieu de bouchers aisés, non seulement renforcera les finances de l'écu de verre, mais lui fera bénéficier du statut privilégié d'Olivier. Celui-ci semble en effet désigné, dans les documents d'époque, comme l'un des «notables bourgeois» de la ville.
Source : Le vitrail à Rouen, 1450-1530, «L'escu de voirre» de Caroline Blondeau. Corpus Vitrearum, © Presses Universitaires de Rennes 2014.

La chapelle Saint-Julien possède un grand vitrail à quatre lancettes attribué à l'atelier de Guillaume Barbe (années 1468-1469), dont le bandeau est donné ci-dessus. Les deux saints évêques, Julien et Guillaume, sont presque illisibles. On voit néanmoins que leur visage a été créé avec le même carton. Le vitrail est très abîmé, et le saint Michel terrassant le dragon s'en sort le mieux. On note de nombreuses restaurations et des bouche-trous.
Source : voir la chapelle nord Saint-Éloi.

L'archange Saint Michel dans la chapelle Saint-Julien
L'archange Saint Michel dans la chapelle Saint-Julien.
Atelier de Guillaume Barbe, 1468-1469.
L'ARCHITECTURE DES COLLATÉRAUX ET LES FAUSSES TRIBUNES
Le collatéral sud et sa belle suite de quillages de colonnettes
Le collatéral sud et sa belle suite de quillages de colonnettes.
Saillie triangulaire recevant des colonnettes au–dessus et au–dessous
Saillie triangulaire recevant, au-dessus et au-dessous, des colonnettes.

L'architecture des collatéraux et les fausses tribunes.
La physionomie des bas-côtés de la cathédrale mérite un développement particulier. L'allure générale en est donnée par la photo ci-dessus. À l'origine (dernières années du XIIe siècle), la nef est construite avec une élévation à quatre niveaux. Pour ce qui est du collatéral, le premier niveau est le bas-côté proprement dit, le deuxième correspond aux tribunes. La voûte d'ogives que l'on voit ci-dessus est celle des tribunes, mais celles-ci n'ont pas de «plancher» parce qu'il n'a jamais été bâti. Les sources, qui sont nombreuses sur cet aspect des bas-côtés, indiquent que le maître d'œuvre de l'époque a vraisemblablement disposé des «sommiers» destinés à recevoir les retombées des voûtes de ces fameuses tribunes. Les chapiteaux des grosses piles, quant à eux, devaient recevoir les retombées de la voûte située sous les tribunes.
L'incendie de l'an 1200 va bouleverser ces plans. Le nouveau maître d'œuvre, Jean d'Andeli, reconnu par les historiens comme un homme de grande capacité, décide de supprimer les tribunes. Et il le fait avec ingéniosité, sans démolir ce qu'a fait son prédécesseur (même si les «sommiers» ont dû être rognés). Les baies des tribunes sont bien sûr bâties (c'est le deuxième niveau de l'élévation dans la nef), mais pas le niveau horizontal qui leur correspond (et qui sert de passage au-dessus des bas-côtés).
Toutefois un problème se pose : jusqu'où faire redescendre les retombées des voûtes des tribunes? Jusqu'au tailloir des colonnes qui devait recevoir la retombée des voûtes du bas-côté, comme à l'église d'Eu où les tribunes ont aussi été supprimées? Jean d'Andeli choisit un parti plus compliqué, mais aussi beaucoup plus élégant. Il arrête les retombées de la voûte des tribunes sur une petite plate-forme triangulaire en large saillie, embellie par une moulure ornée de fleurs et de têtes de bonshommes (photo ci-contre). De la sorte, il peut aménager un passage de circulation tout le long du bas-côté (au-dessus des grandes arcades) car cette plate-forme triangulaire permet de contourner la pile. (Les constructeurs normands appréciaient beaucoup ces voies de circulation et les multipliaient dans leurs églises). Au-dessus de la saillie triangulaire, il dispose des colonnettes en délit qui s'accrochent au mur par l'intermédiaire de bagues. Et pour relier cette saillie au chapiteau du dessous (qui devait recevoir la retombée des voûtes du bas-côté), il crée un très pittoresque quillage de cinq colonnettes, enjolivées par une bague à mi-hauteur, elle-même reliée au mur par une tige de métal. On peut d'ailleurs observer quelques variantes puisque, dans les quillages du côté nord, les deux colonnettes externes s'arrêtent à mi-hauteur descendante (photo ci-contre).
Pour la robustesse de l'édifice, il est clair que cet appareillage n'a aucune utilité. Il faut cependant reconnaître que l'enfilade de ces quillages sur toute la longueur du collatéral (photo ci-dessus) crée un impressionnant effet artistique qui mérite toute l'attention du visiteur. C'est à la cathédrale de Rouen et ce n'est nulle part ailleurs.
Sources : 1) Rouen, Primatiale de Normandie, éditions La Nuée Bleue, collection «La Grâce d'une cathédrale» ; 2) Congrès archéologique de France, 89e session tenue à Rouen en 1926, article La cathédrale de Rouen par Marcel Aubert.

Colonnettes au-dessous de la saillie triangulaire, une variante
Colonnettes au-dessous de la saillie triangulaire, une variante.
Chapiteau à la base du quillage dans le collatéral nord
Chapiteau à la base du quillage dans le collatéral nord.
Chapiteau à la base du quillage dans le collatéral nord
Chapiteau à la base du quillage dans le collatéral nord.
CHAPELLE NORD SAINT-SEVER ET LES «BELLES VERRIÈRES»
Vitrail des Belles Verrières (années 1200 à  1230)
Vitrail des Belles Verrières (années 1200 à 1230)
et des scènes de la Passion de l'atelier
de Guillaume Barbe (années 1460).
Chapelle Saint-Sever, Baie 51.
«Les Belles verrières» dans la chapelle Saint-Sever  (années 1200 à 1230), Baie 51
«Les Belles Verrières» dans la chapelle Saint-Sever (années 1200 à 1230), Baie 51.
À DROITE, Chapelle Saint-Sever, baie 51. ---»»»
La Légende de saint Sever dans les Belles Verrières (1220-1230).
En haut, saint Sever reçoit un messager avant d'être sacré évêque ;
Au centre, les enfants de Job s'enfuient ;
En bas, saint Sever, évêque d'Avranches, prêche devant son peuple.

La chapelle Saint-Sever présente une partie des vitraux primitifs posés avant la construction des chapelles latérales. Ils datent des années 1200 à 1230. On les a appelés, dès le XIVe siècle, «les Belles Verrières». Sous la pression des corporations, le chapitre, dans les années 1270, lance la construction des chapelles de la nef. Il faut déposer ces Belles Verrières et les réinsérer, non sans peine, dans des fenêtres de taille différente accueillant des baies à quatre lancettes. La partie basse des lancettes de la chapelle Saint-Sever ne recevait aucun de ces fameux panneaux du XIIIe siècle, anticipant en cela sur la présence d'un cloître qui ne sera jamais construit. Dans les années 1460, le chapitre, désireux de conserver les Belles Verrières, chargea l'atelier Barbe de créer un complément pour les parties basses. Pour Saint-Sever, celui-ci choisit des scènes de la Passion (Portement de croix, Crucifixion, Descente de croix et Piéta), sans respect pour le registre du dessus : le haut de la croix empiète largement sur le panneau du XIIIe siècle (voir ci-contre à gauche).
Les Belles Verrières de la chapelle Saint-Sever sont datées des années 1200 à 1230. Elles illustrent des scènes de la vie de saint Nicolas, de sainte Catherine, du saint evêque Sever de Ravenne, du saint évêque Sever d'Avranches et des scènes de la vie de Job. Ces vitraux souffrent de nombreuses restaurations et de bouche-trous.
Source : Corpus Vitrearum (voir la chapelle nord Saint-Éloi).

CHAPELLE NORD SAINT-SEVER
«Laissez venir à moi les petits enfants»
«Laissez venir à moi les petits enfants»
Tableau dans la chapelle Saint-Sever.
Auteur anonyme, époque non précisée.
Les Belles Verrières, extrait de la baie 51
Le Christ dans la Crucifixion de Guillaume Barbe
Le Christ dans la Crucifixion de Guillaume Barbe.
Chapelle Saint-Sever.
Vitrail des Belles Verrières : la Légende de saint Sever
Vitrail des Belles Verrières : la Légende de saint Sever.
Ayant appris sa mort imminente, saint Sever de Ravenne se couche
dans son tombeau entre sa femme et sa fille (vers 1220-1230).
Vitrail des Belles Verrières : la Légende de saint Sever
Vitrail des Belles Verrières : la Légende de saint Sever.
Saint Sever, évêque d'Avranches, nourrit les affamés.
(vers 1220-1230).
Scènes de la Passion du Christ par l'atelier de Guillaume Barbe (1468-1469)
Scènes de la Passion du Christ par l'atelier de Guillaume Barbe (1468-1469).
Cette verrière a été refaite en très grande partie.
Chapelle Saint-Sever.
«Saint Paul devant le roi Agrippa II et sa 'reine-sœur' Bérénice»
«Saint Paul devant le roi Agrippa II et sa 'reine-sœur' Bérénice»
Tableau anonyme du XVIIe siècle dans la chapelle Saint-Sever.

Le vitrail de la Passion créé par l'atelier Barbe, vers 1468-1469, pour boucher le bas du vitrail de la chapelle Saint-Sever, a subi de nombreuses restaurations. Rares sont les têtes qui ne sont pas refaites. La première lancette, celle du Portement de croix, est très bien conservée, quoique, à l'évidence, le visage du Christ ne soit pas d'origine. Le reste de la lancette a seulement été restauré. On peut ainsi observer de près, dans les expressions de Marie, de Jean, de la sainte femme et des deux soldats romains, le travail de l'atelier Barbe à la fin des années 1460. Deux extraits en gros plan en sont donnés ci-dessous. Dans la Crucifixion (2e lancette), seul le visage du Christ et son expression de douleur sont du XVe siècle (voir ci-dessus à gauche). Dans la Descente de croix (3e lancette), les visages de Joseph d'Arimathie (sur l'échelle avec un bonnet bleu) et de Nicodème (au bas de l'échelle avec un bonnet rouge) sont d'époque. Le reste a été refait. Enfin, dans la Piéta à droite, le buste du Christ et son visage (donné ci-dessous) sont bien de l'atelier Barbe. Le reste a également été refait.
Source : Corpus Vitrearum (voir la chapelle nord Saint-Éloi).

Le Portement de croix
Le Portement de croix.
Scènes de la Passion du Christ.
Atelier de Guillaume Barbe, années 1460.
CHAPELLE NORD SAINTE-ANNE

Dans la chapelle Sainte-Anne se trouvent les vitraux à quatre lancettes et personnages - parmi les œuvres de l'atelier Barbe - qui sont les mieux conservés de la cathédrale de Rouen. Les saints et les saintes sont exposés quasiment dans l'état dans lequel ils ont été créés. L'encadrement architecturé a, quant à lui, été très restauré. Le vitrail date de 1465.
On donne ci-dessous en gros plan sainte Claire et sainte Marie-Madeleine. L'arrière-plan damassé y est superbe : c'est la griffe de l'atelier Barbe. Les vêtements sont précieux. Marie-Madeleine porte une robe de pourpre et un manteau doublé d'hermine. Ceux du saint évêque, d'Anne et de Marie sont à rattacher également aux vêtements luxueux des grandes familles de l'époque. On notera en revanche le peu de modelé des visages. Celui de sainte Marie-Madeleine est tellement plat qu'il se rapproche des visages des bandes dessinées. Source : voir la chapelle Saint-Éloi.

Sainte Claire dans la chapelle Sainte-Anne (1465)
Sainte Claire dans la chapelle Sainte-Anne (1465).
Remarquable damas de teinte violet rouge à l'arrière-plan.
Marie dans l'Éducation de la Vierge (Atelier Barbe, 1465)
Marie dans l'Éducation de la Vierge.
Atelier Guillaume Barbe, 1465.
Tête du Christ mort dans la Piéta
Tête du Christ mort dans la Piéta.
Scènes de la Passion du Christ.
Atelier de Guillaume Barbe (1468-1469).
Soldat romain dans le Portement de croix
Soldat romain dans le Portement de croix.
Scènes de la Passion du Christ.
Atelier de Guillaume Barbe (1468-1469).
CHAPELLE NORD SAINTE-ANNE
SAINTE CLAIRE, SAINT ÉVÊQUE ET DONATEUR, SAINTE MADELEINE, ÉDUCATION DE LA VIERGE
SAINTE CLAIRE, SAINT ÉVÊQUE ET DONATEUR, SAINTE MADELEINE, ÉDUCATION DE LA VIERGE.
Bandeau du vitrail de la chapelle Sainte-Anne (Atelier de Guillaume Barbe, année 1465).
Sainte Madeleine (Atelier Barbe, 1465)
Sainte Madeleine (Atelier Barbe, 1465).
Chapelle Sainte-Anne.
L'arrière-plan est occupé par un dama ocre-jaune à larges motifs.
Le Sacré-Cœur par F. Bogino, 1892
Le Sacré-Cœur par F. Bogino, 1892.
Chapelle Sainte-Anne.
CHAPELLE NORD SAINTE-AGATHE
Chapelle Sainte-Agathe
Chapelle Sainte-Agathe
et vitraux de Guillaume Barbe (1468).
SAINT VICTOR, VIERGE À L'ENFANT, SAINTE AGATHE, SAINT SÉBASTIEN
SAINT VICTOR, VIERGE À L'ENFANT, SAINTE AGATHE, SAINT SÉBASTIEN.
Bandeau du vitrail de la chapelle Sainte-Agathe (Atelier Guillaume Barbe, 1468), Baie 55.

Dans la chapelle Sainte-Agathe figurent quelques beaux morceaux de l'art de Guillaume Barbe. Le vitrail à quatre personnages, de 1468, comprend une scène du martyre de sainte Agathe avec un bourreau au visage plus vrai que nature. Il est rendu soigneusement laid avec verrue et bosse. Le visage de la sainte est en revanche un ajout postérieur assez grossier qui jure avec le magnifique travail à --»»

Sainte Agathe
Sainte Agathe.
Atelier de Guillaume Barbe, 1468.
Statue de saint Nicaise
Statue de saint Nicaise.
Fin du XVIe, début du XVIIe siècle.
Le bourreau de sainte Agathe
Le bourreau de sainte Agathe.
Atelier de Guillaume Barbe, 1468.
Saint Sébastien, détail
Saint Sébastien, détail.
Atelier de Guillaume Barbe, 1468.
Saint Sébastien
Saint Sébastien.
Atelier de Guillaume Barbe, 1468.

--»» la brosse qui transparaît dans celui du bourreau. Le «Saint Sébastien» (4e lancette) est considéré comme une œuvre d'origine. Le beau visage résigné et douloureux du saint est donné en gros plan ci-dessous. Source : Corpus Vitrearum (voir la chapelle Saint-Éloi).

Les pêcheurs
Les pêcheurs
Tableau anonyme dans la chapelle Sainte-Agathe.
CHAPELLE NORD SAINT-NICOLAS
Chapelle Saint-Nicolas
Chapelle Saint-Nicolas
et sa belle grille en fer forgé du XVIIIe siècle.
Le haut de la grille en fer forgé du XVIIIe siècle
Le haut de la grille en fer forgé du XVIIIe siècle.
Sainte Marguerite et le dragon
Sainte Marguerite et le dragon.
Le motif derrière la sainte est un unicum (voir l'encadré).
Atelier de Guillaume Barbe, 1466.
«Sainte Cécile pleurée par trois compagnes»
«Sainte Cécile pleurée par trois compagnes».
Bas-relief du soubassement de l'autel de la chapelle Saint-Nicolas.
CHAPELLE NORD SAINT-JEAN-DE-LA-NEF
Le vitrail de la chapelle Saint-Jean-de-la-Nef
Le vitrail de la chapelle Saint-Jean-de-la-Nef.
«Les Belles Verrières» du XIIIe siècle sont dans la partie haute.
Les scènes de la vie de saint Jean et de sainte Madeleine réalisées par
l'atelier de Guillaume Barbe (1468-1469) sont dans la partie basse.
Statue de sainte Cécile
Statue de sainte Cécile.
Œuvre du sculpteur Clodion, 1777.
«La Mort de sainte Cécile» par Blazes (XIXe siècle)
«La Mort de sainte Cécile» par Blazes (XIXe siècle).

La chapelle nord Saint-Nicolas propose le type de vitrail commun aux chapelles latérales nord : quatre grands personnages en bandeau dans la partie basse, le reste étant un complément grillagé avec de petits motifs géométriques créé par l'atelier Gaudin (1960). Le vitrail a été restauré, notamment les visages de la Vierge et de l'Enfant dans la dernière lancette. En revanche, les deux premières (Marguerite et Madeleine) méritent un gros plan. Marguerite est accompagnée d'un très beau dragon qui s'avoue vaincu par les prières de la sainte. --»» 2/2

SAINTE MARGUERITE, SAINTE MADELEINE, SAINT NICOLAS, VIERGE À L'ENFANT
SAINTE MARGUERITE, SAINTE MADELEINE, SAINT NICOLAS, VIERGE À L'ENFANT.
Bandeau du vitrail de la chapelle Saint-Nicolas (Atelier de Guillaume Barbe, 1466). Baie 43.

2/2 --»» Dans son ouvrage du Corpus Vitrearum, Caroline Blondeau nous apprend que le motif élaboré derrière sainte Marguerite est «un unicum composé d'un enchevêtrement de feuilles et de fruits peint en grisaille et jaune d'argent sur verre bleu» (voir ci-contre à gauche).
La chapelle, fermée par un belle grille du XVIIIe siècle, comprend aussi une statue et un soubassement d'autel dédiés à sainte Cécile.
Source : voir la chapelle nord Saint-Éloi.

Sainte Marie Madeleine (1466)
Sainte Marie Madeleine (1466).
Atelier de Guillaume Barbe, 1466.
Beau damas à nuances de verts à l'arrière-plan, ici
un motif classique de l'atelier de Guillaume Barbe.
«Vierge à l'Enfant»
«Vierge à l'Enfant»
École de Provence, XVIIe siècle.
CHAPELLE NORD SAINT-JEAN-DE-LA-NEF
«Les Belles verrières», XIIIe siècle
«Les Belles verrières», XIIIe siècle.
Chapelle Saint-Jean-de-la-Nef.
En haut : Saint Étienne se défend contre ses accusateurs.
Les deux panneaux au-dessous constituent la signature
des corporations qui ont offert des vitraux à la cathédrale : charpentiers, bâtisseurs d'églises et mégissiers au travail.

La chapelle Saint-Jean-de-la-Nef contient la seconde partie des vitraux du début du XIIIe siècle, dits «Les Belles Verrières». Ils illustrent des scènes de la vie de saint Jean-Baptiste, sainte Catherine, saint Nicolas et saint Étienne.
Parmi ces panneaux figurent deux illustrations originales : celles des corps de métier qui ont offert des vitraux à la cathédrale : les charpentiers, les bâtisseurs d'églises et les mégissiers (c'est-à-dire les tanneurs de peaux). Ces deux panneaux sont donnés dans le vitrail ci-dessus. Les mégissiers sont bien visibles dans le panneau du bas, partie inférieure.
Comme à la chapelle Saint-Sever vue plus haut, le chapitre a demandé à Guillaume Barbe, en 1468, de remplir la partie basse du vitrail, jusqu'alors inutilisé. Le maître verrier a opté pour des scènes de la vie de saints et de saintes vénérés par les confréries qui occupaient la chapelle : Jean-Baptiste et Marie-Madeleine. On a ainsi : la décollation de Jean-Baptiste ; le repas chez Simon ; les saintes femmes au tombeau et un Noli me tangere.
Malheureusement, cette partie basse du XVe siècle est la plus fragmentaire des vitraux des bas-côtés. On s'en aperçoit aisément dans la photo ci-contre à gauche. Elle compte de nombreux bouche-trous, des restaurations et des ajouts postérieurs. Néanmoins quelques visages intéressants subsistent du XVe siècle. On donne à droite le beau visage du Christ dans le Noli me tangere, visage qui n'a pas été retouché.
Source : voir la chapelle nord Saint-Éloi.

Chapelle Saint-Jean-de-la-Nef
Chapelle Saint-Jean-de-la-Nef.
Sur l'autel, la Vierge dite Notre-Dame de Lourdes
est due au sculpteur Gauquié.
Décollation de saint Jean-Baptiste
Décollation de saint Jean-Baptiste.
«Les Belles verrières», XIIIe siècle.
Chapelle Saint-Jean-de-la-Nef.
Le Christ du Noli me tangere
Le Christ du Noli me tangere.
Atelier de Guillaume Barbe, XVe siècle.
LE COLLATÉRAL SUD ET SES CHAPELLES

Histoire des vitraux du collatéral sud, XIXe siècle.
Caroline Blondeau, dans son ouvrage sur «l'escu de voirre» [cf source] a développé un aspect historique passionnant pour tous ceux qui s'intéressent aux polémiques que les choix artistiques peuvent provoquer à travers les âges. Nous sommes au XIXe siècle, sous la Restauration. La présence de maisons à proximité immédiate du côté sud de la cathédrale entraîne, depuis des siècles, une dégradation lente des vitraux à cause de l'humidité et des infiltrations d'eau. Après des atermoiements et des essais de restauration, nous arrivons sous le Second Empire. Le ministère du Culte lance en 1858 une campagne de restauration générale des fenêtres de la cathédrale. Elle ne démarrera que dix ans plus tard, menée par les architectes diocésains Barthélémy et Desmarets et sous la supervision d'Eugène Viollet-le-Duc. Le devis prévoit une restauration «superficielle» de tous les vitraux des bas-côtés. Hormis les Belles Verrières du XIIIe siècle, ils sont tous du XVe et de l'atelier de Guillaume Barbe. Le peintre verrier Jules Boulanger est chargé de la tâche.
Ce qu'écrit alors Caroline Blondeau donne une idée du désastre qui va suivre : «Si à l'heure actuelle, la restauration se fonde sur le respect de la substance ancienne et s'arrête là où commence l'hypothèse, la conception des architectes diocésains et par eux celle de Viollet-le-Duc consistait à restituer l'œuvre dans son état primitif, telle qu'elle a été conçue ou telle qu'elle devait être en la débarrassant de toutes les modifications accumulées au fil des siècles.» Ce qui veut dire retrouver les verrières du XIIIe siècle de la nef, sans respect de l'apport du XVe.
Ajoutons ici que c'est parfois même pis. La cité de Carcassonne, restaurée par Viollet-le-Duc, en est l'exemple le plus connu. Le maître ne reculait pas devant les incohérences historiques. Il a reconstruit tout ce qui avait été bâti dans le passé, Ainsi, pour rester sur --»»

Élévations sud à quatre niveaux
Élévations sud à quatre niveaux.
Hormis les vitraux de Max Ingrand qui resplendissent dans la partie basse, cette photo montre le triforium.
C'est ici un étroit passage bordé par une balustrade formée d'arcatures en arc brisé.
Le triforium change d'aspect dans les deux travées près du chœur
Dans les deux travées près du chœur, le triforium change d'aspect. C'est une
claire-voie très ajourée qui rappelle fortement le triforium de Saint-Ouen.

Histoire des vitraux du collatéral sud, XIXe siècle (suite et fin)
--»» Carcassonne, si une tour de la cité n'a vu le jour qu'après la destruction de sa voisine, Viollet-le-Duc a fait reconstruire les deux côte à côte. Et tant pis pour la réalité historique !
Caroline Blondeau expose ensuite l'objet du scandale : «Lorsque le vitrail ancien est jugé trop altéré, Jules Boulanger est ainsi chargé de recréer l'œuvre telle qu'elle devait être au moment de sa commande.» Avec les conséquences que l'on devine : dans la pratique, sans prendre le devis en compte, qui va juger de l'altération du vitrail? Jules Boulanger ; qui a intérêt à juger les vitraux altérés pour placer les siens? Jules Boulanger.
Malgré la polémique qui va opposer, au sein de la commission des Antiquités de la Seine-Inférieure, les architectes diocésains aux véritables amoureux des arts, la position officielle prévaut. Déjà, dans les années 1860, les avertissements d'un membre de la commission, l'historien Eustache de la Quérière (1783-1870), n'ont servi à rien. Il s'était adressé à Viollet-le-Duc en personne pour lui demander de respecter les grandes verrières du XVe siècle. Cet expert, qui mérite d'être cité ici, connaît la manœuvre malhonnête à laquelle se livrent les verriers restaurateurs qui «se refusent trop souvent sans raison à restaurer des vitraux anciens recommandables par leur antiquité, afin de pouvoir faire du neuf et d'écouler leurs produits.» [extrait d'une lettre d'Eustache de la Quérière cité par Caroline Blondeau]. Les années passent ; la commission ne prend pas parti. Jules Boulanger donne libre cours à son travail de sape dans le collatéral sud : soit la verrière est jugée trop altérée et il la dépose en caisse ; soit, écrit Caroline Blondeau, «il restaure abusivement les œuvres subsistantes et ainsi dénature totalement le collatéral sud.» Les vitraux déposés sont remplacés par des copies fidèles - de l'atelier Boulanger - et stockés dans la tour Saint-Romain.
Le lecteur a bien sûr deviné la suite : ces vitraux seront volés, nécessairement par quelqu'un qui avait accès au magasin de la cathédrale (Jules Boulanger ou un de ces assistants?) À leur place, dans les caisses, on trouvera des pierres... Caroline Blondeau précise que la chose était facile puisque le poste de gardien du magasin avait été supprimé en 1885 (!) Vu le blanc-seing que la commission des Antiquités de la Seine-Inférieure, en refusant de prendre parti dans la polémique, lui avait laissé, il était facile à Jules Boulanger d'outrepasser sa tâche. Ainsi, dans la chapelle sud Saint-Léonard, où l'on voit à l'heure actuelle une grande verrière de Max Ingrand des années 1960, Caroline Blondeau indique qu'il y avait en 1908, selon des témoignages de l'époque, des vitraux modernes, c'est-à-dire des copies des vitraux de Guillaume Barbe (saints Léonard, Jacques, Christophe et Eustache). En 1908, le peintre verrier Boulanger était toujours en charge des vitraux de la cathédrale. Et notre auteur ajoute : «Pourtant la verrière de la chapelle Saint-Léonard n'est pas signalée 'à remplacer' dans le devis initial des architectes diocésains.» Boulanger en a pris à son aise.
Comme on peut s'y attendre, ces chefs-d'œuvre du XVe siècle ne seront pas perdus pour tout le monde. Au fil des décennies, on les retrouve dans les salles de vente européennes, les musées, les magasins d'antiquités, souvent par fragments. Parfois même aux États-Unis. Selon toute vraisemblance, il s'en trouve dans la collection particulière du magnat de la presse américain, William Hearst.
Les copies «fidèles» mises en place par Jules Boulanger ne seront pas déposées en 1939 et seront soufflées par le bombardement allié d'avril 1944. C'est l'atelier parisien du maître verrier Max Ingrand qui sera chargé d'orner les fenêtres de quelques chapelles latérales sud à la fin des années 1950.
Source : Le vitrail à Rouen, 1450-1530, «L'escu de voirre» de Caroline Blondeau. Corpus Vitrearum, © Presses Universitaires de Rennes, 2014.

Suite de chapelles latérales dans le collatéral sud
Suite de chapelles latérales dans le collatéral sud.
Au premier plan, à gauche, la chapelle Saint-Pierre et son vitrail de Max Ingrand.
Selon le Corpus Vitrearum, on ne sait pas si les vitraux d'origine
(XVe siècle) ont été détruits ou volés.
CHAPELLE SUD SAINT-ÉTIENNE-LA-GRANDE-ÉGLISE
La chapelle Saint-Étienne-la-Grande-Église
La chapelle Saint-Étienne-la-Grande-Église
est située au rez-de-chaussée de la tour de Beurre.
C'est l'ancienne chapelle de la paroisse Saint-Étienne.
La Pêche miraculeuse (vers 1500)
La Pêche miraculeuse (vers 1500).
Chapelle Saint-Étienne-la-Grande-Église.
Chapiteau sur un pilier à l'entrée de la chapelle
Chapiteau sur un pilier à l'entrée de la chapelle.
Chapelle Saint-Étienne-la-Grande-Église.

La chapelle Sainte-Étienne-La-Grande-Église, salle basse de la tour de Beurre, est parfois oubliée par les visiteurs : la boutique des livres et des souvenirs se trouve juste devant et peut agir comme un frein à l'entrée. Néanmoins, elle propose une vitrerie magnifique qu'il faut avoir vue. Pour le côté historique de cette chapelle, voir l'encadré sur la tour de Beurre.
La verrière de la chapelle Saint-Étienne se compose de deux séries. L'une est au premier niveau et représente un Credo apostolique incomplet. On y voit les saints Pierre, André, Jacques le Majeur, Jean l'évangéliste, Paul et Jude dans des niches gothiques. Chacun d'entre eux tient un phylactère contenant un verset du Credo. L'autre est au second niveau et illustre la Vie glorieuse du Christ : Ascension, Incrédulité de saint Thomas, les Pèlerins d'Emmaüs et Vocation de  --»» 2/3

L'Ascension (vers 1500)
L'Ascension (vers 1500).
Chapelle Saint-Étienne-la-Grande-Église.

2/3 --»»  saint Pierre. Ils sont ornés d'une architecture flamboyante ou d'un paysage.
Un mystère entoure cette vitrerie : on ne sait pas qui en est l'auteur. Lors de la création de la tour, à la fin du XVe siècle, sa salle basse fut attribuée à la paroisse Sainte-Étienne-la-Grande-Église et les paroissiens s'engagèrent à orner les fenêtres de vitraux. Les commanditaires sont donc des personnes privées. Conséquence : les peintres verriers n'apparaissent pas dans les comptes de la fabrique. Bien que des indices puissent en donner une certaine paternité à Jean Barbe dans les années 1525, Caroline --»» 3/3

Priant de Claude Groulard
Priant de Claude Groulard,
Premier président du Parlement de Normandie (†1607).
Marbre blanc, XVIIe siècle.

3/3 --»» Blondeau, dans sa thèse de 2012 sur l'histoire de l'atelier de l'écu de verre, énumère les arguments qui réfutent cette hypothèse en se livrant à un véritable travail de limier. Élément clé, le style ne correspond pas à ce qu'on pratiquait à la fin du premier quart du XVIe siècle, mais doit plutôt être rattaché aux années 1500-1510. En effet, les formes accusent une expressivité «brute» conforme à cette période de l'art du vitrail. L'historien et spécialiste du vitrail Jean Lafond renvoie même quelques vitraux à l'école de Souabe et d'Alsace...
Le style des différentes verrières de la chapelle possède nombre de points communs, notamment le dessin des veines des mains, les sourcils parfois exagérément broussailleux et le mode de carnation des visages qui utilise des verres de couleurs variées. Caroline Blondeau conclut à une forte probabilité en faveur d'un seul atelier, mêlant diverses mains pour le travail sur les cartons.
L'origine du beau «Père Céleste» (photo ci-contre), dans le tympan d'une fenêtre, pose aussi de gros problèmes à notre enquêtrice. Certes, un document d'époque atteste du paiement de cette œuvre par la fabrique à Olivier Tardif. Mais les rognures observées, les incohérences dans l'assemblage des panneaux, tout comme le manque de précision dans la signification des mots employés sur la facture pour décrire le vitrail rendent difficile de conclure quant à la part exacte prise par Olivier Tardif, membre associé de l'atelier Barbe. L'atelier était en charge de l'entretien des vitraux de la chapelle. Or celle-ci était souvent exposée à des vents violents et les réparations étaient nombreuses. Le travail d'historien n'est pas chose facile et notre auteur ne peut donner aucun nom de maître verrier avec certitude.
Il n'en reste pas moins que les commanditaires ont dépensé beaucoup d'argent pour l'ensemble de la vitrerie de leur paroisse. On note parmi eux Michel Flandrin, marchand chandelier, fournisseur de la cathédrale et, de plus, bourgeois associé à la gestion de la ville. On trouve aussi la famille Pillois dont plusieurs membres sont notaires à la vicomté et au baillage. L'importance des sommes offertes aboutit à une verrière riche de scènes très étoffées. Caroline Blondeau écrit : «La subtilité des damas, la multiplicité des cabochons, phylactères et autres ornements mis en valeur par des techniques coûteuses (comme les nombreux chefs-d'œuvre et les verres doublés gravés) sont autant de détails précieux qui confèrent à ces verrières une grande richesse.»
Sources : 1) Le vitrail à Rouen, 1450-1530, «L'escu de voirre» de Caroline Blondeau. Corpus Vitrearum, © Presses Universitaires de Rennes 2014 ; 2) Rouen, Primatiale de Normandie, © La Nuée bleue 2012.

La Pêche miraculeuse (vers 1500), détail
Vocation de saint Pierre et Pêche miraculeuse (vers 1500), détail.
Chapelle Saint-Étienne-la-Grande-Église.

Claude Groulard et la conversion d'Henri IV. On trouve souvent dans les grandes églises des priants ou des gisants d'hommes et de femmes, connus dans leur région à leur époque, mais qui ne rappellent rien aux visiteurs, et souvent rien non plus aux historiens. C'est le cas à la cathédrale de Rouen pour le beau priant de Claude Groulard, premier président du Parlement de Normandie. Le gisant de son épouse (donné plus bas à droite) repose dans la même chapelle Saint-Étienne. Il se trouve que Claude Groulard, contemporain d'Henri IV, a laissé une trace intéressante dans l'épineux problème de la conversion du roi de Navarre en juillet 1593.
Pourquoi Henri IV s'est-il converti au catholicisme? À cette question, la majorité des historiens répondent : par opportunisme politique. En restant membre de la religion réformée, il lui était impossible de monter sur le trône de France, pays à large majorité catholique. Son ami Sully, huguenot de la tête aux pieds, le savait bien et il lui conseillait d'abjurer pour ceindre la couronne. En 1589, avec sa déclaration du 4 août, le roi de Navarre s'était engagé, par de multiples promesses, à se faire instruire dans la foi catholique. Mais il tardait, ne voulant pas se brouiller avec ses amis protestants. La chose fut enfin faite en 1593. Évidemment, les catholiques de l'époque préférèrent croire qu'il s'était converti par conviction religieuse. Les protestants, de leur côté, ne manquaient pas d'arguments pour douter de sa sincérité. Déjà, après le massacre de la Saint-Barthélemy en 1572, le roi de Navarre s'était converti au catholicisme... pour revenir au sein des huguenots peu après.
Démêler le vrai du faux est un chemin difficile car les textes des contemporains se contredisent. Revenons en arrière. En 1592, après trois ans d'hésitations, la pression contre Henri se renforce : il y a menace, du côté de la Ligue, de choisir un roi catholique dans la famille du cardinal de Bourbon, et, du côté de l'Espagne, de voir le roi s'ingérer officiellement dans les affaires françaises en se déclarant protecteur du royaume et en faisant valoir les droits au trône de France de Claire-Isabelle-Eugénie, fille d'Élisabeth de Valois et petite-fille d'Henri II. Le roi de Navarre doit donc se décider sans délai. Les Grands du parti catholique l'y poussent. Sully et Gabrielle d'Estrées l'y poussent aussi. La favorite espère ainsi que le roi divorcera (par autorisation morale «officielle» que seul le pape de Rome peut donner) et l'épousera...
Il y a aussi un argument humain à ne pas négliger. Henri est un grand voyageur. Il connaît l'état de la France, il a vu la misère du pays et la détresse des paysans. Les campagnes, parcourues par la soldatesque depuis des années, sont ruinées. S'il devient roi de France, il rétablira la paix. Et le travail, dans la paix, ramènera la prospérité. En tant que croyant, c'est là le chemin qui mène au salut. Ainsi parle-t-il au ministre Lafaye qui vient le trouver pour le conjurer de rester dans la foi réformée. Récapitulons ce qui a pu être sa démarche intellectuelle, d'après les témoignages historiques : «je me convertis, je deviens roi, je ramène la paix, le peuple français sort de sa misère, ainsi j'assure mon salut.» Ce processus en cinq étapes, qui s'adapte fort bien à un homme pieux, au seuil du Pouvoir, déchiré par la détresse des campagnes et qui désire faire le bien, peut très facilement être réduit à trois : «je me convertis, je deviens roi, ainsi j'assure mon salut.» Voilà un schéma idéal pour séduire les catholiques. Catholiques qui, en dépit de la haine religieuse répandue dans le royaume, reconnaissent le droit d'Henri à la couronne et acceptent de le voir sur le trône de saint Louis, mais en tant que sujet du pape. Problème : s'il se convertit, comment convaincre les catholiques de sa bonne foi?
Vers la mi-juillet 1593, Henri convoque à Saint-Denis une vingtaine de prélats. Il leur fixe pour tâche d'en désigner quatre parmi eux, avec lesquels il a décidé de discuter des thèmes essentiels de la foi catholique. Le lendemain, la fameuse discussion dure cinq heures. D'après le procès-verbal, Henri en est ressorti convaincu que le catholicisme était la vraie religion... Mais la relation du mémorialiste bien connu Pierre de L'Estoile affirme le contraire. Le roi et les prélats auraient bataillé dur autour des thèmes de désaccord (l'autorité du pape, le purgatoire, l'Eucharistie, etc.) Qui croire? Henri ruse-t-il?
C'est là que nous retrouvons le sieur Claude Groulard, premier président du Parlement de Rouen. On sait que, le lendemain de cette discussion de cinq heures, le roi fit chercher les premiers présidents des parlements de Paris et de Rouen. Selon Pierre de L'Estoile, Henri a tenu bon en marquant fermement ses distances avec les «badineries» catholiques, comme le purgatoire. Pour Claude Groulard, c'est l'inverse. Le texte de l'historien Pierre de Vaissière, paru dans la Revue d'histoire de l'Église de France [cf source] et qui sert de support à cet encadré, rapporte une relation de cet important personnage. Le roi, écrit Groulard, «nous représenta que, depuis que Dieu l'avait appelé à la couronne, tout son désir avait été de chercher les moyens de son salut, qu'il préférait à tous les biens du monde, et avait continuellement prié sa divine Majesté de lui en ouvrir le chemin, mais surtout depuis quelques jours, qu'il avait reconnu que ses sujets  --»» 2/3

Saint Pierre (vers 1500), détail
Saint Pierre (vers 1500), détail.
Chapelle Saint-Étienne-la-Grande-Église.
Saint André (vers 1500), détail
Saint André (vers 1500), détail.
Chapelle Saint-Étienne-la-Grande-Église.
Retable avec la Cène, le martyre de saint Étienne et la Crucifixion
Retable avec la Cène, le martyre de saint Étienne et la Crucifixion.
Chapelle Saint-Étienne-la-Grande-Église.
Le Père Céleste (années 1540?)
Le Père Céleste (années 1540?) attribué à Olivier Tardif (?)
Chapelle Saint-Étienne-la-Grande-Église.
Saint Pierre et saint André (vers 1500)
Saint Pierre et saint André (vers 1500).
Chapelle Saint-Étienne-la-Grande-Église.
Le vêtement de saint André (vers 1500)
Le vêtement de saint André (vers 1500).
Chapelle Saint-Étienne-la-Grande-Église.

2/3  --»»  catholiques le désiraient, et qu'il s'était mis entre les mains de quelques théologiens, où il avait tant profité à conférer avec eux qu'il confessa, après avoir induit et s'être enfin résolu de faire profession de la religion catholique ; et encore qu'il eût en ses jeunes ans été nourri en profession contraire et confirmé en cette opinion, toutefois que, par la grâce du Saint-Esprit, il commençait à prendre goût aux raisons qu'ils lui avaient été alléguées.» Le 25 juillet 1593, dans la cathédrale Saint-Denis, le roi de Navarre abjura. Il entra solennellement dans la religion catholique et entendit la messe.
Ainsi, pour les catholiques de l'époque (et peut-être postérieurs), la cause est entendue : le roi de Navarre s'est converti par conviction religieuse. Et l'une des preuves définitives en est apportée par celui dont le priant de marbre trône dans la chapelle Saint-Étienne de la cathédrale de Rouen...
Il est clair que nous avons deux sons de cloche : les prélats et Claude Groulard d'un côté, le très crédible Pierre de l'Estoile de l'autre. Qui croire? Peut-on taxer l'une ou l'autre partie de mensonge ou d'affabulation?
Prenons le problème autrement : que fait un homme intelligent, convaincu que son devoir est de ramener la paix et qui évolue parmi des nobles, des évêques et des pasteurs bornés, persuadés que le camp adverse est voué à l'enfer, qui, de plus, sont parfois les chefs de fanatiques prêts à égorger ceux qui croient que le corps du Christ est présent dans l'hostie consacrée au moment de l'Eucharistie, ou, inversement, à égorger ceux qui ne le croient pas? Nécessairement, il ruse. En s'abstenant de prendre parti. Plus exactement, en prenant parti des deux côtés. Il en acquiert un sentiment de supériorité et de détachement qui absout les mensonges. Au milieu de gens obtus, convaincus de détenir la vérité, c'est la seule  --»» 3/3

Gisant de Barbe Guiffard, épouse de Claude Groulard, †1599
Gisant de Barbe Guiffard, épouse de Claude Groulard, †1599.
Statue du XVIIe siècle, marbre blanc.
Chapelle Saint-Étienne-la-Grande-Église.
Priant de Claude Groulard, marbre blanc, XVIIe siècle
Priant de Claude Groulard, marbre blanc, XVIIe siècle.
Premier président du Parlement de Normandie (†1607).
Claude Groulard joua un rôle dans la conversion d'Henri IV au catholicisme en 1593.

Claude Groulard et la conversion d'Henri IV (suite et fin).
3/3  --»» voie pour arriver à ses fins. Aux premiers présidents des parlements, on dit une chose ; à d'autres, une fois la réunion terminée, on dit le contraire. Claude Groulard et Pierre de L'Estoile ont vraisemblablement raison tous les deux... Voulant en finir avec la détresse du peuple, on se dit qu'Henri IV avait le droit moral de dire à chaque intolérant ce qu'il voulait entendre. Et tout cela aboutit à la thèse largement répandue de l'opportunisme politique.
Le nouveau roi de France n'était pas au bout de ses peines : bien des catholiques et des protestants ne crurent pas à sa sincérité. On sait que, du côté de l'opposition catholique, il dut guerroyer pendant près de dix ans contre la Ligue pour affermir sa couronne. Du côté protestant, pas d'illusion non plus. Pierre de L'Estoile rapporte que le soir de ce fameux 25 juillet 1593, le roi alla se baigner. Les Huguenots disaient «qu'il s'était allé laver du péché qu'il avait commis à ouïr sa belle messe.»
Les historiens ont souvent du mal à intégrer le sentiment de supériorité que confère, dans un monde d'intolérance religieuse, la volonté de se détacher de ces problèmes de foi. Dans l'histoire anglaise moderne, quand l'anglicanisme, le catholicisme et le protestantisme jouaient au yoyo au sommet de l'État (règnes successifs d'Henry VIII, Édouard VI, Marie Ière Tudor et Élisabeth Ière), les gens de l'appareil d'État changeaient de religion comme de chemise pour complaire au souverain du moment. Des historiens anglais actuels ont été jusqu'à les qualifier de «girouettes». Là encore, il faut faire la part des choses : ces gens géraient l'État anglais et voulaient assurer une certaine continuité politique. Le souci de religion passait après les multiples soucis de gestion du royaume en économie, finances, justice, relations extérieures, etc. Le fait de passer sans discuter d'une religion à l'autre peut s'analyser comme une sorte de mépris - et de supériorité - envers les esprits fanatiques qui envoient sur le bûcher ou font décapiter ceux qui refusent de se plier aux dogmes du souverain.
Source : La Conversion d'Henri IV de Pierre de Vaissière, conservateur adjoint aux Archives nationales, Revue d'histoire de l'Église de France, tome 14, n°62, 1928.

L'incrédulité de saint Thomas (vers 1500), Baie 58.
L'incrédulité de saint Thomas (vers 1500), Baie 58.
Chapelle Saint-Étienne-la-Grande-Église.
L'Ascension (vers 1500), détail. Baie 56.
L'Ascension (vers 1500), détail. Baie 56.
Chapelle Saint-Étienne-la-Grande-Église.
CHAPELLE SUD SAINT-PIERRE    &    CHAPELLE SUD SAINTE-MARGUERITE
Saint Joseph, l'Ascension du Christ et saint Éloi
Saint Joseph, l'Ascension du Christ et saint Éloi.
Vitrail de l'atelier Max Ingrand (années 1960).
Chapelle Saint-Pierre.
«L'Offrande des bâtisseurs»
«L'Offrande des bâtisseurs»
Groupe sculpté de Lagriffoul, 1955.
Chapelle Saint-Pierre.
Vierge à l'Enfant par le sculpteur rouennais Lecomte, 1777
Vierge à l'Enfant par le sculpteur rouennais Lecomte, 1777.
Chapelle Sainte-Marguerite.
CHAPELLE SUD SAINT-LÉONARD
Chapelle Saint-Léonard
Chapelle Saint-Léonard.
Le vitrail de Max Ingrand remplace
des vitraux du XVe siècle égarés ou volés.
Épisodes de l'Ancien Testament, détail. Baie 50.
Épisodes de l'Ancien Testament, détail. Baie 50.
Atelier de Max Ingrand, chapelle Saint-Léonard.
Épisodes de l'Ancien Testament dans la chapelle Saint–Léonard
Épisodes de l'Ancien Testament dans la chapelle Saint-Léonard :
L'entrée dans la Terre promise et le Paradis terrestre.
Verrière de l'atelier Max Ingrand (années 1960).

Le vitrail à quatre personnages créé par l'atelier Barbe au XVe siècle a disparu
après le travail de restauration de Jules Boulanger. Voir l'encadré.
Vierge à l'Enfant par Lecomte, 1777. Détail
Vierge à l'Enfant par Lecomte, 1777, détail.
Chapelle Sainte-Marguerite.
CHAPELLE SUD DU PETIT SAINT-ROMAIN
Chapelle du Petit Saint-Romain
Chapelle du Petit Saint-Romain.
Autel et bas-relief de la Renaissance dans le soubassement
Autel et bas-relief de la Renaissance dans le soubassement.
Chapelle du Petit Saint-Romain.
«La Sainte Famille»
«La Sainte Famille»
Tableau anonyme, fin XVIIe, début XVIIIe siècle.
Chapelle Sainte-Marguerite.
«Christ aux outrages »
«Christ aux outrages».
Statue de saint Antoine
Statue de saint Antoine
Marbre, XVIIIe siècle.
Chapelle Saint-Léonard .
Scène de la vie de saint Romain, XVIe siècle
Scène de la vie de saint Romain, XVIe siècle.
Chapelle du Petit Saint-Romain.
CHAPELLE SUD SAINTE-CATHERINE

La chapelle Sainte-Catherine est la seule à avoir résisté au bombardement du 19 avril 1944. Ses arcs-boutants ont tenu bon sous le souffle des explosions. Grâce à eux, la nef ne s'est pas s'écroulée. Cette petite chapelle est plus riche que les autres. L'autel, le retable et les lambris sont du XVIIe siècle. Les panneaux peints illustrent la vie de saint Brice, mais leur qualité artistique laisse un peu à désirer. Au centre du retable, on peut voir une belle toile du XVIe siècle illustrant la Flagellation et donnée ci-dessous.
La verrière de cette chapelle sud est la seule qui ait réussi à passer le cap des restaurations poussées du XIXe siècle. Au moins, elle n'a pas été volée comme les verrières des autres chapelles sud (voir plus haut). Malheureusement, l'impact des restaurations fait qu'elle relève plus de la main de Jules Boulanger que de l'atelier de Guillaume Barbe. Le Corpus Vitrearum indique que seul le saint Nicolas (donné à droite) peut être rattaché au XVe siècle.
Source : Corpus Vitrearum (voir la chapelle nord Saint-Éloi).

«La Flagellation», École italienne du XVIe siècle
«La Flagellation», École italienne du XVIe siècle.
Chapelle Sainte-Catherine.
CHAPELLE SUD SAINTE-CATHERINE
Le retable et les panneaux peints sur la vie de saint Brice
Retable et panneaux peints du XVIIe siècle sur la vie de saint Brice,
évêque de Tours au Ve siècle dans la chapelle Sainte-Catherine.
Saint Nicolas, XVe siècle
Saint Nicolas, XVe siècle.
Chapelle Sainte-Catherine.
LA VIERGE, SAINT SIMON, SAINT NICOLAS, SAINTE CATHERINE
LA VIERGE, SAINT SIMON, SAINT NICOLAS, SAINTE CATHERINE.
Bandeau du vitrail de la chapelle Sainte-Catherine, baie 44.
Seule la troisième lancette, Saint-Nicolas, est de l'atelier de Guillaume Barbe (1466-1467).
Les autres lancettes, trop restaurées, doivent être regardées comme des recréations du XIXe siècle.
CHAPELLE SUD SAINTE-COLOMBE
«La Culture du blé», détail
«La Culture du blé», détail.
Vitrail de l'atelier Max Ingrand (1956).
Chapelle sud Sainte-Colombe.
«La Sainte Famille» de Voterrano, XVIIe siècle
«La Sainte Famille» de Voterrano, XVIIe siècle.
Chapelle sud Sainte-Colombe.

La chapelle Sainte-Colombe, dite du Blé Eucharistique accueille une grande verrière de Max Ingrand, datée de 1956, très symbolique du rapport entre la culture du blé et l'Eucharistie. On y voit le labourage, les semailles, le fauchage et le ramassage des blés. La verrière initiale de l'atelier de Guillaume Barbe (avec des scènes de la vie de sainte Catherine), a été volée à la fin du XIXe ou au début du XXe siècle (voir encadré sur les vitraux du collatéral sud).

«Le Mariage mystique de sainte Catherine» de Voterrano, XVIIe siècle
«Le Mariage mystique de sainte Catherine» de Voterrano, XVIIe siècle.
Chapelle sud Sainte-Colombe.

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